Le mal-aimé boulevard Taschereau, un incontournable depuis plus de 90 ans
Depuis son inauguration en 1932, le boul. Taschereau n’a laissé personne indifférent. Tantôt innovant, tantôt désuet, il a marqué et continue de marquer le paysage sur la Rive-Sud, pour le meilleur ou pour le pire.
Parfois comparée à la Strip de Las Vegas, la grande voie qui traverse Longueuil, Brossard et La Prairie est en quelque sorte l’emblème de l’artère commerciale au Québec.
«Le boul. Taschereau n’a pas une renommée internationale comme la Strip de Las Vegas, mais il a quand même une certaine renommée régionale, positive ou négative. Les gens connaissent le boul. Taschereau», souligne Samuel Descôteaux Fréchette, urbaniste à la firme Arpent.
Ce dernier, qui a réalisé une analyse du cadre bâti de l’artère durant sa maîtrise à l’Institut national de la recherche scientifique, rappelle que le boulevard a autrefois été innovant.
«Si on retourne dans les années 60, 70, il y avait vraiment des innovations sur le boul. Taschereau, il y a des raisons pour lesquelles les gens allaient là. Par exemple, le premier Steinberg sur la Rive-Sud, il était au Mail Champlain. "Enfin on avait notre Steinberg"», explique-t-il.
«Sur la Rive-Sud de Montréal, pendant une vingtaine d’années, c’était une banlieue relativement dortoir, il n’y avait pas vraiment d’infrastructure ou de grands équipements culturels, sociaux, c’était surtout des logements. Les espaces commerciaux, ce n’était rien qu’on ne pouvait comparer à Montréal, mais ça s’est quand même imposé comme quelque chose de nouveau», ajoute l’urbanisme.
Notons que l'artère a également joué un rôle important dans le développement de Brossard.
Ode à la voiture
De nos jours, le boulevard est souvent cité dans les écoles d’urbanisme comme un modèle à ne pas reproduire.
On lui reproche notamment sa grande empreinte, son aspect très minéralisé, ses grands stationnements de surface et son architecture peu intéressante. On le voit en quelque sorte comme une ode à la voiture, évoque Samuel Descôteaux Fréchette.
«Aussi, il y a une grande régularité pour l’auto : à chaque 300 mètres, on peut trouver une station d’essence, un garage. Mais quand on regarde au niveau piéton, c’est très irrégulier. Tout au long, on va trouver 5, 6, 7 façons de faire le trottoir», affirme-t-il, notant en outre que le boulevard est encore «dans l’écho du Taschereau des années 60».
«Malgré les éléments d’intérêt qu’on ne peut mettre de côté, le boul. Taschereau incarne une occupation du territoire non durable.»
-Samuel Descôteaux Fréchette, urbaniste
Et en ce qui a trait à sa vocation commerciale, l’artère s’est fait jouer le même tour qu’elle a joué autrefois.
«Autant le boul. Taschereau a été un succès et a donné un coup dur à tout ce qui était rues commerciales comme les Mont-Royal ou Sainte-Catherine, autant, il subit un gros coup depuis que les gens se tournent vers les DIX30 et les Big Box», mentionne l’urbaniste.
Un défi important
En tant que professionnel en urbanisme, verrait-il un mandat de réaménagement de Taschereau comme un projet de rêve ou l’opposé?
«Dans les faits, si l’on n’a pas de volonté politique pour faire des interventions, de la maîtrise foncière, d’acheter des terrains, ça devient vraiment difficile de voir ce boulevard évoluer rapidement […] Mais je trouverais ça vraiment le fun de travailler là-dessus!» assure Samuel Descôteaux Fréchette.
Un défi qui serait certes d’ampleur, mais qui donnerait peut-être une nouvelle vie à l’artère.
«Je dirais en une phrase que le boulevard Taschereau, ç’a été un laboratoire urbanistique tourné vers la modernité durant l'après-guerre, mais qu'aujourd'hui, il faut réfléchir à son actualisation pour répondre aux besoins et aux enjeux contemporains (dépendance à l'automobile, îlots de chaleur, échelle humaine, etc.)», conclut-il.