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Brossard : la directrice des RH à l’origine d’un « climat malsain » 

le mardi 16 juillet 2024
Modifié à 16 h 06 min le 15 juillet 2024
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Martine Alie (Photo Ville de Brossard)

Des gestes, comportements ou décisions reprochés à la directrice des ressources humaines de Brossard Martine Alie constituent le point commun des sept témoignages de cadres, employés et anciens employés récoltés par Le Courrier du Sud. On lui reproche notamment d’établir un climat «malsain», de contrevenir à des règles et d’agir «pour son propre profit». La CNESST mène une enquête à son sujet à la suite de quatre plaintes pour harcèlement ou lésions professionnelles déposées contre elle. Elle occupe ce poste depuis mai 2023.

Violence et dénigrement

«Mme Alie, c’est quelqu’un qui est très violent verbalement, exprime une première cadre. Puis, un moment donné, tu n’en peux plus [de cette violence].»

Des employés rapportent des situations précises où Mme Alie isole des employés qu’elle juge problématiques, prétexte qu’un employé en déteste un autre, use de manipulation et se victimise fréquemment – menaçant de démissionner lorsqu’un élément de son travail est remis en question. Il peut lui arriver de faire des crises devant des employés. 

«Mme Alie, c’est beaucoup diviser pour régner. Elle est très bonne pour monter les gens les uns contre les autres, analyse une deuxième cadre. Et elle ne se soucie peu de la recherche de la vérité. Elle travaille avec les perceptions et les ouï-dire.»

Selon les éléments rapportés au Courrier du Sud, Mme Alie peut parler négativement d’un employé à un autre. On l’a déjà entendue utiliser le terme «insignifiant» pour qualifier un collègue. En pleine réunion, elle a qualifié de «fatigante» une employée qui n’assistait pas à la rencontre.

De plus, une cadre juge certaines méthodes de travail plutôt «cavalières», alors que des employés ont appris lors de rencontres devant des collègues qu’ils n’ont pas obtenu le poste qu’ils convoitaient. Deux cas différents de cette pratique nous ont été rapportés.

Moins d’arrêts de travail

Mme Alie aurait aussi reproché à des collègues d’avoir accepté des congés de maladie, bien que des certificats médicaux les justifiaient. 

Elle aurait ainsi incité son équipe à refuser des arrêts de travail, s’inquiétant particulièrement du nombre d’employés en invalidité pour des motifs psychologiques, plutôt que «de développer un programme préventif et de sensibilisation, comme dans la majorité des organisations de nos jours», critique une cadre. 

Elle y voit une volonté de «casser» les gens et de les «briser psychologiquement, pour mieux les contrôler», plutôt que de les accompagner.  

Mme Alie pouvait aussi émettre des commentaires désobligeants à l’égard d’un employé en congé personnel. «On entend ça, comment elle traite les gens. C’est épouvantable», exprime l’une des cadres.

«Ce sont les congés de maladie, les quittances, les avis disciplinaires… On est dans un contexte où il n’y a pas de main-d’œuvre et on ne fait pas attention à ceux qui restent. On détruit les gens», déplore une autre cadre. 

«C’est le ton qui s’est durci depuis l’arrivée de Martine Alie, tant dans la gestion des invalidités que dans la gestion des employés qui ne penseraient pas unilatéralement comme la direction», poursuit-elle.

Selon la recherche du Courrier du Sud, trois avis disciplinaires et deux congédiements ont été opérés au sein de la Ville depuis l’arrivée de Mme Alie. Entre 2022 et son arrivée, on recense deux avis disciplinaires.

Selon nos sources, les deux employés que Mme Alie a congédiés auraient appris la nouvelle par huissier. 

Offre d’emploi sur mesure

Ils ont engagé une nouvelle directrice RH qui fait des choses qui sont…, avance une cadre, avant d’interrompre sa phrase. J’ai rarement vu une personne qui, pour atteindre son objectif, est aussi malicieuse.»

Des employés laissent entendre qu’elle a abaissé les exigences d’un poste afin d’être en mesure d’embaucher une ancienne collègue. 

En décembre 2023, Mme Alie a embauché une candidate en tant que conseillère en ressources humaines - gestion des invalidités, santé et mieux-être. 

