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VIDÉO: Boul. Béliveau: le projet créera des «impacts potentiels importants», dit le ministère de la Faune

le jeudi 09 septembre 2021
Modifié à 6 h 19 min le 10 septembre 2021
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Les travaux du prolongement du boul. Béliveau sont en cours depuis quelques semaines. (Photo: Le Courrier du Sud - Ali Dostie)

Le projet de prolongement du boul. Béliveau entraînera des «impacts potentiels importants» sur l’«habitat essentiel» de la rainette faux-grillon que constitue le milieu naturel où sera construit le tronçon de 300 mètres d’asphalte. Le ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs (MFFP) soutient que le projet détruira deux à trois étangs de reproduction «particulièrement actifs» et entraînera la mortalité de certains de ces amphibiens.

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Le quotidien Le Devoir révélait la semaine dernière que la Société pour la nature et les parcs (SNAP) et l’organisme Ciel et Terre demandent à Ottawa d’intervenir afin de contrecarrer le prolongement du boul. Béliveau.

Ces acteurs s’inquiètent que la Ville ait obtenu les autorisations ministérielles provinciales pour le prolongement, qui s’immisce dans un habitat de la rainette, alors que les habitats de cette espèce menacée sont de plus en plus rares. La SNAP réclame aujourd’hui une enquête publique «pour comprendre comment un tel projet a pu aller de l’avant».

Dans l’avis faunique dont Le Courrier du Sud a obtenu copie, le MFFP mentionne en effet que «le projet [de prolongement du boul. Béliveau] entraine la perte d’habitats de reproduction de la rainette faux-grillon de l'Ouest et affaiblit l’importante fonction de connectivité entre les populations du secteur».

Le Ministère craint aussi que la fragmentation de l’habitat ne réduise les «échanges génétiques et populationnels nécessaires pour la conservation entre le boisé Du Tremblay et le secteur Fonrouge».

«Le projet fragiliserait donc le rétablissement et la conservation de l’espèce», signifie-t-il, en plus d’ajouter que «la structure du passage faunique, tel que proposé, ne permet pas de compenser la perte de connectivité qu’engendre le projet».

Dans son avis, le Ministère réclame des adaptations et des mesures importantes pour réduire les impacts et garantir une meilleure connectivité.

En plus du passage faunique pour «la grande faune» pensé par la Ville, il suggère l’aménagement d’un deuxième passage qui répondrait de manière plus spécifique aux besoins de la rainette, dans un secteur «où la connectivité hydrique naturelle est présente».

«Bien que la structure du passage faunique prévu sous le boul. Béliveau puisse convenir à plusieurs espèces, son positionnement et l’aménagement/état de ses approches ne conviennent actuellement pas à la rainette», indique le MFFP.

En créant une barrière qui modifie l’hydrologie naturelle des secteurs adjacents, le projet pourrait avoir un impact significatif sur l’hydrologie des habitats adjacents de la rainette.

Le MFFP recommande également de réduire au minimum l’emprise du boul. Béliveau, par exemple en éliminant le terre-plein central et en ne conservant qu’un trottoir et une piste cyclable.

Enfin, le Ministère prône, dans l’éventualité où le prolongement du boulevard soit jugé nécessaire, de ne pas permettre le développement résidentiel de part et d’autre de l’artère.

«Cela permettrait à la fois d’éviter la destruction de l’habitat, mais également de conserver des étangs et des bandes tampons nécessaires pour maintenir la connectivité et les caractéristiques de l’habitat», précise-t-il.

Réponses et autorisations

(Photo: Le Courrier du Sud - Ali Dostie)

La Ville de Longueuil réitère avoir obtenu toutes les autorisations nécessaires pour aller de l’avant avec le prolongement du boul. Béliveau. Elle a obtenu le feu vert à sa demande de déclaration de conformité adressée au ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques (MELCC), à la fin mai.

Malgré les commentaires plutôt critiques du ministère de la Faune, le porte-parole de Longueuil Hans Brouillette insiste sur le fait que la Ville «n’a reçu aucun avis défavorable» pour ce dossier.

Car c’est au ministère de l’Environnement que la Ville devait rendre des comptes, et non à celui de la Faune, qui émet plutôt ses commentaires au MELCC. Ce dernier, interlocuteur avec la Ville, les a transmis à l’administration municipale.

