Justice
Faits divers

Coupable d’avoir posé des gestes réservés aux sage-femmes

le vendredi 21 septembre 2018
Modifié à 9 h 25 min le 21 septembre 2018
Par Jonathan Tremblay

jtremblay@gravitemedia.com

France Dufort, une accompagnante à la naissance de l’arr. de Greenfield Park, a été déclarée coupable d’avoir posé des gestes réservés aux sage-femmes – une nuance jugée importante − dans un verdict écrit déposé à la fin juillet. Cette décision fait suite à un procès tenu sur trois jours en mars, au palais de justice de Longueuil, concernant des faits datant de 2015. L’Ordre des sage-femmes du Québec reprochait à Mme Dufort d’avoir entre autres écouté le cœur du fœtus, mesuré la hauteur utérine, et procédé à un examen vaginal. L’Ordre l’accusait également d’avoir laissé croire qu’elle était autorisée à agir comme sage-femme auprès d’une femme enceinte, le seul des sept chefs pour lequel elle a été acquittée. Sa collègue Irina Constantinescu a quant à elle été déclarée coupable de cet unique chef qui pesait contre elle, soit d’avoir usurpé le titre professionnel. «Les motivations de la défenderesse, aussi altruistes étaient-elles vu la situation difficile dans laquelle se trouvait [la mère], ne constituent pas une défense aux infractions reprochées», a laissé savoir le juge Dominique Dudemaine dans son verdict. Rappelons qu’un jeune couple ayant des problèmes financiers en raison du processus d’immigration de la femme avait fait appel aux deux accusées. Des complications durant la grossesse ont causé la mort du bébé avant sa naissance, à l’Hôpital du Haut-Richelieu. Le médecin sur place avait porté plainte à l’Ordre des sages-femmes après avoir appris que Mme Dufort n’était pas officiellement reconnue comme tel. Jurisprudence C’était la deuxième fois que l’Ordre des sage-femmes poursuivait des individus pour ces raisons. Même si les procédures judiciaires ne sont pas terminées, il s’agit d’une bonne nouvelle, selon l’Ordre. «Être sage-femme, c’est une profession à exercices exclusifs, un champ de pratique réservé. Le juge y est allé selon la loi. C’est écrit clairement», explique la présidente de l’Ordre Marie-Ève St-Laurent, appelée à commenter le verdict. Elle souhaite maintenant que ce jugement serve de jurisprudence. «Absolument! Tous les jugements font partie de la jurisprudence. Ce ne sont pas des choses qu’on prend à la légère. On se doit de faire enquête et prendre les démarches qu’il faut lorsqu’on nous rapporte des pratiques illégales. C’est ce qu’on a fait dans ce cas-là. Il faut protéger le public», poursuit-elle. Les intentions des accusées ne sont toutefois par remises en cause par l’Ordre. «On n’est pas dans des jugements d’intentions, mais de faits», a conclu Mme St-Laurent. Décision étrange Des membres de l’organisme Naissance-Renaissance s’étaient déplacées en soutien aux accusées lors du procès. L’une des femmes présentes avait été formelle: n’importe laquelle d’entre elles aurait pu se trouver devant le tribunal, car elles pratiquent toutes des méthodes semblables en tant qu’accompagnantes à la naissance. La porte-parole de l’organisme Nicole Pino ne se dit pas surprise du jugement à l’endroit de France Dufort. Elle trouve toutefois «abusif et de mauvaise foi» celui d’Irina Constantinescu. «C’est un étrange verdict que Mme Constantinescu ait été reconnue coupable du seul chef pour lequel Mme Dufort a été acquittée, surtout quand on sait qu’il y a beaucoup de confusion entre sage-femme et accompagnante à la naissance. Les sage-femmes en sont elles-mêmes conscientes», a souligné Nicole Pino. Les représentations sur sentence auront lieu en novembre. France Dufort et Irina Constantinescu pourraient écoper d’amendes allant de 1500 à 20 000$.