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Caroline St-Hilaire: suivre son intuition

le mardi 26 septembre 2017
Modifié à 16 h 06 min le 26 septembre 2017
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

LIVRE. Caroline St-Hilaire ne quitte pas la politique parce que c’est trop dur. Encore moins parce que ce serait «trop dur pour une femme». Celle qui carbure aux défis quitte avec le sentiment du devoir accompli et peut-être même parce que c’était rendu… trop facile. «Je ne suis pas stimulée par ce qui roule tout seul. Je me voyais aller depuis quelques temps et, justement parce que tout était devenu trop facile, je sentais que la petite poupée russe nichée au fond de toutes les autres avait envie de libérer sa parole, de cesser de marcher sur des œufs, de retrouver sa liberté», dit-elle dans Se faire entendre, cet ouvrage écrit par Geneviève Lefebvre qui retrace son parcours politique et personnel, dans une vingtaine de tranches de vie et des témoignages. Ces 200 pages font partie du legs – de la trace – que veut laisser Caroline St-Hilaire des 20 ans qu’elle a consacrés à la politique. Celle qui a baigné dans le monde de la politique municipale dès son jeune âge, suivant son père le conseiller Jean St-Hilaire dans son porte-à-porte, souhaite donner le goût à d’autres – aux femmes particulièrement – de se lancer dans l’arène. Changer et rester soi-même Dans tout ce chemin parcouru, ce dont elle est le plus fière, c’est d’être restée elle-même. «Je suis restée authentique et près de mon monde», signifie-t-elle, en entrevue avec Le Courrier du Sud. Néanmoins, il est évident que ses années au Bloc Québécois – où elle était la plus jeune députée de la Chambre des communes avec les «New Kids on the Bloc» ‒ et ses huit ans à la tête de la 4e plus grande ville du Québec l’ont aussi changée. «J’étais jeune et innocente à 27 ans! Je suis plus consciente de la responsabilité de la fonction, avance-t-elle. J’ai beaucoup appris à me faire confiance, à relativiser la critique, à ne pas la prendre personnelle, réfléchit-elle. J’ai gagné en estime de moi, autant avec la politique que la course à pied ou l’appui de la population. Je crois que je suis devenue une meilleure personne avec les gens que j’ai rencontrés sur mon parcours.» Elle aborde notamment dans le livre ces rencontres qui ont été déterminantes, que ce soit son mari Maka Kotto, des collèges comme Michel Gauthier et Yvan Loubier du Bloc Québécois, son amie Danièle Henkel, Pierre Karl Péladeau, Julie Snyder et la ministre Lise Thériault. Cette dernière est passée outre la partisannerie et les lignes politiques et l’a soutenue lors de la fuite de diesel, en janvier 2015. Les deux femmes sont maintenant amies. Mme St-Hilaire accorde également tout un chapitre à Ingrid Bétancourt, une «idole» qu’elle a nommée citoyenne d’honneur de Longueuil. Toutes ces rencontres font en sorte que «j’ai eu un parcours pas pire l’fun», résume la mairesse. Foncer Caroline St-Hilaire révèle dans son livre que c’est dans l’opposition qu’elle a découvert sa vraie nature: «batailleuse quand j’étais convaincue, impertinente devant les abus, baveuse devant le statu quo». Déjà, elle ne se laissait pas marcher sur les pieds. «Ça m’a aidée énormément, reconnait-elle, parce que si je recevais des attaques personnelles, désagréables, misogynes ou politiques, ça m’a permis de contre-attaquer, de ne pas tomber dans la victimisation. Ç’a m’a probablement sauvé bien des pleurs, m’a rendue plus forte. Je pense que c’est ce qui a beaucoup charmé Maka, ce front de bœuf-là!» Si elle admet avoir un «leadership et un caractère fort», elle ne croit pas que cela ait pu lui jouer des tours et l’empêcher de saisir une bonne idée. «Je suis quand même à l’écoute. En réunion, en privé, on peut tout se dire. Il y a des façons, bien sûr. Quand la décision est prise, en politique, on assume, on la livre et on est solidaire. C’est fondamental, la solidarité en politique», insiste-t-elle. Elle est d’avis que c’est pour la force de ses convictions que les citoyens l’ont élue. «Un leadership fort, c’est d’assumer que quand la tempête est là, tu restes aux commandes.» Dire ou ne pas dire Au-delà de la politicienne, Caroline St-Hilaire dévoile quelque peu de sa vie personnelle