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Un colloque sur l’extrême droite sous haute tension à Longueuil

le vendredi 23 mars 2018
Modifié à 12 h 22 min le 23 mars 2018
Par Sarah Laou

slaou@gravitemedia.com

EXTRÊMISMES. Le colloque sur L’extrême droite au Québec: du racisme à la radicalisation organisé par le Centre d'expertise et de formation sur les intégrismes religieux et la radicalisation (CEFIR) au cégep Édouard-Montpetit aura pris des tournures rocambolesques, le 21 mars, alors que les groupuscules La Meute et Soldats d’Odin se sont invités à cette journée de conférences. À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, le colloque du CEFIR proposait d’apporter une vue d’ensemble du phénomène d’extrême droite au Québec et faisait entre autres état des différents groupes existants, tels que La Meute et Soldats d’Odin. Le propos aura déplu aux deux groupes concernés puisque ces derniers rejettent catégoriquement l’étiquette d’extrême droite et se qualifient plutôt de «nationalistes et identitaires». Intimidation Dès 10h, une trentaine de membres des deux factions ont pris place dans la salle de conférence du Cégep et ont chahuté les intervenants. «Ils ont usé de techniques d’intimidation, rapporte le professeur de sociologie et directeur du CEFIR Martin Geoffroy. Émotionnellement, ç’a été assez difficile. Il y avait quelques individus particulièrement agressifs qui m’interrompaient constamment en vociférant, la plupart riaient ou m’interpellaient durant la présentation. Mais si l’idée était de nous couper la parole, c’est raté», conclut-il. Averti par le Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) de la présence des groupes au colloque, le chercheur explique toutefois s’être «préparé psychologiquement». Le service de sécurité était également sur le qui-vive. Pas de jugements Lors des périodes de questions, le sociologue relate que les membres «se levaient en bloc» pour passer au micro, empêchant ainsi les autres participants de poser les leurs, et en martelant que l’étude était biaisée. «Ils ne posaient pas de questions, ils faisaient des commentaires en nous disant que tout ce que nous disions était faux, sans apporter d’arguments ou de précisions. De notre côté, il ne s’agissait pas d’un jugement ou de politique, mais bien de recherches scientifiques basées sur une réalité empirique.» Les groupes protestaient notamment contre le fait de ne pas avoir été consultés. Ce à quoi le directeur du CEFIR, qui présentait son étude de cas sur La Meute, a répondu qu’il s’agissait de recherches basées sur l’analyse du discours de plus de 200 publications en ligne du groupe. «Ils ont de grandes certitudes et ne se remettent pas en question, poursuit le chercheur. Durant cette journée, nous leur avons laissé tout le loisir de s’exprimer. Et je pense aussi que ç’a été une rare opportunité pour eux d’être exposés à des idées nouvelles», croit Martin Geoffroy, en mentionnant que la plupart de ces groupes rejettent l’information émanant des médias traditionnels et s’abreuvent plutôt de nouvelles produites par leurs médias. Susciter la réflexion «Tout cela a finalement été positif, car on s’est sentis épaulés et soutenus, poursuit M. Geoffroy, qui explique que plusieurs élèves et professeurs ont rejoint la salle de conférence durant la journée. Il y a eu un grand élan de solidarité. De plus, étant donné qu’on cherche à comprendre le fonctionnement de ces groupes, ce n’est pas en ne leur donnant pas la parole qu’on va y arriver. On ne veut pas les exclure, au contraire. Il y a matière à travailler.» Le directeur du CEFIR envisage même de faire intervenir un médiateur professionnel en d’autres occasions afin de faciliter le dialogue. En plus de la vidéo de la conférence qui sera disponible dans quelques mois sur le site du Cégep, le colloque donnera lieu à la publication des recherches. Les recherches du CEFIR sur l’extrémisme Lors de cette journée, les experts  membres ou conviés par le CEFIR  ont présenté différents sujets d’étude autour des théories de l'extrême droite, tels que l’idéologie propre aux groupes sectaires, la liberté d’expression, la notion laïcité et son évolution, l’islamophobie ou encore l’analyse de la couverture médiatique de l’attentat de Québec en 2017. Mais il a également été question de prévention de la radicalisation. Martin Geoffroy, qui se spécialise dans l’observation des mécanismes de la radicalisation dans tous ses extrêmes, démontrait entre autres comment La Meute, qui rejette l’étiquette d’extrême droite, appartenait bel et bien à cette mouvance. Il s’est notamment appuyé sur l’analyse de contenu et études, dont le Dictionnaire de l’extrême droite, publié aux éditions Larousse, qui dégage les caractéristiques universelles propres aux groupes d’extrême droite. «Ils se défendent d’appartenir à l’extrême droite, mais c’est justement un des traits caractéristiques: le contrôle de l’appellation. Nous avons recensé chez La Meute plus d’une centaine de discours correspondants à ceux de l’extrême droite. Sur le spectre politique de notre société, leur idéologie se situe le plus à droite; c’est un simple fait et il en va de même pour les groupes extrémistes de gauche. Ils se ressemblent d’ailleurs étrangement: il n’y a pas de dialogue possible, seulement des certitudes.» La Meute compte aujourd’hui 17 clans régionaux, dont le Clan 16, correspondant à celui de la Montérégie. Le directeur du CEFIR poursuivra sa tournée de vulgarisation dans les cégeps pour présenter certains concepts clés dans la compréhension du processus de radicalisation sous toutes ses formes. La conférence Les chemins de la radicalisation sera présentée le 9 avril au Cégep régional de Lanaudière. Rappelons que le CEFIR vise à prévenir la radicalisation chez les jeunes en alliant les chercheurs et les intervenants du milieu. Leurs recherches permettront notamment le développement d’un programme d’éducation populaire, d’outils pédagogiques et de formations destinés aux établissements d’enseignement et aux organismes.      

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