Culture

Les Sœurs Boulay : échapper à la nuit, le pas léger

le mercredi 08 février 2023
Modifié à
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Stéphanie et Mélanie Boulay seront sur la scène du Théâtre de la Ville le 23 février, puis au Club DIX30 le 20 avril. (Photo: Gracieuseté)

Un mélange de peur et d’excitation habite les Sœurs Boulay, à l’aube de leur tournée Échapper à la nuit, qu’elles baptiseront au Théâtre de la Ville le 23 février. «S’asseoir» sur leur dix ans de carrière n’est pas trop le genre des deux artistes qui, sur scène comme dans leurs chansons, cherchent à se dépasser. 

«On a monté le show la semaine passée. Avant ça, c’était vraiment plus épeurant, car on ne savait pas ça allait être quoi, le spectacle. Là, on sait où on s’en va», se rassure Stéphanie Boulay, en entrevue au début du mois.

Jamais le duo ne s’est autant entouré en tournée : Marc-André Larocque à la batterie, Camille Gélinas aux claviers et à la programmation, Charles Blondeau aux instruments à cordes, Myriam Sophie Deslauriers à la mise en scène et Julie Basse, la «super conceptrice d’éclairage». Connor Seidel, qui a entre autres réalisé l’album, signe les arrangements du spectacle.

«On a plus de moyens et on se gâte en tabarouette!» lance-t-elle.

Même après une décennie à pratiquer ce métier, le vertige happe autant avant une telle première. Peut-être est-ce parce que les auteures-compositrices-interprètes ne prennent rien à la légère.

«On se demande comment amener ça une coche plus loin. On veut toujours aller plus loin que la musique et tendre vers l’expérience humaine, que les gens aient l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique. En ce moment, on est en gros brainstorm : qu’est-ce qu’on veut dire avec ce spectacle?»

«On le sait qu’on sera vraiment stressées, mais on va tout donner parce qu’on a hâte de vivre ça. On se met vraiment ce défi, que chaque soir soit spécial, et encore plus là, parce que c’est la première.»

-Stéphanie Boulay

Femmes émancipées

Le souhait d’aller ailleurs s’entend aussi dans les paroles – et le son – d’Échapper à la nuit, leur quatrième opus. Plus que jamais, Mélanie et Stéphanie Boulay témoignent de leur vécu, de leur intimité, de manière franche.

Les paroles peuvent décrire une dure réalité. 

«Tu voudrais qu’on fasse comme si / Mais comment voudrais-tu que j’oublies / La violence et les cris / De mon enfance à aujourd’hui», chantent-elle doucement dans Comme si. 

Ou encore, dans Tu cherches tes souliers : «Dis, de qui dans la vie j'ai pas à avoir peur? / Même toi t’as pas su comment me protéger / T’as fermé la lumière pour épargner ton cœur / Mais tu m’as oubliée dans la pièce d’à côté». 

«C’est comme si on avait pelé l’oignon et que là, on arrivait dans le centre, explique Stéphanie Boulay. Je pense qu’on a plus confiance en nous. On a moins honte de qui on est, de nos expériences. À mesure qu’on devient des femmes et qu’on s’émancipe, on a moins peur de nommer les choses telles qu’elles sont.»

Cette maturité artistique s’accompagne d’une prise de conscience de la raison profonde qui les pousse à chanter : faire du bien aux gens, en nommant ce qui est tabou ou gênant, «en espérant que ça va faire sentir moins seuls, moins cons» ceux qui peuvent se reconnaître dans leur témoignage, souffle Stéphanie Boulay.

Car c’est l’effet que crée la musique chez les sœurs elles-mêmes. La musique réussit là où les mots, les conversations et autres tentatives échouent, parfois. «Il y a des choses qu’on n’arrive pas à régler dans notre vie et quand c’est fait à travers à la musique, ça passe mieux. La musique arrive à transcender la peur, la honte, la colère, pour aller chercher le meilleur.»

Une telle franchise ne vient pas sans doute ni crainte. Pas sa mère, qui évoque les enjeux de la belle-parentalité, a failli ne pas se trouver sur l’album. «Juste avant qu’on envoie les fichiers pour aller faire les disques, je me disais : j’suis pas game. Et ensuite, non… Ça fait mal, mais il faut le faire», partage-t-elle.

(Photo: gracieuseté)

Faire pop (électro) et faire rire

Et pourtant, de cet album – qui porte aussi beaucoup sur la guérison – se dégage une lumière. Le son, plus électro que ce que les Sœurs Boulay ont jusque-là donné à entendre, allège et enjolive. D’où cette impression d’un album réconfortant. 

«On s’en est rendu compte par après, constate Stéphanie Boulay. C’est notre album musicalement, esthétiquement le plus léché. Et plus pop, plus accrocheur.»

Inconsciemment, elles ont créé l’équilibre vers lequel elles tendent sur scène. «Parfois, les gens ont peur de venir nous voir, parce qu’ils se disent que nos chansons sont douces, tristes. Ils ont peur que ce soit déprimant, alors que notre plus grande passion en show, c’est de faire rire les gens!»

 

 

« On s’est rechoisies, pour deux ans »

Sur le plan personnel, les vies de Stéphanie et Melanie Boulay n’ont jamais été aussi différentes. Lorsqu’elles ont commencé leur carrière, elles habitaient ensemble, n’avaient pas de chum, pas d’enfants… «pas de racines», dira Stéphanie Boulay.

Aujourd’hui, Stéphanie vit avec son conjoint et la fille de ce dernier, alors que Mélanie, en couple avec Guillaume Wagner, a eu deux enfants. Après cette pause durant la pandémie, la question s’est posée, comme à chaque cycle d’album : continuer?

«Malgré nos différences dans nos vies, on a un désir commun : essayer de créer de belles choses, des choses vraies, faire de la musique ensemble avec des gens qu’on aime. On s’est rechoisies pour deux ans et on va décider ce qu’on fait après. Chaque fois, on ne sait pas où ça nous mène. On a décidé de nous arrimer ensemble pour ce petit bout de chemin là.»