Parmi les expériences de travail énumérées sur la page LinkedIn de cette personne, on compte un passage de plus de trois ans au Réseau de transport de Longueuil, où elle a côtoyé Mme Alie qui y œuvrait comme directrice des ressources humaines.   

Dans l’offre d’emploi pour combler ce poste, il était notamment indiqué qu’un baccalauréat est exigé. L’offre spécifie que «toute autre combinaison de scolarité et d’expérience jugée pertinente et équivalente pourrait être considérée».
Or, cette précision ne semble pas courante dans les offres d’emploi de Brossard.

Selon des employés, un baccalauréat est exigé pour occuper un poste de conseiller, et même pour un poste d’agent, qui se trouve à un niveau inférieur. 

Une autre offre d’emploi pour un conseiller en ressources humaines indique en effet qu’un baccalauréat est exigé, sans autre précision. Dans quatre offres d’emploi pour un agent en ressources humaines, dont une publiée en 2024, un baccalauréat est aussi à la liste des exigences. 

La personne que Mme Alie a embauchée ne détient pas de baccalauréat, selon sa page LinkedIn. 

De plus, l'affichage de poste s’est conclu le 5 novembre, soit avant que le conseil n'approuve la création du poste à même un nouvel organigramme à la séance du 14 novembre. La nouvelle embauche a été officialisée à la même séance. 

«Je n'ai jamais vu un concours s'effectuer aussi rapidement! dénonce une de nos sources. Il semble que Mme Alie puisse jouer avec les règles.»

Questionnée sur les exigences en matière de formation sans que ce cas précis soit évoqué, Mélanie Dokupil, chef de service en acquisition de talent et rémunération globale qui était présente à l’entrevue entre la Ville et Journal, indique qu’un diplôme de premier cycle est généralement exigé, mais qu’il peut être jumelé à une expérience ou une formation pertinente. 

«Même si ce n’est pas écrit sur l’affichage, pour tous les postes, on tient compte d’une combinaison expérience et formation, d’autant plus avec la pénurie de main-d’œuvre», expose-t-elle. 

Un affichage de poste et même une offre d’emploi – conditionnelle à l’approbation du conseil –, peuvent aussi être faites avant l’adoption par les élus de la création du poste, confirme Mme Dokupil.

«Exceptionnellement je l’autorise [le lancement du concours], pour accélérer l’embauche, ajoute le directeur général Guy Benedetti. Sinon, ça reporterait l’embauche et ils nous disent : on manque de ressources.» 

Par ailleurs, selon des employés, Mme Alie ne respecte pas la confidentialité qu’exige son poste, alors que des informations circulent sur des employés et leurs conditions de travail et que «des dossiers médicaux coulent». 

Un ensemble de comportements et de décisions font soupçonner une cadre que Mme Alie a été embauchée pour faire du ménage. «Sa façon de travailler, c’est de mettre les gens sur des plans de redressement pour mieux les congédier par la suite», souligne-t-elle.

«Elle ne cherche pas des solutions, elle cherche son propre profit.»

-Une cadre, à propos de la directrice des ressources humaines Martine Alie

«Climat de terreur»

L’accumulation de ce genre d’agissements aurait un impact sur le climat de travail.

«C’était devenu une espèce de climat de terreur où il ne fallait plus parler aux autres. Le mot se passait qu’elle faisait des affaires qu’il ne fallait pas. Le climat de travail s’est détérioré, ça s’est divisé en clans», souligne une ancienne employée. 

«Je m’entendais bien avec tout le monde avant, mais après, personne ne se parlait. On avait peur», ajoute une cadre.
«C’est le climat de terreur, les conversations très étanches, le dénigrement, la violence, l’isolement», résume l’une des cadres. 

Plaintes 

Au moins quatre plaintes ont été déposées pour harcèlement et/ou lésions professionnelles contre la directrice des ressources humaines auprès de la CNESST au cours des derniers mois. L’instance les a jugées recevables et mènera une enquête.

Une cinquième plainte pour harcèlement a aussi été déposée et jugée valide, mais la CNESST a refusé de faire enquête, pour des raisons administratives. 

La CNESST n’a pas voulu commenter ces dossiers pour des raisons de confidentialité.

La Ville et Mme Alie se sont réservés de tout commentaire, évoquant des processus en cours qui exigent la confidentialité.