Culture
Marc David quittera l’OSDL après 25 ans à sa tête: « Je suis très heureux de ce qu’on a pu accomplir »
le lundi 15 janvier 2018
Modifié à 15 h 02 min le 15 janvier 2018
ENTREVUE. Les plus récents concerts qu’a dirigés le maestro Marc David revêtaient un caractère particulier. C’est qu’il a pris la décision, d’abord sans l’annoncer aux musiciens, de quitter l’Orchestre symphonique de Longueuil (OSDL) à la fin de la saison 2019. Après un quart de siècle en tant que chef attitré et directeur artistique de l’ensemble au sein duquel il a joué comme tromboniste, il souhaite passer le flambeau et faire place à d’autres projets personnels et professionnels.
«C’est certain que c’est déchirant. Vingt-cinq ans, quand même, on s’attache aux musiciens, aux administrateurs, aux auditeurs et à nos abonnés, avec qui j’ai une relation depuis fort longtemps. Quand on arrive sur scène, on sent cette énergie. C’est sûr qu’il y a un pincement au cœur de laisser ça», confie-t-il au Courrier du Sud, remerciant au passage les «musiciens extraordinaires» et le public fidèle.
Sa décision, mûrement réfléchie, il l’a prise à un moment significatif et opportun de sa vie, alors que son départ coïncidera avec son entrée dans la soixantaine. L’heure de la retraite est néanmoins loin d’être sonnée, car si Marc David délaisse la direction de l’orchestre de 52 musiciens, c’est pour réorganiser son horaire et accepter des offres qu’il ne pouvait se permettre par le passé, faute de temps.
Ces années à Longueuil lui ont fourni un riche bagage, est-il d’avis, ne serait-ce que grâce aux nombreuses rencontres avec les musiciens et les artistes invités.
«C’est toute une expérience que de faire grandir musicalement un orchestre, et soi-même. Quand je pense à toutes les pièces que j’ai dirigées, c’est incroyable!»
«L’enseignement fait partie de mes projets et devrait prendre une place importante. On travaille toute notre vie à se perfectionner, c’est important de léguer ça à une autre génération.»Il espère également pouvoir diriger d’autres orchestres à titre de chef invité et retrouver ce contact avec d’autres ensembles. «Et si j’ai le temps, j’aimerais beaucoup prendre des cours de violoncelle!» renchérit celui qui détient également une formation en piano, trombone, guitare et violon. Par ailleurs, il poursuivra son travail de chef et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Terre-Neuve. Des missions accomplies Dès ses études collégiales, Marc David a su que c’était la direction d’orchestre qui le comblerait sur le plan professionnel. «Ce qui m’a toujours intéressé, c’est de travailler en interaction avec les autres musiciens. M’isoler, travailler et pratiquer seul, j’ai toujours détesté», tranche-t-il. Sa philosophie quant au travail de chef d’orchestre est demeurée la même au fil des ans, vouant un grand respect au texte musical. «Quand le compositeur écrit, ça vient d’une idée, d’une émotion, d’un état d’esprit qu’il veut transmettre, décrit-il. C’est très rudimentaire, ce qu’on met sur une feuille de papier. En tant qu’interprète, on doit retourner à sa source d’inspiration, à ce qu’il voulait exprimer.» Il garde encore en mémoire son premier concert s’inscrivant dans la saison régulière. «La générale était prévue pour 14h, mais dans ma tête, c’était à 14h30. Je pensais arriver à l’avance et dans le stationnement, il y avait le régisseur qui me faisait des signes! Le violon solo avait commencé la répétition à ma place. J’étais tellement mal! Tu es le nouveau, tout le monde est assis et t’attend!» Parmi ses grands objectifs figuraient le développement régional de l’Orchestre, la création d’un orchestre de chambre et la mise en place d’une série pour les jeunes – La portée pédagogique. Trois souhaits devenus réalité. Faire tomber les barrières Démocratiser la musique classique. L’idée a été tellement entendue qu’elle peut sembler cliché. Pourtant, Marc David s’y est consacré avec ténacité. C’est notamment l’une des motivations derrière le développement régional de l’OSDL, pour «amener l’Orchestre dans des endroits où on n’avait jamais vu d’orchestre symphonique». Il n’est donc plus rare aujourd’hui que l’OSDL joue un peu partout en Montérégie. Et peu importe où il se produit, les incontournables du répertoire classique comme la 5e Symphonie de Beethoven ou les Quatre Saisons de Vivaldi, Marc David ne s’en tanne pas. Ni même des œuvres traditionnelles de Noël. Une année, l’OSDL a enfilé 12 concerts de Noël, en collaboration avec des chœurs de différentes régions. Démocratiser la musique classique, c’est aussi faire tomber la barrière entre la salle et la scène, croit celui qui est réputé être un chef