Lettre ouverte - Il n'y a pas de lien de causalité entre crise du logement et immigration
Les membres communautaires de Table en immigration et diversité culturelle de l’agglomération de Longueuil (TIDAL), la Coalition pour le droit au logement de l’agglomération de Longueuil (CDLAL) et la Table Itinérance Rive-Sud (TIRS) s’inquiètent des commentaires qui circulent dans l’espace public établissant un lien de supposée causalité entre la crise du logement et l’immigration.
Pour les membres communautaires de la TIDAL, qui connaissent le domaine de l’immigration, ces affirmations ne tiennent pas la route, car la crise de logement a été documentée depuis plus de trente ans (1) (2), bien avant les flux migratoires de personnes à statuts précaires des deux dernières années (3). Pourtant, ces derniers constatent sur le terrain que ces personnes nouvellement arrivées se retrouvent le plus souvent dans des logements inappropriés et dans des conditions d’habitabilité questionnable (4).
Ne serait-ce pas là une façon de transformer ces personnes nouvellement arrivées ayant des statuts migratoires précaires, extrêmement vulnérables de par leur condition, en bouc émissaire d’une économie en récession et de l’appauvrissement grandissant général ?
Répéter publiquement que la crise du logement est causée par ces personnes immigrantes récentes ne fait que renforcer les perceptions négatives envers elles et leurs familles, alimentant les sentiments anti-migration, et empêchant de consolider le vivre ensemble de la société québécoise, qui se veut ouverte, accueillante et inclusive.
Cette tendance inquiète beaucoup la Coalition pour le droit au logement de l’agglomération de Longueuil : «les membres ont partagé leurs inquiétudes récemment lors d’une assemblée régulière et ont exprimé le besoin que notre coalition s’allie avec des partenaires afin de s’exprimer publiquement sur ces accusations mensongères», a souligné le coordonnateur de la CDLAL, Alain Bernier.
La TIDAL, la CDLAL et la TIRS invitent toutes les personnes, les organisations et les communautés de l’agglomération de Longueuil à une réflexion équilibrée, sensible et responsable, lorsque confrontée à des interprétations vites faites, qui simplifient et amalgament des problèmes de société qui datent depuis des décennies, comme la crise du logement et l’arrivée récente des personnes à statuts migratoires précaires.
Lettre cosignée par les membres communautaires de la Table en immigration et diversité culturelle de l’agglomération de Longueuil (TIDAL), la Coalition pour le droit au logement de l’agglomération de Longueuil (CDLAL) et la Table Itinérance Rive-Sud (TIRS).
Références :
(1)
IRIS (décembre 2023) - «Par ailleurs, si le lien entre la situation de l’habitation et l’immigration était si fort, la pénurie de logements devrait être plus sévère dans les villes où se concentrent les personnes immigrantes. Or, comme on peut le voir au tableau ci-bas, ce n’est pas le cas. Montréal est de loin la ville au Québec qui accueille le plus de nouvelles et de nouveaux arrivant·e·s. Pourtant, elle se trouve parmi les quatre villes de plus de 10 000 habitants qui avaient le taux d’inoccupation le plus élevé en octobre 2022 (2,0%). (…)
Si l’immigration n’a pas causé la crise du logement, alors d’où vient-elle ? Plusieurs autres phénomènes qui influencent tant la demande que l’offre ont contribué dans les dernières années à plonger le Québec dans un état de crise. Parmi ceux-ci, le déficit de construction de logements sociaux qu’a entraîné au premier chef le retrait des subventions fédérales dans les années 1990. L’IRIS a montré que le marché connaît un déséquilibre depuis cette époque. Face à ces besoins non comblés, les ménages à faible revenu demeurent captifs du marché locatif privé. S’y trouvent coincés également de plus en plus de ménages incapables d’accéder à la propriété en raison de l’explosion du coût des prix de l’immobilier » disponible en ligne : https://iris-recherche.qc.ca/blogue/logement/crise-logement-immigration/
(2) FRAPRU « Or, depuis l’été 2019, plusieurs centres urbains du Québec sont à nouveau plongés dans une pénurie de logements locatifs qui frappe particulièrement les ménages à revenus faible, modeste et même moyen, ainsi que les familles avec enfants. Cette crise survient paradoxalement au moment où les mises en chantier de logements locatifs privés sont à leur plus fort. » - disponible en ligne :
https://www.frapru.qc.ca/historique/#-
(3)
IRIS (Décembre 2023) « D’abord, bien que l’immigration soit effectivement en hausse depuis 2016 (en excluant les années de pandémie de 2020 et 2021), il est excessif de parler comme le font certains d’une augmentation incontrôlée. Les immigrant·e·s arrivé·e·s en 2022 au Québec ne constituaient que 0,8 % de la population totale. Pour sa part, le solde des résident·e·s non permanent·e·s (soit la variation de leur nombre entre le début et la fin de l’année) ne représentait que 1,1 % de l’ensemble de la population cette année-là. Autrement dit, les personnes immigrantes ne représentent qu’une petite partie de la nouvelle demande pour des logements (…). » - disponible en ligne :
https://iris-recherche.qc.ca/blogue/logement/crise-logement-immigration/-
(4)
CDLAL (2020) - L’urgence d’agir! Enquête sur les conditions de vie et d’habitation de 1000 ménages locataires de l’agglomération de Longueuil- « Parmi les représentant.e.s issu.e.s de l’immigration récente ( moins de 5 ans) 70% ont un revenu annuel avant impôt inférieur à 29 000$, 62% déclarent que leur logement rencontre des problèmes d’insalubrité, 43% déclarent que leur logement nécessite des réparations, 22% déclarent que leur logement est trop petit ». - disponible en ligne :
https://portrait-logement-agglo-longueuil.com/mobile/index.html