Culture

Le Parti Rhinocéros ou comment dérider le politique

le mercredi 21 août 2024
Modifié à 14 h 31 min le 30 août 2024

Jacques Ferron, gagnant du Prix David, 1977. Archives nationales à Québec, fonds Ministère des Communications (E10, S44, SS1, D77-780). Photo : Jules Rochon.

Dans le rétroviseur 
Une collaboration spéciale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Par Céline Simonet, bibliothécaire à BAnQ

L’écrivain et médecin Jacques Ferron (1921-1985) fonde le Parti Rhinocéros à l’automne 1963, avec son frère Paul – médecin de profession également –, l’avocat Robert Cliche (époux de sa sœur Madeleine), ainsi que l’artiste et journaliste Robert Millet. Alors résident de Ville Jacques-Cartier, il se manifeste ainsi en citoyen éclairé et engagé. 

Son inspiration vient principalement de l’histoire d’une femelle rhinocéros nommée Cacareco qui fut désignée candidate, lors des élections municipales de Sāo Paulo, au Brésil, pour protester contre la corruption. Elle avait alors obtenu environ 100 000 votes de protestation. 

La différence fondamentale avec l’histoire brésilienne est que les candidats du Parti Rhinocéros sont humains et éligibles selon les lois électorales du Canada et du Québec. Le Parti Rhinocéros s’impose donc comme un parti contestataire, mais il est qualifié également comme un « parti politique de dérision », selon les mots mêmes de son fondateur, dit Éminence de la Grande Corne. Il critique la politique canadienne, plus précisément le fédéralisme canadien, avec panache et en usant de toutes les formes d’humour. Il déride littéralement le politique. 

Sans doute veut-il éveiller les consciences, libérer la critique ou tout simplement permettre au peuple à la fois d’exprimer et de soulager ses frustrations sociales. Quoi qu’il en soit, le programme du parti propose un éventail varié de résolutions toutes les plus déroutantes les unes que les autres. 

DÜRER, Albrecht, Rhino 84, d'une mare à l'autre : j'adhère, je porte la badge, affiche, 51 x 33 cm, Montréal, Parti Rhinocéros, 1984.

« Nous réviserons la loi de la gravitation et des pôles d’attraction afin de permettre une meilleure centralisation du pouvoir fédéral, sans heurter la force d’inertie des fonctionnaires, et éliminer les conflits électrisants entre le fédéral et le provincial […] Nous diminuerons les taxes afin d’augmenter le pouvoir d’achat des électeurs et s’il nous manque de l’argent, nous augmenterons seulement les impôts mais pas les taxes […]  Nous interdirons la bombe atomique et les voyages dans la lune parce que ça dérègle la température » (Le Parti Rhinocéros programmé, 1974, p. 31, 32, 34). 

Ce ne sont que quelques exemples, mais ils résonnent curieusement encore aujourd’hui.
Le succès est tel que des personnalités comme Robert Charlebois, Gaston Miron, Victor-Lévy Beaulieu, Simonne Monet-Chartrand et Jacques Hurtubise s’impliquent dans le parti. Au cours de son histoire, le Parti Rhinocéros n’a jamais fait élire de députés, mais plusieurs candidats ont fini deuxièmes ou troisièmes dans leur circonscription respective. Le parti, qui devait s’éteindre au décès de son fondateur, est toujours en activité. 

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