Cinq questions à Catherine Fournier
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Catherine Fournier, lors du visionnement de presse du documentaire Témoin C.F., au Dock619 à Longueuil. (Photo: Le Courrier du Sud – Denis Germain)
18 avril, levée de l’ordonnance de non-publication sur l’identité de la victime d’Harold LeBel. Secret de Polichinelle pour certains, la nouvelle a néanmoins créé un raz-de-marée médiatique. Le Courrier du Sud s’est entretenu avec Catherine Fournier au lendemain de cette journée folle.
Comment se sont passées les 24 dernières heures ?
«Je m’y étais préparée mentalement. C’est sûr que ça me sort de ma zone de confort. Bien que je suis habituée de prendre la parole publiquement, je ne le fais pas à propos d’histoires personnelles, encore moins qui entrent dans mon intimité. C’est sûr que c’était un peu inconfortable à certains égards, mais ça fait partie de mon cheminement personnel.»
Le documentaire Témoin C.F. montre à quel point l’agression, puis tout le processus judiciaire, ont été éprouvants. Comment arriviez-vous à poursuivre votre vie professionnelle ?
«À partir des événements, j’ai choisi de faire du déni… C’est sûr que ça m’aidait. S’occuper beaucoup contribue à se changer les idées. Je me laisse peu de temps pour y penser. Ce ne sont pas des souvenirs agréables, intéressants.
Durant le processus judiciaire, le fait d’avoir des obligations et des responsabilités t’oblige à te remettre dans le bain. Je ne dis pas que c’est toujours 100% positif, mais grosso modo, ça m’aide.»
Avez-vous déjà songé à prendre une pause du travail ?
«Non… Ç’a été particulièrement dur lors de l’arrestation, lorsque mon identité a été révélée. J’ai pris quelques jours à l’écart.
Dans le processus judiciaire, j’ai eu un conseil en plein procès, j’étais là pour répondre aux questions des citoyens, comme si rien n’était. J’ai réalisé après la première journée du procès que c’était peut-être un peu tôt pour reprendre le travail. J’ai pris une fin de semaine plus tranquille et je suis revenue au boulot le lundi.»
L’événement de 2017 a-t-il changé la personne et politicienne que vous êtes ?
«C’est sûr que ç’a marqué la personne que je suis. Ça reste des événements traumatisants.
Dans cadre du procès, j’y ai été confrontée plus que jamais. À partir du moment où je mettais ça dans une petite boîte, au procès, au contraire, il faut que tu la sortes de la boîte. Il faut que tu revois comment ça s’est passé de A à Z, que tu racontes, racontes à nouveau, racontes encore.
Maintenant, je peux passer à autre chose. Reprendre le contrôle sur ma parole publique, participer à améliorer le processus pour les personnes victimes, faire connaitre le système de justice. Ça me permet de faire œuvre utile.»
Quel est le message que vous souhaitez envoyer aux personnes victimes ?
«Si des personnes victimes veulent porter plainte, il y a des ressources; on peut être accompagnées. Il y a de la formation pour les policiers, les procureurs sont disponibles, il y a au sein des CAVAC des ressources spécialisées en agression sexuelle. On se voit attribuer une intervenante et elle nous accompagne tout au long des procédures judiciaires. C’est nouveau depuis 2017.
Mais chaque processus est valide. Certains ne veulent pas porter plainte. C’est propre à chaque personne victime et ça dépend des types de gestes. Dans mon cas, c’était un crime. J’ai choisi la voie judiciaire, mais ça m’a pris deux ans et demi. Je comprends que ça puisse prendre du temps.»
Enquête pour harcèlement psychologique à la Ville
Dans la foulée de cette sortie, Catherine Fournier a évoqué l’idée de créer un poste de «répondant indépendant» à l’Assemblée nationale pour recevoir les plaintes en matière d’inconduite ou de harcèlement.
À la Ville de Longueuil, il existe déjà des processus internes pour les employés et élus qui seraient victimes d’harcèlement.
«Au dernier conseil, on a voté un contrat qui permet d’avoir des enquêtes à l’interne. Ce processus a été mis en place, on le prend très au sérieux», soutient la mairesse.
Les ressources humaines ont requis les services de Latitude management, firme spécialisée en matière d’enquête de harcèlement psychologique et problèmes de climat de travail, pour une durée de trois ans. Ils pourront être appelés à effectuer une analyse et un redressement du climat de travail, ainsi que de la formation et des interventions à la suite d’un incident critique ou auprès d’équipes de travail vivant des difficultés.
«Ces services seront retenus via un contrat afin d’assurer un service d’enquête neutre, rapide et qualifié, dans les meilleurs délais suivant l’ouverture d’une enquête pour harcèlement psychologique retenue par la Direction des ressources humaines», indique par ailleurs la Ville.