Charles-Le Moyne : l’urgence plus achalandée que jamais, des gestionnaires lancent un cri d’alarme
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L'hôpital Charles-Le Moyne a la 2e plus grosse urgence au Québec. (Photo : Le Courrier du Sud – Archives)
Au cours de la crise sanitaire, les inscriptions à l’urgence de l’hôpital Charles-Le Moyne ont connu une baisse significative. Cette baisse est maintenant terminée. Les niveaux d’inscriptions sont de retour à ceux d’avant pandémie, mais sans le personnel d’avant. Le résultat est que les employés et patients vivent un calvaire cet été, au point où des gestionnaires lancent un cri d’alarme afin de conscientiser la population sur la réalité de ce milieu.
«On est dans une tempête parfaite, décrit Sophie Gosselin, urgentologue et chef du département de l’urgence à l’hôpital Charles-Le Moyne. On a moins de lits, moins de ressources, mais autant de visites.»
Elle explique qu’au cours de la pandémie, il y avait parfois à peine 100 inscriptions dans une journée. Cet été, les niveaux sont revenus au-delà des 200 inscriptions par jour, avec des jours au-delà des 250. Le personnel n’est toutefois pas revenu à ce qu’il était.
Absences ponctuelles à cause de test positif à la Covid, changements de carrière, nombre de lits réduits par chambre pour éviter la propagation du virus et réduction d’activité estivale. Tout cela mis ensemble crée un cocktail explosif d’engorgement à l’urgence.
«C’est dans les pires étés de ma carrière et ça ne va pas en s’améliorant.»
–Sophie Gosselin, urgentologue et chef du département de l’urgence à l’hôpital Charles-Le Moyne
«On pensait manquer de personnel avant la pandémie, mais on n’avait rien vu!» note pour sa part Véronique Guimond, directrice à la direction des services hospitaliers, volets urgences, blocs opératoires et services généraux première ligne au CISSS Montérégie-Centre.
«Nos équipes font un travail exceptionnel dans les circonstances, mais elles ont vécu sept vagues sans répit, sans télétravail, ajoute-t-elle. Pour les aider, on demande qu’il y ait une réflexion chez la population, de se demander : est-ce que mon problème est vraiment urgent? Est-ce que je peux consulter un autre professionnel de la santé?»
Environ un tiers de patients en trop
Les deux gestionnaires estiment qu’environ de 30% à 35% des patients qui vont à l’urgence n’ont pas besoin d’y aller pour faire évaluer leur condition.
Elles citent en exemple des personnes qui viennent pour un renouvellement de médicament, pour signer un papier de la CNESST ou même pour déposer une personne aînée en perte d’autonomie alors que la famille quitte la maison pour la fin de semaine.
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S’il n’y a pas un cas en particulier qui ressort, cette constellation de cas moins urgents alourdit des journées déjà bien remplies.
«Une fois que le patient est inscrit, on est obligé de le voir. Et on ne peut pas faire ça rapidement, si on ne connaît pas la personne, il faut faire l’évaluation avant de renouveler un papier. Il faut faire l’évaluation pour un renouvellement de médicament, parce que si je le prescris, j’en deviens responsable», explique Mme Gosselin.
Les patients sont d’ailleurs évalués selon l’échelle de gravité et de triage canadienne. Il est donc normal pour des cas moins importants de devoir attendre de 24 à 36 heures.
«Il n’y a personne en priorité 1 qui va attendre à l’urgence», assure Mme Guimond.
Alternatives réalistes?
Avoir un problème dit moins important ne veut pas dire qu’il ne mérite pas d’attention la journée même. Simplement que d’autres options valent la peine d’être explorées avant de se rendre à l’urgence, indiquent les deux femmes.
Elles énumèrent en exemple le pharmacien, la ligne info-santé ou info-sociale (811), le centre antipoison ou le médecin prescripteur. Elles suggèrent en outre un peu de prévoyance selon la situation, alors qu’un renouvellement peut se faire avant d’avoir terminé son médicament.
Reste que trouver un rendez-vous avec un médecin dans un court délai peut s’avérer compliqué.
Mme Guimond concède qu’il y a un écart entre la disponibilité de l’accès aux soins de première ligne et la demande, mais souligne que des solutions «à court terme» s’en viennent du ministère de la Santé, notamment le Guichet d'accès à la première ligne, qui est en train d’être déployé dans l’ensemble des régions.
En attendant, elle prie les gens de rester respectueux avec le personnel, qui doit faire beaucoup d'heures supplémentaire.
«Essayez de nous aider en cherchant une alternative, et si la seule façon de nous aider, c’est avec votre patience, votre sourire et votre attitude envers nous, ça va faire toute la différence», soutient Mme Gosselin.