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65 ans : défusion municipale, l’année où Brossard est redevenue ville

le mercredi 31 mai 2023
Modifié à 9 h 08 min le 28 juin 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Les défusions, abordées dans Le Courrier du Sud du 22 mai 2004. (Photo: Le Courrier du Sud − Archives)

Le 20 juin 2004, Brossard s’est exprimée pour redevenir une ville. Les citoyens ont voté à 81% en faveur de sa défusion de Longueuil, dont elle était l’un des arrondissements depuis 2002. Boucherville, Saint-Lambert et Saint-Bruno-de-Montarville ont fait de même. Retour sur les défusions municipales, période charnière de l’histoire de Brossard.

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«N’eût été cette bataille, nous ne serions pas là», n’hésite pas à dire Claudio Benedetti, conseiller municipal indépendant, qui a vivement milité en faveur de la défusion en 2004.

«Là», dans le sens de Brossard comme d’une ville en plein développement, frôlant aujourd’hui les 94 000 habitants.

«Si ne c’était de la défusion, nous serions au niveau de Saint-Hubert, un arrondissement de Longueuil. Notre développement aurait été celui de Longueuil», ajoute-t-il.

Sur le plan personnel, cette fusion représente aussi un tournant pour M. Benedetti, puisqu’elle signe son entrée en politique municipale.

Fusion forcée

S’appuyant sur une étude gouvernementale concluant au nombre trop élevé de municipalités au Québec, le Parti québécois, au pouvoir, a procédé à la fusion de dizaines de villes à la grandeur de la province. Le tout s’est concrétisé en janvier 2002.

Sur la Rive-Sud, Boucherville, Greenfield Park, Le Moyne, Saint-Hubert, Longueuil, Saint-Lambert et Saint-Bruno-de-Montarville devenaient Longueuil.

La fusion avait l’avantage, reconnaît M. Benedetti, de permettre aux anciennes villes de partager des services et dépenses, comme les services policier et incendie, les aqueducs et la cour municipale.

«Le gouvernement a créé cette agglomération sans tenir compte des aspirations des villes», déplore-t-il toutefois. Selon lui, cette opération était une «improvisation totale».

Zaki Thomas, président du comité pour la défusion de Brossard à l’époque, partage sensiblement le même avis : «on a dû subir la décision du Parti québécois et Brossard perdait les avantages qu’elle avait.»

MM. Thomas et Benedetti relèvent un autre irritant majeur pour les Brossardois, soit que la fusion avait été faite pour «absorber les déficits des municipalités». 

Comme Brossard, jeune ville en construction, «n’était pas dans le rouge, elle devait payer pour les autres, souligne Zaki Thomas. Et toutes nos taxes allaient directement pour améliorer la situation de Longueuil.»

Par ailleurs, Claudio Benedetti rappelle que la fusion de Brossard à Longueuil ne semblait pas un jumelage naturel. 

«À la rigueur», une réunion de Brossard et La Prairie aurait été à ses yeux plus harmonieuse, ces deux villes ayant d’ailleurs déjà partagé une même circonscription fédérale. Même le nom de Longueuil, pour dénommer l’ensemble de ces anciennes villes, faisait sourciller.

C’était le «désordre total», résume-t-il.

Mobilisation

En 2003, le gouvernement de Jean Charest a été élu sur la promesse de référendums sur les défusions.

(Photo: Le Courrier du Sud - Archives)

Sans bagage politique et retraité d’une carrière dans l’administration sportive, Zaki Thomas a bénéficié du fait qu’il connaissait beaucoup de gens à Brossard pour créer le mouvement défusionniste, dont il était le président.

Porte-à-porte, distribution de dépliants et macarons, ainsi que multiples réunions ont mobilisé de nombreux bénévoles, dont Claudio Benedetti, qui était professeur à l’École de technologie supérieure.

L’exercice de porte-à-porte a été relativement aisé, se souvient M. Thomas. «On n’avait pas à convaincre les citoyens. Ils étaient déjà convaincus que Longueuil ne gérait pas Brossard comme il fallait», exprime-t-il.

Le nombre de «Oui» devait représenter plus de 50% des votes valides et au moins 35% de personnes inscrites sur la liste référendaire.

Craignait-il une défaite? «Non. On avait des groupes qui s’occupaient de chaque district. On n’avait pas beaucoup d’argent, mais on passait le chapeau après chaque réunion.»

Les résultats du 20 juin ont été sans équivoque : les Brossardois voulaient ravoir leur ville. 

«La défusion est un anniversaire heureux.»
-Claudio Benedetti

Après

Alors que se dessinaient les élections municipales de 2005, Claudio Benedetti a vu «se créer des partis dont les membres étaient des fusionnistes», des gens qui, un an plus tôt, «ne croyaient pas à la Ville de Brossard».

Un non-sens, pour M. Benedetti, qui y a vu un appel vers la politique municipale. 

À l’époque, Paul Leduc a été courtisé pour se présenter comme maire, mais c’est finalement Jean-Marc Pelletier qui s’est lancé et l’a emporté, le 6 novembre 2005. Zaki Thomas et Claudio Benedetti font partie de ce conseil municipal.
Les premières années de gouvernance de Brossard au sein de l’agglomération n’ont pas été de tout repos.

Tant M. Thomas que M. Benedetti critiquent l’attitude du maire Pelletier, qui «abusait» du «veto» dont bénéficiait Brossard au sein de la nouvelle agglomération de Longueuil – les décisions devaient être prises à double majorité. «Il a joué la chaise vide. Il nous a fait perdre le gros bout du bâton», image M. Thomas. 

En octobre 2007, le projet de loi 6 de la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation Nathalie Normandeau a abandonné la règle de la double majorité. Les décisions sont depuis prises aux deux tiers. 

Au fil des ans, certaines tensions sont demeurées au sein de l’agglomération, Brossard, Saint-Lambert et Saint-Bruno se battant sur l’enjeu des quotes-parts. Un débat qui s’est calmé depuis les dernières années. 

Et maintenant, Brossard sort-elle gagnante au sein de l’agglomération? «C’est le meilleur qu’on ait fait jusqu’à présent», conclut M. Thomas.