Sports

«C’est plus qu’un loisir, c’est presque une folie.» - Yvon Chouinard

le mercredi 18 juillet 2018
Modifié à 10 h 21 min le 18 juillet 2018
Par Katherine Harvey-Pinard

kharvey-pinard@gravitemedia.com

HOMMAGE. La contribution remarquable du policier de carrière Yvon Chouinard au milieu de l’haltérophilie s’étend sur une période de 65 ans. Des heures, l’homme de 81 ans en a passées dans les gymnases des quatre coins du monde à pratiquer, entraîner ou arbitrer ce sport auquel il voue une «passion profonde». C’est donc dire que l’haltérophilie n’a plus de secrets pour lui. Champion canadien, entraîneur, arbitre, président de la Fédération haltérophile canadienne et gérant de nombreuses équipes nationales ne sont que quelques-unes des fonctions qu’a occupées Yvon Chouinard. De 1957 à 1967, il a été champion de la ville de Québec chez les 75 et 82,5 kg, en plus d’être champion canadien chez les 82,5 et 90 kg de 1960 à 1968. Ce n’était alors que le début d’une vie dédiée à sa passion. «Dans ma jeunesse, j’ai continuellement été entouré par l’haltérophilie, surtout grâce à mon père, raconte Yvon Chouinard. Il se faisait un plaisir de nous lever, mon frère et moi, chacun sur un bras. Il construisait des haltères avec du ciment et des tuyaux dans la cour arrière et les jeunes se rassemblaient chez nous pour les essayer», se souvient-il. Jeune, Yvon Chouinard côtoyait les six frères Baillargeon, tous des hommes forts connus à travers le Canada. «La première fois que j’ai levé un haltère, c’était dans la cour d’Antonio et le premier gymnase que j’ai fréquenté était celui de Jean», indique le résident de Brossard. C’est à l’âge de 30 ans qu’Yvon Chouinard a décidé d’arrêter la compétition et de retourner sur les bancs d’école. Pendant 12 ans, il étudiait, assumait la charge du club d’haltérophilie Obélix de Brossard — aujourd’hui le club Fortius — et menait sa carrière de policier, laquelle a duré 36 ans. «Je suis une personne qui a beaucoup d’énergie, et je suis surtout un dirigeant. Mon épouse a eu beaucoup de tolérance envers moi. La semaine, mon ouvrage de policier me prenait. Les fins de semaines, c’était l’haltérophilie. Mais nous sommes toujours mariés et c’est le bonheur parfait!» lance-t-il en riant. Plus qu’un simple prix L’homme originaire de Québec a eu toute une surprise en se présentant à la soirée reconnaissance du Championnat pan américain des maîtres d’haltérophilie à Gaspé, en juin. Alors que quelques centaines de personnes étaient présentes dans la salle, M. Chouinard a reçu un trophée qui soulignait son implication continue et son dévouement pour le sport; une reconnaissance qu’il n’est pas près d’oublier. «J’ai été pris par surprise. J’ai reçu plusieurs prix dans ma vie, mais celui-là m’a touché droit au cœur. Je ne m’en attendais absolument pas.» «J’ai fait un travail de plus de 50 ans au niveau canadien et international, mentionne-t-il humblement. C’est plus qu’un loisir, c’est presque une folie. Quand les gens me parlent, ils disent que je suis dans l’“haltérofolie”!» Enrayer les drogues: un défi personnel Pour Yvon Chouinard, une chose a toujours été et sera toujours inacceptable: l’utilisation de drogues, quelles qu’elles soient, dans le sport. En 1983, il a accepté la présidence du comité médical de la Fédération haltérophile canadienne. Entouré de médecins, il cherchait des moyens d’enrayer l’arrivée des drogues dans le sport. En 1988, lors des audiences publiques de la Commission d’enquête Dubin sur le recours aux drogues et aux pratiques interdites pour améliorer la performance athlétique, M. Chouinard était le porte-parole de la Fédération canadienne. «J’ai témoigné sur tous les cas positifs au Canada sur une période de dix ans. J’avais déjà enquêté chacun de ces cas», indique l’ancien directeur de police. M. Chouinard affirme d’ailleurs avoir créé le plus grand système anti-dopage qui a fonctionné en haltérophilie au Canada: Il donnait aux athlètes un numéro entre 1 et 49. Lors du dernier tirage de la loto 6/49 de la semaine, chaque athlète dont le numéro était tiré devait se faire tester au cours des 48 heures suivantes. Ce système a fonctionné pendant quelques années. «Plusieurs athlètes m’ont dit “Tu es le seul qui a réussi à nous sortir de la prise de stéroïdes anabolisants”. Comme policier et comme sportif, je ne voulais pas de drogues dans le sport. Si tu vas dans le sport, tu y vas pour la santé et la force. C’est contre mes valeurs personnelles.» Transmettre la passion Yvon Chouinard a participé à trois éditions des Jeux olympiques — Montréal, Moscou et Séoul — sous différents titres, et a voyagé aux quatre coins du globe grâce à l’haltérophilie. Aujourd’hui, il n’a qu’un objectif en tête: aider. «À présent, je ne cherche plus les défis. J’essaie de donner aux gens. Je ne suis plus à la course de quoi que ce soit. Je ne cherche pas de titres. J’essaie d’inculquer aux gens que le sport peut te faire grandir comme personne. Si tu reproduis dans la vie ce que l’on t’enseigne dans les sports individuels, sois patient et tu auras des résultats.» Aujourd’hui, l’octogénaire est fier papa de trois enfants et grand-papa de six petits-enfants. Un de ses fils a d’ailleurs hérité de sa passion, participant à deux reprises aux Championnats mondiaux junior d’haltérophilie avant de prendre sa retraite à 20 ans. Et pas question d’arrêter de s’entraîner pour Yvon Chouinard. «Je fais des flexions de jambes avec 315 lb en séries de six répétitions. Je m’entraîne juste pour moi, parce que c’est important dans ma vie. Manger, dormir et m’entraîner trois fois par semaine, c’est ce dont j’ai besoin!»