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Chronique historique - 10 octobre 1970: enlèvement de Pierre Laporte

Il y a 3 heures
Modifié à 15 h 57 min le 02 octobre 2024
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

La une du Courrier du Sud du 14 octobre 1970. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Archives)

Alors qu’il s’amuse au ballon avec son neveu devant sa maison de la rue Robitaille à Saint-Lambert, Pierre Laporte, député de Chambly et ministre de l'Immigration, ministre du Travail et de la Main-d’œuvre – on dirait un super ministre aujourd’hui – est enlevé à 18h18 devant sa résidence de la rue Robitaille à Saint-Lambert par des membres de la cellule Chénier du Front de libération du Québec (FLQ). 

Durant près d’une semaine, le ministre Laporte est retenu prisonnier dans la maison située au 5630, rue Armstrong, à Saint-Hubert. C’est le second enlèvement politique du FLQ après celui du diplomate britannique James Cross survenu le 5 octobre à Montréal.

C’est dans cette maison du 5630, rue Armstrong, à Saint-Hubert, que le ministre Pierre Laporte a été séquestré durant sept jours en 1970. (Photo BAnQ – Archives La Presse) 

Des négociations entre un avocat mandaté par le gouvernement du Québec ne mènent à aucun résultat concret. 

Le 16 octobre, à la demande du gouvernement du Québec ainsi que du maire de Montréal, le gouvernement du Canada met en place à 4 h du matin certaines dispositions de la Loi des mesures de guerre et envoie les forces armées patrouiller les rues de Montréal pour contrer ce qu’il considère être la menace felquiste. Près de 500 personnes, pour la majorité des indépendantistes, seront arrêtées sans mandat.

Benny Barbecue
Selon l’historien Louis Hamelin, cette même journée, Laporte a tenté de tromper ses geôliers en réussissant à les convaincre, après cinq jours, de varier leur ordinaire de spaghettis en boîte et d’accepter un lunch payé de sa poche. Peut-être espérait-il pouvoir se faire remarquer par le livreur en brisant une fenêtre et en criant à l’aide. Une copie de la facture trouvée chez Benny Barbecue pendant l’enquête à Longueuil, fait état d’une livraison effectuée au 5630, rue Armstrong, entre 11h30 et 13h.

Certains chercheurs remettent en question l’anecdote du poulet qui, selon eux, leur semble être un embellissement ou une tentative d'humaniser les événements violents de cette époque. Cette scène est présente dans le film Octobre de Pierre Falardeau (1994).

Quoi qu’il en soit, on sait que le ministre Laporte tente de s’enfuir en brisant une fenêtre, s’affligeant du même coup une sérieuse blessure à un poignet. Selon le rapport Duchaîne sur les événements d’Octobre (1980), Laporte devient incontrôlable et une altercation survient entre lui et ses ravisseurs.  

«Dans le dessein de faire taire M. Laporte dont les cris risquaient d'alerter le voisinage, celui qui l’a empoigné imprime un fort mouvement de tourniquet au collet de son chandail, garrottant en même temps M. Laporte avec la chaînette qu'il portait au cou. Quand on relâche la prise, M. Laporte est mort.»
- Rapport Duchaîne sur la crise d’Octobre, 1980

Le lendemain, 17 octobre, le FLQ émet un communiqué à la station de radio montréalaise CKAC 730 dans lequel il annonce la mort du ministre. Le corps de Pierre Laporte est retrouvé dans le coffre d'une voiture Chevrolet Biscayne 1968 de couleur bleu-vert sur le terrain de la compagnie Won-Del aviation, près de l’aéroport de Saint-Hubert. 

Comme des oreillers ont été placés sous la tête du ministre – une délicatesse qu’on n’aurait peut-être pas eu pour un cadavre – certains se demandent encore aujourd’hui si M. Laporte était vivant quand il a été placé dans le coffre de la voiture par ses ravisseurs. En effet, selon le médecin-légiste qui a pratiqué l’autopsie du corps de M. Laporte, celui-ci est décédé le 17 octobre entre 15h et 21h. 

Pierre Laporte est enterré au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à Montréal, le 20 octobre 1970.

Le 5 novembre, Bernard Lortie est arrêté à Montréal. De leur côté, les frères Rose et Francis Simard sont arrêtés le 28 décembre dans une maison du chemin du Grand- Pré à Saint- Luc, aujourd’hui L’Acadie. Ils seront tous condamnés à de lourdes peines de prison.

Hommages
Le 20 octobre 1971, le gouvernement canadien émet un timbre-poste en l’honneur de Pierre Laporte. Plusieurs écoles publiques et rues du Québec portent le nom du politicien, tout comme le pont Pierre-Laporte qui traverse le fleuve Saint-Laurent et relie Lévis et Québec. En fait, il était prévu que ce pont porte le nom de Frontenac afin d’honorer Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, qui fut à deux reprises gouverneur de la Nouvelle-France.

En octobre 2010, en présence du premier ministre Jean Charest, de la veuve de M. Laporte et de ses deux enfants, un monument à la mémoire de Pierre Laporte est installé dans le parc de la Voie maritime du Saint-Laurent, tout près de la résidence de la rue Robitaille où le ministre a été enlevé. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Archives)

Circonscription Pierre-Laporte ?
En novembre 2023, la député caquiste de la circonscription de Laporte, Isabelle Poulet, a entrepris des démarches afin de faire modifier le nom de la circonscription pour «Pierre-Laporte», une proposition visant à harmoniser le nom de la circonscription avec le pont Pierre-Laporte, l’école Pierre-Laporte (arr. de Greenfield Park) et le centre sportif Pierre-Laporte (à Boucherville). Dans sa démarche, la députée Poulet bénéficie du soutien de la famille du défunt politicien et de la Ville de Saint-Lambert.

La demande est présentement à l’agenda législatif de l’Assemblée nationale a confirmé au Courrier du Sud le bureau de la députée.

Pour ce qui est du changement de nom de la rue Armstrong, celui-ci est survenu peu après les événements d’Octobre 1970. Si ce changement honore la mémoire de Rodolphe Bachand, cultivateur installé avec sa nombreuse famille sur le chemin de la Savane, il avait aussi pour but de redonner de la quiétude aux résidents de ce secteur, indique l’historien Michel Pratt dans un ouvrage. 

La rue Armstrong a changé de nom pour Bachand peu après les événements d’Octobre. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Archives)

Sources