Le cancer comme maladie professionnelle reconnue - Pompier : un métier qui a bien évolué
Jean Melançon, directeur du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil (SSIAL), et Claude Brosseau, directeur de la Régie incendie de l’Alliance des Grandes-Seigneuries (RIAGS), sont satisfaits de l'investissement de 12,29 M$ du fédéral pour améliorer la prévention et le traitement du cancer chez les pompiers canadiens. Ils ont partagé avec Le Courrier du Sud l'évolution des pratiques de leur métier, soulignant les améliorations en matière de sécurité et de santé.
Le chef Melançon évoque une époque où l’état de saleté de l’équipement d’un pompier était perçu comme un indicateur de la rigueur et de l’intensité de son travail.
«Plus l’équipement du pompier était sale, plus cela signifiait qu’il travaillait fort.»
- Jean Melançon, directeur du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil
«Mais les mentalités ont changé et plusieurs mesures ont été prises ces dernières années pour réduire les risques de cancer, poursuit-il. On a des procédures de décontamination sur place. Chaque pompier dispose maintenant de deux équipements complets. On a des laveuses industrielles dans chaque casernes.»
Le directeur du Service de sécurité incendie de l’agglomération de Longueuil, Jean Melançon. (Photo: graciieuseté)
À cet effet, la nouvelle caserne 44 à Brossard dispose d’une baie de nettoyage et à la décontamination des véhicules et des équipements après une intervention.
Le directeur du SSIAL ajoute que les incendies se développent trois fois plus rapidement aujourd’hui qu’à ses débuts dans le métier, en raison notamment des matériaux synthétiques et des plastiques utilisés dans les constructions.
Prendre une grande respiration!
Du côté de la RIAGS, qui assure la couverture de Saint-Constant, Sainte-Catherine, Candiac et Delson, le chef Claude Brosseau confirme également la mise en place de bonnes pratiques de décontamination. «Il y a eu beaucoup de changements au cours des dernières années. Ainsi, les appareils respiratoires faciaux sont portés en tout temps lors des interventions.»
«Quand j’ai commencé il y a 40 ans, on prenait une grande respiration et on entrait dans le bâtiment en flammes!»
- Claude Brosseau, directeur de la Régie incendie de l’Alliance des Grandes-Seigneuries
M. Brosseau ajoute que les deux futures casernes, une sur la route 132 qui couvrira Saint-Constant et Sainte-Catherine, et une autre à Candiac, seront équipées elles aussi de baie de décontamination.
Claude Brosseau, directeur de la Régie d’incendie de l’Alliance des Grandes-Seigneuries. (Photo : gracieuseté)
La RIAGS compte 80 pompiers.
Cas de cancer reconnus
Au SSIAL, qui compte dans ses rangs 300 pompiers, un pompier actif et quatre pompiers retraités ont vu leur cancer reconnu par la CNESST. «Il y a neuf formes de cancer reconnues au Québec, indique son directeur M. Melançon. Il faut également que le pompier compte entre quinze et vingt années de service.»
Le Québec reconnait comme maladie professionnelle neuf formes de cancer chez les pompiers contre 19 en Ontario. Mais le nombre de cancer reconnu augmentera sous peu au Québec. (Photo : Le Courrier du Sud ‒ Archives)
Les neuf formes de cancer reconnues par Québec depuis 2021 sont les cancers du rein, de la vessie, de la prostate, de la peau, du larynx, du poumon, ainsi que le mésothéliome, le myélome multiple et le lymphome non hodgkinien. «On travaille pour faire reconnaître plus de formes de cancer. L’Ontario en reconnaît 19», précise M. Melançon qui est également coprésident de l’Association des chefs pompiers du Québec.
Québec a récemment reconnu la leucémie comme une maladie professionnelle pour les pompiers, marquant une avancée significative en matière de santé au travail pour cette profession à risque. Le gouvernement s'apprête également à élargir la liste des cancers reconnus comme maladies professionnelles en y ajoutant le cancer du cerveau, des testicules, de l'œsophage, colorectal, ainsi que le cancer du sein.
Du côté de la RIAGS, aucun cas de cancer n’est reconnu à ce jour.
Cadre national
En juin 2023, le Parlement a adopté à l'unanimité le projet de loi C-224 visant à établir un cadre national pour la prévention et le traitement des cancers liés à la lutte contre les incendies.
Ce cadre vise à protéger les pompiers contre l'exposition aux substances toxiques et comprend six piliers : recherche, collecte de données, formation, diagnostics, partage d'informations, et établissement de normes de santé et sécurité. Il soutient la prévention, la sensibilisation et la collaboration pour mieux protéger les pompiers contre les cancers professionnels.
C’est la députée de Longueuil-Charles-LeMoyne, Sherry Romanado, qui a déposé ce projet de loi d’initiative parlementaire en 2022.
«Les pompiers mettent leur vie en danger chaque jour pour assurer la sécurité des Canadiens et de nos collectivités […], avait-elle déclaré au Courrier du Sud à l’époque. Nous avons tous la responsabilité de faire tout notre possible pour assurer leur sécurité. En tant que fille et épouse de pompiers volontaires [à Greenfield Park], je prends cette responsabilité à cœur. Elle est très personnelle et très importante pour moi.»
«Notre objectif avec ce cadre est de sauver des vies», avait-elle affirmé, ajoutant espérer que d'autres juridictions fassent de même.
La députée de Longueuil-Charles-LeMoyne, Sherry Romanado, a déposé ce projet de loi d’initiative parlementaire en 2022. (Photo : gracieuseté)
Faits en bref
- Le cancer est la principale cause de décès lié au travail pour les pompiers au Canada.
- Depuis 2021, Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada ont avancé dans la recherche liée au plan de protection des pompiers contre les produits chimiques nocifs émis lors d'incendies résidentiels. Ils ont également mis en place des mesures réglementaires contre les SPFA (substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques) et certains retardateurs de flamme nocifs.
- En juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer a classé la lutte contre les incendies parmi les agents reconnus cancérogènes pour les humains.
- De 2005 à 2016, un cancer était en cause dans 86 % des demandes d'indemnisation à la suite d'un décès associé au travail. Dans les faits, les études montrent que les pompiers ont un risque de diagnostic de cancer qui est 9 % plus élevé, et un risque de décès par cancer 14 % plus élevé que les membres du grand public.
- Depuis 2024, le mois de janvier est appelé « Mois de la sensibilisation au cancer chez les pompiers » au Canada.