Actualités
Société

La franc-maçonnerie, bien loin des conspirations Illuminatis !

le mercredi 13 juillet 2016
Modifié à 0 h 00 min le 13 juillet 2016

MYTHE. L'image que se fait le public de la franc-maçonnerie varie curieusement. Alors que certains l'associent à une organisation hautement secrète, plusieurs y voient un ordre de conspirateurs digne du mythe des Illuminatis, tandis que d'autres encore font immédiatement un lien avec le populaire film Trésor national. Pourtant, la réalité est toute autre.

«On n'est pas une société secrète, contrairement à toutes ces théories du complot. Les histoires d'Illuminatis sont ce qui nous nuit le plus; les gens en voient partout», déplore Philippe Bélanger, vénérable maître – l'équivalent d'un président d'assemblée – de la loge Delta de l'Amitié, l'une des trois à partager les locaux de l'ancien presbytère jouxtant l'Église Internationale de Greenfield Park.

Décrivant l'organisation comme étant «discrète», Philippe Bélanger affirme que le groupe est bien loin de l'image de conspirateurs et des Illuminatis, curieusement implantée au sein de l'imaginaire de plusieurs.

«C'est sûr qu'on garde tout de même un petit voile de mystère pour attiser la curiosité, concède M. Bélanger. En même temps, c'est la curiosité qui amène plusieurs personnes ici. Ces dernières repartent généralement déçues de voir qu'il n'y a pas de grands secrets comme dans les films et tout ce qui peut être véhiculé.»

Des secrets? Quels secrets?

Au Québec, 74 loges maçonniques réunissent quelque 4200 membres. Et depuis quelques années, les francs-maçons tentent d'assainir leur image.

Hormis poignées de main, codes et le contenu des discussions au sein de l'assemblée, oubliez les secrets conspirationnistes: l'organisation se veut plutôt à vocation philanthropique et philosophique. D'ailleurs, il y a une interdiction totale de discuter de politique ou de religion à l'intérieur de l'assemblée.

«Certains diront que le vrai secret, c'est le vécu à l'intérieur de la loge, la compréhension de l'organisation, avance celui qui est impliqué dans cette fraternité depuis 2009. Ça apporte différentes choses à différentes personnes, pour différentes raisons.»

Ces membres restent tout de même anonymes pour la plupart, sauf s'ils décident eux-mêmes de le dévoiler.

«Il fut une époque où faire partie des francs-maçons était mal vu par l'Église catholique; certaines cultures associent ça aux sciences occultes. Certains n'ont aucun problème, mais d'autres oui, puisqu'ils travaillent dans un milieu où ça pourrait leur porter préjudice», explique Philippe Bélanger.

Pourtant, il n'y aurait pas de quoi se cacher; les hôpitaux Shriners sont soutenus par un groupe de francs-maçons, alors que la loge francophone longueuilloise contribue à des œuvres caritatives, notamment LEUCAN et les CLSC locaux, en plus d'aider des familles défavorisées durant le temps des Fêtes. Néanmoins, bien des personnes et organismes reçoivent un soutien de francs-maçons sans même le savoir.

Entrer dans le 21e siècle

Si les francs-maçons désirent faire persister leur pratique, ils devront certainement adapter quelques-unes de leurs règles et laisser de côté certaines traditions, de l'aveu de Philippe Bélanger. Afin de faire partie d'une loge, les candidats doivent être âgés d'au moins 21 ans, entretenir une motivation raisonnable de faire partie du groupe… et être de sexe masculin.

«C'est la prochaine étape que doit franchir la franc-maçonnerie, selon moi, d'ici les 10 ou 15 prochaines années. On doit arriver au 21e siècle, constate Philippe Bélanger, soulignant du même souffle l'attitude inclusive du mouvement envers les communautés religieuses. Les principes, valeurs fondamentales et textes des rituels resteront tous les mêmes; mais les traditions locales, il faut que ça change.»

Une telle mesure favoriserait notamment l'arrivée de nouveaux membres – malgré quelques loges mixtes au Québec –, qui fait quelque peu défaut au mouvement maçonnique, en léger, mais constant déclin depuis plusieurs années. De là, entre autres, l'idée de tenir des portes ouvertes.

«On a besoin d'être vu. On en a de la relève, mais on en a besoin de plus; on en veut plus. Il y a aussi le fait que les gens ne savent pas qui l'on est», indique M. Bélanger.

La seule loge francophone de Longueuil ouvrira d'ailleurs ses portes au public, le 16 juillet, de 12h à 16h, dans le but de démystifier la pratique de la franc-maçonnerie.

Les visiteurs pourront découvrir la salle d'assemblée, notamment, alors qu'un représentant de la Grande Loge du Québec, située à Montréal, viendra expliquer quelques rouages de la franc-maçonnerie.

Dérivé des constructeurs de cathédrales

Les plus anciennes loges maçonniques au Canada ont été constituées en 1721, le mouvement étant alors importé d'Europe, où la loge la plus ancienne remonte à 1599.

Historiquement, la franc-maçonnerie est dérivée des regroupements de maçons qui s'affairaient à la construction de cathédrales, de là le mythique symbole du compas et de l'équerre.

Au fil du temps, l'organisation a fait la transition d'une maçonnerie opérative à une dite spéculative, soit qui est plus d'ordre philosophique, reposant toujours sur le fondement de l'«art de bâtir».

La pratique a couramment été associée à une organisation où se regroupaient des aristocrates anglo-saxons, puisque les milieux maçonniques étaient à l'époque beaucoup fréquentés par l'élite anglophone. Aux balbutiements du mouvement en sol canadien, les francophones étaient rarement présents dans les loges, s'y intégrant tranquillement et créant quelques loges opérant dans la langue de Molière. Malgré le fait qu'ils composaient plus de 50% des francs-maçons québécois en 2010, il n'y a que 18 des 74 loges qui opèrent en français, alors que d'autres se disent bilingues.