M. Brouillette confirme d’ailleurs que certains points soulevés par le MFFP, qui a été rencontré en juin, ont obtenu réponse.

Il confirme par exemple que les travaux de remblaiement des milieux humides seront effectués entre le 1er août et le 1er mars, pour éviter la période de reproduction de la rainette, comme prescrit.

Le substrat de pierre utilisé dans le fond du passage faunique a aussi été modifié pour favoriser son attraction.

La Ville assure également que de la végétalisation, avec des espèces indigènes, sera ajoutée une fois les conduites d’égout et d’aqueduc installées.

Certaines des recommandations ont toutefois essuyé un refus. Hans Brouillette mentionne qu’il est impossible d’interdire le développement résidentiel, la Ville n’étant pas propriétaire des terrains au sud du futur tronçon du boulevard. Il assure néanmoins qu'il n'y aura aucune construction de maison dans la zone du passage faunique et dans le corridor de biodiversité.

Quant au souhait du Ministère de maintenir des étangs de reproduction de la rainette, M. Brouillette précise que «c’est exactement ce qu’on fait dans le corridor de biodiversité», une zone de préservation où des habitats de rainette seront notamment recréés.

Selon la Ville, il était aussi impossible d’aménager un deuxième corridor faunique dans le secteur ciblé par le Ministère. «Ce passage pourrait partir du côté du boisé Du Tremblay, mais n’aboutirait nulle part : ce sont des terrains qui appartiennent à un promoteur, pas à la Ville. On n’a pas de contrôle.»

Des appuis

Maglré l’avis plutôt critique quant au prolongement du boul. Béliveau, le MFFP avait donné son appui au projet de corridor de biodiversité et de passage faunique initié par la Ville.

Dans une lettre daté du 25 janvier dernier, il indique que le corridor «améliorera la connectivité entre les différentes populations de la rainette faux-grillon». Il confirme aussi «la contribution du projet au Plan de rétablissement de la rainette faux-grillon de l’Ouest».

(Photo: Le Courrier du Sud - Ali Dostie)

Environnement et Changement climatique Canada a aussi confirmé à la Ville en février dernier que l’aménagement d’un corridor sous le boulevard est une «pratique de gestion bénéfique qui permettrait de conserver la connectivité entre les populations locales [de rainette faux-grillon]», selon le document obtenu.

On précise que les interdictions de la Loi sur les espèces en péril ne s’appliquent pas dans ce cas précis, ces dernières étant plutôt effectives lorsqu’il est question de terres fédérales.

Longueuil a aussi fourni au journal une lettre de l’organisme Ciel et Terre, datée de septembre 2020, qui soutient le projet de corridor de biodiversité et la construction du passage faunique. «Ce projet s’insère dans une vision à long terme pour la sauvegarde de la rainette faux-grillon», indique-t-on.

Levée de boucliers

(Photo: Facebook)

Dans une vidéo diffusée sur la page Facebook de Catherine Fournier le 6 septembre, le directeur de la conservation de Ciel et Terre Tommy Montpetit avance que la proposition de la Ville a été jugée «inacceptable par le ministère de la Faune», qui aurait dit à l’administration municipale «d’aller refaire ses devoirs».

M. Montpetit s’insurge ainsi que la Ville ait demandé l’autorisation au ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques (MELCC), qui a «omis les avis du ministère de la Faune».

«C’est extrêmement inquiétant qu’un Ministère puisse en éviter un autre et que des travaux puissent aller de l’avant dans un habitat de la rainette, une espèce menacée au Canada», laisse-t-il entendre.

Il soutient à la candidate à la mairie que le chantier doit cesser, craignant que les travaux pour installer les infrastructures municipales ne drainent entièrement le milieu humide.

«Le régime hydrique sera complètement changé. Et c’est l’unique endroit dans le boisé Du Tremblay où il reste de la rainette faux-grillon. Si on ne protège pas cet habitat, on a un grave problème.»

Rappelant l’engagement de son parti à protéger 1500 hectares de milieux naturels, Catherine Fournier affirme que la «seule décision responsable à prendre est de stopper les travaux, tant et aussi longtemps qu’on n’aura pas, en toute connaissance de cause, les travaux prévus pour le corridor faunique.»

Elle demande à la Ville de faire preuve de transparence et de «suivre les recommandations» du ministère de la Faune.

Coalition Longueuil s’engage à freiner le développement immobilier dans ce secteur, en y implantant un zonage vert.