dans Se faire entendre. En relatant sa rencontre avec Shanelle, une jeune mère de famille sourde, elle parle ouvertement de sa propre surdité. Si elle s’étonne quelque peu que ce soit d’abord ce qui a retenu l’attention des médias dans la foulée de la sortie de son livre, la semaine dernière, elle se réjouit tout de même des impacts positifs. «Beaucoup de personnes m’en parlent depuis. C’est d’intérêt, puisque 10% de la population est sourde ou malentendante au Québec. C’est la raison pour laquelle on a décidé d’en parler. Je ne voulais pas tomber dans le "Comme c’est épouvantable, je suis sourde", mais tant mieux si j’ai pu dire que j’ai pu continuer malgré tout.» Se faire entendre accorde aussi une place à la mère de famille qu’elle est, ainsi qu’à l’amoureuse. Elle raconte notamment ses premières rencontres avec son mari, alors qu’elle était son «mentor» lors de sa campagne dans la circonscription fédérale de Saint-Lambert. C’est avec l’accord de M. Kotto qu’elle y relate entre autres un moment plus intime. «Beaucoup de gens m’ont dit "Mon Dieu, tu en as dit beaucoup!", mais je ne trouvais pas ça. Il y a le devoir d’être authentique, c’est important que le livre me ressemble. Là, je ne vous cache pas que maintenant que plein de gens le lisent, il y a comme un malaise. J’avais oublié que les gens allaient le lire; un détail!» s’exclame-t-elle dans un rire. Tempête dans un verre d’eau Fuite de diesel, passerelle effondrée, pacte fiscal; 2015 aura été une année tumultueuse pour Caroline St-Hilaire. Elle revient sur ces mois difficiles en évoquant entre autres son rapport avec les médias. «S’il n’y a pas de scandale, s’ils ne déterrent pas un os à gruger, ils ne sont pas contents. […] Les médias, c’est une bête à l’appétit vorace qu’il faut toujours nourrir. De vous, de moi, de n’importe qui, n’importe comment, pourvu que la bête ait sa ration de viande crue.» Un portrait sévère, lui demande Le Courrier du Sud? «Ç’aurait pu être pire!» «Les gens voulaient des conférences de presse à chaque heure, ils voulaient avoir toute l’information dans l’instantanéité, mais c’est impossible, poursuit-elle à propos de l’épisode de la fuite de diesel. Je me souviens, j’avais 20 minutes de break, j’étais allée chez nous pour me changer et on m’a dit que le camion d’un média était à la Ville et que si je n’étais pas là à 7h, ils débarqueraient chez moi. Calmez-vous! Il n’y avait personne de mort! J’ai compris que la nature a horreur du vide, si tu ne nourris pas la bête, c’est elle qui va s’alimenter, mais un moment donné, c’est comme too much.» Les médias sociaux ont aussi changé la donne et ont ouvert les vannes pour des commentaires de toutes sortes. Mme St-Hilaire admet qu’il était parfois bien tentant de répondre à ceux qui se permettaient des remarques déplacées, surtout venant des «têtes d’œuf» ‒ ceux qui ne dévoilent pas leur identité sur Twitter. «C’est là que l’entourage était important. Si j’avais dit à chaque fois ce que je pensais… Il a fallu que les gens, mon conjoint, me retiennent.» Vers d’autres défis Le discours prononcé le 22 février 2017, celui où elle annonçait qu’elle ne briguerait pas de troisième mandat, demeurera l’un des plus difficiles de sa vie. La fébrilité du moment s’est toutefois transformée peu à peu, à mesure que les derniers jours à la tête de Longueuil approchent. «Je dis tranquillement adieu. Des gens s’en vont, je dois faire mes boites tranquillement, ç’a été mon dernier conseil de ville, ma dernière séance à la CMM. Je me dis "Ok, là, c’est vrai." Je devrai m’acheter un téléphone, prendre mes rendez-vous toute seule!, lance-t-elle en riant. Il y a des deuils à vivre. La fébrilité se transforme tranquillement en nostalgie.» À l’instar du conseil que lui a prodigué son mari de ne jamais regretter une décision, Caroline St-Hilaire ne croit pas qu’elle regrettera un jour d’avoir quitté la politique. Si l’appel se fait sentir, elle reviendra. Mais ce n’est pas ce qui se pointe à l’horizon. «Je le dis au début du livre: enfant, je voulais être première ministre, pape ou coiffeuse! Les trois sont possibles, on verra ce que je ferai quand je serais grande. Je n’ai pas de plan de carrière!» conclut-elle avec humour.

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