accessible et près de son public. Décrispé jusqu’à en faire la grande roue en quittant la scène lors d’une collaboration avec le cirque Artephonie. «Il y a encore ce syndrome de la salle où on s’habille bien, on s’assit droit et où il ne faut presque pas respirer parce que ça va déranger les artistes, admet M. David. Enlever cette barrière, parler aux abonnés avant le concert, établir un contact visuel… Ce moment à l’entrée, en marchant vers le podium, c’est important. Me tourner, leur sourire, leur dire que je suis content qu’ils soient venus.» Ne boudant pas le plaisir des grandes symphonies connues, Marc David et l’OSDL se sont aventurés aussi vers la musique contemporaine des 20e et 21e siècles et les compositeurs canadiens et québécois. Des concerts qui ont aussi séduits les abonnés. «C’est important de donner des pistes d’écoute aux auditeurs, retient Marc David. Comme lorsqu’on va dans un pays où on ne parle pas la langue. On peut trouver ça beau, mais on ne comprend pas ce qui se dit. Avec la musique contemporaine, il faut donner des clés pour comprendre le langage et ce qui se passe. L’expérience devient tout à fait différente.» Moments inoubliables Depuis plusieurs années, l’OSDL séduit aussi un autre public avec des concerts mariant la musique symphonique à la musique ou des artistes populaires. Le concert mettant en vedette Cœur de Pirate au parc Michel-Chartrand en 2013 ou encore celui avec Ginette Reno l’an dernier à Boucherville se sont avérés de grandes réussites et des souvenirs chers au maestro. Ce dernier identifie également le concert soulignant les 25 ans de l’Orchestre, et l’interprétation de la Symphonie no 1 de Gustav Mahler, comme un moment marquant de sa carrière à Longueuil. «Les gens m’en parlent encore, témoigne-t-il. C’est une œuvre à grand déploiement, plusieurs musiciens s’étaient ajoutés. L’Orchestre n’avait jamais été aussi loin du point de vue de l’expression musicale. La magie était au rendez-vous.» La première participation de l’OSDL au Festival de Lanaudière, en 2003, s’ajoute à la liste des grands moments de Marc David. «Un autre grand moment, ou plutôt une grande satisfaction, c’est quand je rencontre un jeune [du programme Portée pédagogique] qui a chanté avec nous ou un encore abonné qui me dit qu’il se souvient de tel concert qui était extraordinaire, relate-t-il. C’est la plus belle récompense.» La Portée pédagogique permet d’initier les jeunes à la musique symphonique. Au printemps, 550 jeunes chanteront ainsi avec l’OSDL, à la Maison symphonique de Montréal. Une année de transition… sans belle-mère! Marc David terminera l’actuelle saison comme prévu. L’année 2019 en sera une de transition où le chef d’orchestre fera place aux potentiels candidats et aura l’occasion d’échanger avec eux. Il appuiera l’Orchestre dans l’élaboration du processus d’embauche – la dernière embauche d’un chef remontant à 25 ans, après tout! – mais ne se prononcera pas sur le choix des candidats. Le comité de recherche sera constitué du président et de deux membres du C.A., du directeur général, du directeur artistique et de deux musiciens de l’Orchestre. «C’est important pour moi de me dissocier. Je ne veux pas jouer à la belle-mère!» résume-t-il. Marc David est très confiant quant à l’avenir de l’Orchestre – qui jouit d’une grande notoriété – et croit évidemment en la pérennité de la musique symphonique, n’ayant que faire de ceux qui craignaient la fin des concerts avec l’arrivée du numérique. «J’ai cette ferme conviction qu’il y a de la place pour la musique symphonique. Ce côté intangible de la musique qu’on retrouve dans une salle de concert et qu’on ne retrouve pas en écoutant un enregistrement. Les gens cherchent encore à avoir ce "Wow!". Ils vont toujours rester.» Quelques accomplissements de Marc David - Études musicales à l’Université McGill (baccalauréat), puis à l’Université de Hartford (Connecticut), à l’école Pierre Monteux (Maine) et à l’Université de Montréal (doctorat) -1988 à 1995: directeur musical et chef attitré de l’Orchestre symphonique de Sherbrooke -1989: cofonde l’Orchestre de chambre de l’Estrie -1992: nommé chef attitré de l’Orchestre symphonique de Terre-Neuve; il en est aussi le directeur artistique depuis 2011 -1994: nommé directeur artistique et chef attitré de l’OSDL -2002: nommé professeur adjoint à l’École de musique de Université Mémorial (Terre-Neuve) -2007: reçoit le prix Ville de Longueuil – Hommage à un bâtisseur de la culture Il a été chef invité entre autres de l’Orchestre symphonique de Montréal, de l’Orchestre philarmonique de Masan, de l’Orquesta Sinfónica de Yucatan (Mexique), de l’Orchestre des jeunes de Fribourg (Suisse)