Fenêtres sur le théâtre en création : donner le goût et s'inspirer
Sur la petite scène du Studio A du Théâtre de la Ville sont assis les acteurs Marc-André Thibault et Marie-Hélène Thibault, ainsi que la metteure en scène Catherine Vidal et la conceptrice de décors et costumes Carol-Anne Bourgon-Sicard. Devant, quelques dizaines de diffuseurs attentifs à cette courte immersion dans une production théâtrale dont le processus de création en est encore à ses balbutiements.
«C’est intimidant», lance d’emblée Catherine Vidal.
Tel est le contexte des Fenêtres, regard sur le théâtre en création qu’offre depuis 28 ans le Théâtre de la Ville.
Du 18 au 20 novembre, une quarantaine de diffuseurs, des quatre coins du Québec et même du Nouveau-Brunswick, ont pris part à ces journées où sont présentés des projets en chantier, des pièces qui seront jouées au cours des prochains mois. Il s’agit pour les diffuseurs d’une belle occasion d’échanger avec les créateurs et de «magasiner», en quelque sorte, ce qu’ils pourraient présenter à la prochaine saison.
En cours
Catherine Vidal et les comédiens y étaient pour faire connaître Possessions, un texte de François Archambault et une production du Théâtre Bistouri, à l’affiche en formule 5 à 7 à La Licorne en avril et en mai.
La pièce montre la rencontre de Marc – un père de famille dont la mère est récemment décédée – avec sa conseillère financière. Il souhaite savoir quoi faire de son héritage, mais expose aussi ses craintes pour l’avenir, lui qui n’arrive pas à épargner malgré les multiples emplois. Cette rencontre prendra une autre tournure lorsque sa défunte mère prendra possession du corps de la conseillère financière, pour entrer en contact avec lui. Qu’auront-ils à se raconter?
Si cette prémisse amène son lot de potentiel dramatique, le texte est drôle, et les rires des diffuseurs l’ont démontré. Les comédiens en ont livré une interprétation d’une trentaine de minutes, debout devant des lutrins.
(Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Au Courrier du Sud, ils ont expliqué que la majeure partie du travail de préparation se déroulera à l’hiver et au printemps.
«Tout!» a d’ailleurs répondu Marie-Hélène Thibault, lorsque questionnée sur ce qu’il restait à mettre en place. Un spectacle d’environ une heure comme Possessions exige 70 heures de répétition.
«On a répété pour être ici. D’aller un peu dans la direction d’acteurs et d’avoir un retour direct des diffuseurs qui vont t’accueillir, c’est génial, ça ouvre une porte vers autre chose», a constaté l’acteur Marc-André Thibault.
«Et c’était un petit stress, a avoué sa collègue comédienne. On se dit : il reste tout ce chemin-là à faire! Toute étape de travail dans le processus de création est tellement la bienvenue.»
L’actrice partage d’ailleurs à son collègue une réflexion qu’elle a eue quelques minutes plus tôt sur scène. «Je viens de réaliser qu’il n’y avait pas de père dans l’histoire, pas de frère et sœur, c’est un couple! Cette affaire-là est forte, on pourra travailler ça. Cest l’homme de la maison. Il a sûrement pris part aux décisions…»
L'affiche de la pièce qui sera présentée à la Licorne. (Photo: Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Curiosité assouvie
Après la prestation, des membres du public ont voulu connaître la fin de la pièce, ou encore savoir si la conseillère financière, à l’instar des deux autres personnages, sera aussi transformée par cette expérience.
«C’est vrai, on peut tout spoiler!» a lancé en riant Marie Hélène Thibault.
Cet article se gardera toutefois de le faire…
À cette étape, deux configurations de salle sont envisagées. Des esquisses ont été dévoilées, et la conceptrice des décors Carol-Anne Bourgon-Sicard a expliqué comment par exemple un élément de l’éclairage peut créer un effet de huis clos.
«Le rapport mère-fils, ce que les corps se disent au-delà des répliques, tout ça est à orchestrer», a aussi soutenu la metteure en scène Catherine Vidal.
Humour et drame
Possessions est une commande.
«Je suis fier d’avoir eu l’audace de demander à François Archambault! a lancé Marc-André Thibault, aussi directeur artistique et général du Théâtre Bistouri. On voulait aborder le rythme de vie effréné, le temps, pourquoi on met autant d’énergie sur le matériel… Il a eu carte blanche.»
M. Thibault confirme que l’œuvre est à la hauteur des attentes.
«On aime son humour, son drame, ce mélange, c’est très humain, a signifié l’acteur. La relation mère-fils, c’est un sujet dont on peut parler vraiment longtemps», a-t-il constaté.
«C’est aussi les surprises que l’auteur réussit à créer, a renchéri Marie-Hélène Thibault. Cette idée-là de parler à travers quelqu’un : ce que j’ai transmis ou pas, ce que je peux encore faire… c’est grand.»
Il est tentant de leur demander ce que serait leur réaction s’ils assistaient, comme le propose la pièce, à une telle apparition de l’au-delà.
«Mon père est là… Ouais, ça fait quatre ans qu’on gère sa succession. Il y a des moments où je l’aurais un peu chicané, je pense, a réfléchi Marie-Hélène Thibault. Mais j’aurais… je lui aurais dit merci aussi.»
«C’est une bonne réponse, a réagi son acolyte. Aller à l’essentiel; t’as pas le choix, c’est la dernière chance que tu as de lui parler. Je déblatèrerais un million d’affaires pour être sûr que tout est dit!»