Brossard : de la densité efficace à celle qui ne remplit pas toujours ses promesses
La densité s’impose dans la façon de penser – et repenser – le développement des villes. À Brossard, ancien «archétype de la banlieue d’étalement», le Solar Uniquartier en est un symbole fort. Mais la densification, aussi inévitable soit-elle, ne remplit pas toujours ses promesses. Et les villes gagnent à y voir.
Le Solar Uniquartier est l’un de ces «sous-centres» qui se sont multipliés dans la région métropolitaine au cours des dernières années, décrit l’urbaniste émérite Gérard Beaudet.
Avec la présence de commerces, la mise en service imminente du REM, un arrimage au transport en commun et un campus de l’Université de Montréal, «on essaie de jouer sur une mixité. Pas tant une mixité sociale, mais une mixité fonctionnelle», soutient M. Beaudet.
Ces sous-centres (ou sous-pôles) sont un phénomène de marché, c’est-à-dire essentiellement pensés par des promoteurs immobiliers. «Ils ont senti la demande», évoque le professeur à l’Université de Montréal.
«Du point de vue de plein d’observateurs, la densification est presque incontournable pour faire face aux défis auxquels on est confrontés, comme les bouleversements climatiques, la lutte aux GES, la réduction de la dépendance à l’auto. C’est très vertueux de dire cela, mais est-ce vraiment la solution par excellence? On peut se poser des questions.»
-Gérard Beaudet, urbaniste émérite de l’Université de Montréal
Voilà maintenant de nombreuses années que les tours à condos – et à unités locatives – poussent un peu partout dans la CMM. Et bien que des craintes d’une saturation se soient faites entendre depuis presque aussi longtemps, force est d’admettre que la demande est au rendez-vous.
Une demande fondée sur le vieillissement de la population et la réduction de la taille des ménages. «Si tu vis seul, tu es plus porté à vouloir un logement qu’un grand bungalow», illustre M. Beaudet.
Des ratés
Densification ne rime pas toujours avec succès. M. Beaudet donne en exemple le quartier brossardois longeant le fleuve Saint-Laurent, à l’ouest du pont Samuel-De Champlain. Un secteur qui, avec ses milliers d’unités d’habitation, «s’apparente en taille à des petites villes du Québec».
«Une des vertus qu’on nous claironne de la densification est qu’elle produit de la mixité fonctionnelle. On dit que ça favorise les commerces de proximité, le transport en commun. Avec cet exemple, ce n’est pas le cas», tranche-t-il.
«C’est un désert en matière de services, totalement dépendant à l’automobile. Il y a peut-être un bus de temps en temps, mais ce n’est pas une bonne desserte», poursuit-il.
Des villes plus volontaires
Selon Gérard Beaudet, les villes ne se trouvent pas particulièrement dans une position de leadership en matière d’urbanisme.
«L’urbanisme au Québec est l’affaire avant tout de propriétaires fonciers et de promoteurs. Brossard a adopté assez tôt dans son histoire un plan directeur, mais tout est dicté par les promoteurs. On a un urbanisme d’accompagnement.»
Cela dit, il observe néanmoins que les villes se montrent de plus en plus «volontaires» pour contrôler ce qui se fait sur leur territoire, «car les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des attentes».
En mars, Brossard a adopté un règlement de contrôle intérimaire afin d’interdire temporairement les agrandissements et nouvelles constructions d’habitation sur une partie de son territoire.
«Les municipalités réalisent qu’on ne peut pas tout attendre des promoteurs. Ils sont là pour répondre au marché et faire de l’argent, pas pour répondre à l’ensemble des préoccupations que l’on devrait avoir quand le territoire se développe.»
Densité douce
En parallèle, les secteurs résidentiels où dominent les maisons unifamiliales sont appelés à se transformer… légèrement. Gérard Beaudet identifie une «densité douce» : construction dans des cours arrière, logement permis dans un garage, agrandissements.
«On réalise que ce peut être favorable pour les villes, car les services sont là, ça n’amène pas de pression sur les installations. Mais on le considère d’autant plus que, quand on essaie de remplacer des bungalows pour des immeubles à logements, il y a de la grogne.»
Brossard, une destination
L’arrivée du grand pôle commercial qu’est le Quartier DIX30 a engendré une importante transformation depuis 20 ans à Brossard, observe Gérard Beaudet.
«La banlieue devient une destination. Les gens viennent passer une fin de semaine, car il y a des restos, des spas, une salle de spectacle. C’est une transformation que l’on voit venir depuis longtemps, car la banlieue-dortoir, ça fait longtemps que ça n’existe plus. Les banlieues sont de plus en plus autonomes, mais dans certains cas, c’est au-delà de ce qu’on a soupçonné. Quelqu’un peut naître et mourir à Brossard, et entre les deux, y passer toute sa vie.»