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De l'ingérence de la Caisse de dépôt ?

le mercredi 06 avril 2016
Modifié à 0 h 00 min le 06 avril 2016

RONA. La Caisse de dépôt et placement du Québec s'est-elle ingérée dans le processus de vente de Rona à l'entreprise américaine Lowe's? C'est du moins ce qui découle d'une entrevue radiophonique avec l'ancien chef de la direction de Rona, Robert Dutton, au micro d'Alain Gravel, le 5 avril.

«[La vente], c'était écrit dans le ciel, c'était évident. Depuis mes rencontres avec la Caisse de dépôt et Michael Sabia [PDG de la Caisse], j'étais convaincu que leur volonté, c'était de vendre Rona», a affirmé M. Dutton.

Robert Dutton a été congédié le 5 novembre 2012 par Michael Sabia, après avoir dirigé Rona durant 20 ans. Il estime que la Caisse de dépôt n'est pas à l'origine de la vente, mais qu'elle y a tout de même joué un rôle important.

«Ce n'est pas la Caisse qui est directement à l'origine; elle n'a pas incité Lowe's à faire une offre, a poursuivi l'homme de 61 ans. Mais c'est la Caisse qui, après que Lowe's ait fait son offre, a d'abord fait changer la direction, puis, deux mois plus tard, le conseil d'administration pour y mettre des gens ouverts à la vente de Rona. Il y a aussi des gestes posés par la suite, comme le rachat de magasins de grandes surfaces aux marchands, qui simplifiaient la vente à Lowe's.»

Au moment de congédier M. Dutton, Michael Sabia lui aurait indiqué que ce serait dorénavant lui qui allait s'occuper de Rona, que c'était son dossier.

 «Il m'a dit, "Je sais que ce n'est pas normal, mais c'est moi qui vais m'en occuper. J'ai l'équipe, j'ai les gens et je sais comment faire", a révélé Robert Dutton. À partir du moment où il me dit ça, qu'on me congédie, qu'on change le conseil et qu'on nomme des gens qui sont près de la Caisse, ça a été, depuis trois ans, de savoir à quel moment ça allait être vendu. Ça a été le 3 février.»

L'ancien chef de Rona s'inquiète des répercussions sur le secteur manufacturier, point fort de l'économie en région, mais aussi du laxisme des politiciens, qui se cachent derrière l'excuse des «lois du marché», dit-il.

«Pourquoi Investissement Québec a vendu ses actions à l'automne, alors qu'on apprend que les négociations ont commencé avec Lowe's en septembre? C'est nébuleux. Le dossier de Rona depuis les cinq ou six dernières années, c'est un sujet d'enquête», a lancé le sexagénaire à l'ancien animateur de la célèbre émission Enquête.

Le fédéral de nouveau interpellé

En réaction à ces allégations d'ingérence, le député de Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères, Xavier Barsalou-Duval, a de nouveau interpellé le gouvernement fédéral.

Il a demandé au ministre de l’Innovation, de la Science et du Développement économique Navdeep Bains de retenir la transaction de 3,2 G$ afin que la lumière soit faite sur les circonstances entourant la vente du fleuron québécois, évoquant la perspective d'une commission d'enquête.

«Si c’est vraiment la raison du congédiement, il s’agit d’un véritable scandale. L’enchaînement des évènements laisse croire à une transaction fort douteuse, soupçonne le député du Bloc Québécois par voie de communiqué. Avec le recul et l’arrivée de ces faits nouveaux, on peut certainement affirmer que c’est inquiétant.»

«Il faut faire la lumière sur cette affaire avant que l’on permette à cette transaction de franchir des étapes supplémentaires», ajoute-t-il.

Si les propos de M. Dutton s'avèrent, la situation serait d'autant plus choquante compte tenu de la mission première de la Caisse, estime M. Barsalou-Duval, qui est de contribuer au développement économique du Québec.

«On constate qu’on est rendu bien loin de ça aujourd’hui, déplore-t-il. Ça semble être ça [de l'ingérence]. Aurait-on secrètement donné au nouveau directeur général le mandat de liquider un fleuron québécois?»