Longueuil : le système des agglomérations contesté devant la Cour supérieure du Québec
Selon les conseillers Louis Mercier et Vincent Fortier, des dispositions régissant l’agglomération de Longueuil violent le droit de vote et le droit de se porter candidat, garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, ainsi sont une atteinte à la liberté d'expression, protégée par la Charte canadienne des droits et libertés. (Photo : Le Courrier du Sud - archives)
Une contestation juridique visant le système des agglomérations municipales a été déposée devant la Cour supérieure du Québec. Des conseillers municipaux de Saint-Bruno-de-Montarville, Louis Mercier et Vincent Fortier, ont transmis une demande introductive d'instance au Procureur général du Québec, mettant en cause la légalité de certains articles encadrant les agglomérations municipales.
Dans leur recours, les élus contestent l'article 17 de la Loi sur l'exercice de certaines compétences municipales dans certaines agglomérations ainsi que l'article 14 du Décret 1214-2005 régissant l'agglomération de Longueuil.
Selon eux, ces dispositions enfreignent deux chartes fondamentales en privant certains citoyens de leurs droits politiques. Ils invoquent notamment une violation du droit de vote et du droit de se porter candidat, garantis par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, ainsi qu'une atteinte à la liberté d'expression, protégée par la Charte canadienne des droits et libertés.
«Les agglomérations, c’était foncièrement illégal depuis le début, lance M. Mercier. Mais quand le gouvernement est arrivé avec ça, à priori on s’est dit que c’était mieux que de rester fusionné.»
Inégalité démocratique contestée
Les demandeurs, qui agissent en tant que citoyens, estiment que le système actuel crée une inégalité entre les citoyens des municipalités reconstituées et ceux des municipalités centrales.
«Les citoyens des municipalités reconstituées sont totalement exclus du choix du maire de la municipalité centrale, qui administre pourtant les compétences d’agglomération et gère les budgets qui les concernent», dénoncent-ils dans leur requête. Ils ajoutent que cette situation les empêche d’exercer leur droit d’expression politique, une valeur essentielle dans une société démocratique.
«Un système discriminatoire»
Louis Mercier, qui critiquait de longue date le système des agglomérations en tant que citoyen avant d’être conseiller municipal, dénonce un système «discriminatoire» et «indigne des valeurs démocratiques québécoises».
Selon lui, le dispositif actuel instaure «deux classes d'électeurs» : ceux des municipalités centrales, qui peuvent voter pour leur maire et se porter candidats, et ceux des municipalités reconstituées, qui en sont totalement exclus. «Ces citoyens contribuent parfois à plus de 50 % des taxes foncières des agglomérations, mais n'ont aucune prise sur les décisions qui les concernent. C'est une aberration démocratique», a-t-il déclaré.
Le conseiller rappelle que cette situation touche environ 500 000 Québécois répartis dans une trentaine de municipalités. Il plaide pour une réforme en profondeur afin de corriger ce qu'il considère comme «une erreur de gouvernance majeure».
Remplacer l’Agglo par une MRC ?
Selon Mercier, Longueuil, en tant que ville centre de l’agglomération, a trop de pouvoirs si on compare aux villes membres d’une municipalité régionale de comté (MRC), une entité juridique où chaque municipalité dispose d’un pouvoir équivalent.
Louis Mercier est conseiller indépendant à Saint-Bruno-de-Montarville. (Photo : Le Courrier du Sud – archives)
Le conseil de l'agglomération de la Ville de Longueuil est composé de 10 membres : la mairesse de la ville centrale; le maire de chacune des quatre municipalités reconstituées; 5 conseillers de la municipalité centrale (Longueuil), désignés par la mairesse. Les décisions du conseil d'agglomération de Longueuil sont prises au 2/3 des voix.
Questionné par Le Courrier du Sud à savoir si l’agglomération de Longueuil devrait être remplacée par une MRC, M. Mercier dit ne pas être fermé à l’idée.
Débat aux implications majeures
Instituées en 2006 par l’Assemblée nationale à la suite des défusions municipales, les agglomérations ont été conçues pour maintenir une gestion commune de certaines compétences d’intérêt collectif. Elles concernent des villes majeures comme Montréal, Québec et Longueuil. Toutefois, leur mise en place a suscité de nombreuses critiques quant à l'équité du système électoral qui les encadre.
L’issue de ce recours judiciaire pourrait provoquer des changements significatifs dans l’aménagement de la gouvernance municipale au Québec. La Cour supérieure devra trancher sur cette question hautement sensible, qui pourrait redéfinir les règles du jeu politique pour des milliers de citoyens.
La Ville de Longueuil a confirmé par courriel au Courrier du Sud, qu’elle «n’émettra pas de commentaire sur ce sujet puisqu’il est judiciarisé».
Élu conseiller indépendant en 2021, M. Mercier s'interroge encore sur son avenir politique. Indécis, il n’a pas encore tranché quant à une éventuelle candidature aux élections de 2025.