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Arnaud Lemay, trisomique, obtient son permis de conduire: les réactions à son exploit se multiplient

le vendredi 29 décembre 2017
Modifié à 10 h 54 min le 29 décembre 2017

PORTRAIT. Du jour au lendemain, Arnaud Lemay, atteint de la trisomie 21, ainsi que ses parents Brigitte Lemaire et Mario Lemay sont devenus des personnalités publiques lorsque les grands médias écrits et parlés du Québec ont raconté son fabuleux exploit d'obtenir son permis de conduire. Les statistiques sont rares, mais à ce jour il n'y a pas de personne trisomique connue au Canada à avoir son permis de conduire. Le résident de Saint-Basile-le Grand, nageur compétitif au club de natation Hippocampe de Saint-Hubert, conduit la voiture familiale depuis près d'un mois en parfaite autonomie. Le Courrier du Sud, qui avait déjà raconté les exploits du paranageur en avril 2016, a recontacté Mme Lemaire. Celle-ci n'en revient pas de l'ampleur qu'a pris leur histoire. Des messages de partout «Nous avons connu une période remplie d'entrevues. Sur Facebook, c'est devenu fou. En trois jours, nous avons reçu plus de 3000 messages. La grande majorité était sympathique à la cause, dont un message provenant de l'Islande; des personnes que nous avions connues et qui nous ont recontactés. Nous n'avons eu que deux ou trois messages défavorables dont un ex-policier nous reprochant de laisser conduire une personne à risque.» La mère qui, avec sa famille, avaient relevé le défi d'impliquer Arnaud dans un ambitieux programme américain de stimulation précoce de six ans à temps plein, en a vue d'autres et ne se laisse pas aller au doute. «Nous et des dizaines de personnes bénévoles ont travaillé en parfaite abnégation pour que Arnaud développe le plus d'autonomie possible. Nous avions un horaire surchargé. Ça aurait pu menacer notre couple, relate-t-elle. Arnaud a fait la suite. Il a dû travailler fort pour réussir ses cours théoriques, à sa cinquième tentative. Mais au cours pratique, lui qui avait répété tant de scénarios a été presque parfait avec son évaluateur d'expérience. Il lui a posé toutes les questions sur une panoplies de situations. Il l'a vu se comporter au volant. Quand ce fut terminé, les mains sur les hanches et il a dit ''Je lui donne 92% et ce n'est pas un cadeau. Je lui confierait ma voiture n'importe quand''.» Les parents étaient contents. Arnaud a fait nettement mieux que la note de passage de 70%. «Arnaud a beaucoup d'empathie. Je serais malade demain qu'il m'aiderait sur le champ. S'il conduit et voit un ballon rouler dans la rue, il sait qu'il y a danger pour un enfant. Il est plus calme et conservateur que n'importe quel conducteur. Un trisomique ne veut pas changer ses habitudes dans lesquelles il est bien, explique Mme Lemaire. Pour lui, conduire à la limite de vitesse permise, c'est sacré. Une limite de 70km/heure, c'est 70, pas 75.» Elle sait que si un jour, Arnaud a un accident d'automobile normal, les critiques sur les réseaux sociaux arriveront. «On dira "Tiens, le mongol a eu un accident. " Nous sommes préparés pour cela, Arnaud aussi». Sont-ils prêts aussi pour les blagues des humoristes? «Certainement. C'est bon de rire de soi de temps en temps. Si les policiers, les politiciens et plein d'autres ont droit à des risées, Arnaud en vaut aussi», assure-t-elle. Elle et son conjoint ne regrettent pas d'avoir rendu leur histoire publique. «Ça peut avoir des effets pour d'autres parents. Nous pourrons conseiller, question de donner au suivant. Il y a tellement de gens qui nous ont aidé de toutes sortes de façons et qui ont joué un rôle majeur dans l'autonomie d'Arnaud.  Ils ont chacun un morceau de cette victoire. Nous voulions leur dire tout haut.» L'un de ceux-là est Guy Dorion, entraîneur-chef d'Hippocampe. «Nous préférions rouler jusqu'à Saint-Hubert pour les cours de natation d'Arnaud, car Guy a une douceur et une approche unique nécessaire au développement d'une personne comme Arnaud.» Ajustements à la piscine Guy Dorion n’est pas si surpris de la nouvelle victoire de son nageur. «D'un côté, il était difficile d'imaginer une personne trisomique conduire seule, mais d'un autre, je connais la persévérance d'Arnaud et de ses parents depuis longtemps.  Côté natation, après une montée en flèche comme paranageur élite, il a eu une année difficile en 2016-2017. Arnaud veut beaucoup, mais il faut l'encadrer. Nous avons convenu qu'il en faisait trop avec six entrainements de natation par semaine, plus sa musique, ses études et autres projets. Nous avons cessé les entrainements du samedi et fait des ajustements.» «Maintenant il récupère mieux et lors de ses dernières compétitions à Saint-Hyacinthe, il a battu presque tous ses records personnels par de grosses marges, poursuit-il. Il a ses limites, il ne dominera pas au niveau international, mais au national, il peut avoir de bonnes compétitions.» Sa mère est d'accord. «La fameuse agressivité pour gagner une course élite, c'est plus facile pour une personne autiste que trisomique. Un autiste est dans sa bulle, ignore les distractions et fonce. Arnaud lui, avant une course est en mode peace and love», rit-elle.