Maison Le Réveil : les Artisans bricoleurs évincés de leur local après 45 ans
Après 45 ans passés au même endroit, les membres de l’organisme les Artisans bricoleurs du Vieux Longueuil ont appris avec stupeur qu’ils ne pourront plus occuper leur local de la Maison Le Réveil après les travaux de rénovation de cet ancienne école primaire qui débuteront en avril.
Dans un communiqué envoyé aux élus longueuillois et aux médias, les Artisans bricoleurs dénoncent avec véhémence cette décision. Un comité de survie a été mis sur pied.
«Les plans finaux pour la rénovation vont être déposés d'ici quelques semaines et votre local n'en fera pas partie à moins que nous parvenions à changer la décision», nous a dit la directrice du Cabinet adjointe de la mairesse de Longueuil, affirment les signataires Christian Bérubé, Charles Provonost et Michel Laliberté. Selon eux, cette déclaration est contraire à toutes les discussions que l'administration des Artisans bricoleurs a eues avec la Ville au cours des deux dernières années.
Manque d’informations
Rencontrés dans le local bien propre, bien équipé et bien rangé de l’organisme situé au dernier étage de la Maison Le Réveil, les trois signataires du communiqué, en compagnie de Serge St-Denis et Adena Franz, dénoncent vertement la situation au Courrier du Sud.
«La Ville nous demande ce que nous aimerions avoir, indique M. Pronovost. Puis, au mois d’août, on nous dit qu’on coûte trop cher en nous balançant le montant de 500 000 $ à la figure et une liste de trucs à effectuer dont plusieurs que nous n’avons pas demandés. Nous sommes ouverts à l’idée d’enlever des choses sur cette liste. Par exemple, on n’a pas besoin d’un cabanon extérieur chauffé pour entreposer le bois. De combien cela ferait-il baisser les coûts? On l’ignore.»
Une rencontre a ensuite eu lieu en octobre entre les membres du Comité de survie et la directrice de cabinet adjointe de la mairesse, Annick Bergevin. Cette dernière les a informés que des recherches pour relocaliser les Artisans bricoleurs se sont avérées vaines. «J’ai du mal avec cette explication. Je pense qu’il y a plusieurs locaux vides qui pourraient nous accueillir», avance de son côté M. Bérubé, membre des Artisans bricoleurs depuis 13 ans.
La Maison Le Réveil sera rénovée à compter du printemps 2025, des travaux qui devraient durer un an. (Photo: Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)
Démarches infructueuses
Entre l’automne 2022 et le printemps 2024, le cabinet de la mairesse soutient que la Ville a multiplié les tentatives pour relocaliser à long terme les activités des Artisans bricoleurs, sans succès. Différentes pistes ont été explorées, notamment des partenariats avec des établissements comme les écoles de métiers du CSSMV, le Collège Français de Longueuil, l’Association des tourneurs de bois du Québec et Les Affutés à Montréal. Des vérifications approfondies ont également été menées auprès des bâtiments municipaux, d’organismes et de locaux commerciaux, mais aucun espace ne répondait aux besoins spécifiques de l’organisme.
Tout au long de ces démarches, les responsables des Artisans bricoleurs ont été régulièrement informés et encouragés à participer activement à la recherche de solutions. Ils ont aussi été invités à envisager des adaptations à leurs activités face aux nouvelles contraintes, dont la possible perte de leur local. «Ces propositions sont toutefois restées lettre morte», indique le cabinet.
Un dernier espoir semblait se dessiner grâce à l’intervention du cabinet de la mairesse. L’organisme Place à l’emploi, situé sur le chemin du Coteau-Rouge, s’était déclaré prêt à accueillir les Artisans bricoleurs dans son atelier d’ébénisterie. «Malgré l’enthousiasme des responsables de Place à l’emploi, cette option a été rejetée par l’organisme», dit le cabinet.
Réintégration impossible
Après deux années d’efforts infructueux, la Ville se voit contrainte de constater l’impossibilité de relocaliser les Artisans bricoleurs. «Quant à une réintégration dans les locaux rénovés de la Maison du Réveil, elle a été écartée en raison des coûts jugés prohibitifs : un minimum de 500 000 $ serait nécessaire pour adapter et mettre aux normes l’atelier d’ébénisterie», insiste le cabinet.
Dans ce contexte, la Ville a pris la «difficile décision de transformer l'atelier en une salle généraliste pouvant accueillir des organismes et des groupes dans un contexte où les besoins sont croissants».
En terminant, le cabinet indique que la Ville communiquera avec l’organisme afin de coordonner avec lui le déménagement de ses équipements de la Maison Le Réveil.
Amie des aînées ?
Les 40 membres de l’organisme sont dévastés. «C’est la mise à la rue brutale des Artisans bricoleurs, des aînés qui aspirent à se regrouper afin de réaliser des projets qui leur tiennent à cœur dans un cadre social», laisse tomber Michel Laliberté, membre de l’organisme depuis plusieurs années.
De son côté, Mme Franz, qui fréquente le local depuis une décennie, se demande si toute cette histoire de coûts n’est pas qu’une excuse pour se débarrasser des Artisans bricoleurs. «J'ai passé des mois dans l'atelier à créer une magnifique maison de poupée sur roues. Même ma mère, d'un certain âge, voulait jouer avec», raconte Mme Franz. La maison a été offerte au Carrefour pour Elle, une maison d'hébergement de Longueuil pour les victimes de violence familiale. «Les enfants des victimes ont passé de nombreux moments magiques à jouer avec cette maison.»
Quoi qu’il en soit, M. Pronovost dénonce de son côté le silence de la Ville depuis quelques semaines. «Je me suis littéralement fait ghoster! Il n’y a plus de réponses, plus d’accusés de réception, rien!»
Depuis 1980, des personnes à la retraite suivent leur passion pour la menuiserie et l’ébénisterie aux Artisans bricoleurs, une activité qui a permis à beaucoup d'entre eux de sortir de l'isolement.