Opinion
Tribune libre

OPINION - L'euthanasie de cerfs est-elle nécessaire ?

le samedi 14 novembre 2020
Modifié à 8 h 08 min le 16 novembre 2020

Jamais les parcs n'ont été aussi fréquentés et réconfortants. Pour les visiteurs, quel magnifique cadeau que de croiser un chevreuil au parc Michel-Chartrand (PMC) : plaisir, émerveillement... un anti dépresseur naturel qui nous fait oublier momentanément COVID et confinement. Bien-être et santé mentale sont importants. Oui, il y a un déséquilibre écologique au PMC qui nuit au reboisement, mais cette question est complexe. Les cerfs ne sont pas les seuls facteurs qui causent ce problème. Les marcheurs et raquetteurs hors-piste écrasent les jeunes pousses. Même la présence de grands arbres nuit aux jeunes pousses. La solution ne consiste pas à chercher un coupable, mais à chercher une ou des solutions. Par exemple, la Ville a commencé la construction d'exclos, où les repousses sont protégées à la fois des cerfs et des marcheurs. En janvier 2012, il y avait 41 cerfs au PMC. Au recensement de février 2017, il en restait 32. Depuis, la Ville a cessé de nourrir les cerfs et n'a pas fait d'autre inventaire aérien. Y a-t-il urgence de faire une euthanasie de cerfs au PMC? Non. La forêt ne mourra pas demain et la Ville a déjà mis en marche une solution parallèle. La chasse au cerf au boisé du Tremblay a été intensifiée cet automne. Cela devrait réduire la population de cerfs au PMC. Il faudra faire un inventaire par drone à l'hiver prochain afin de connaître le nombre exact de cerfs. Si la population s'est maintenue, il est alors prévu de hausser la chasse en 2021 au boisé du Tremblay. Par la suite, il faudra s'adapter en visant l'atteinte d'un meilleur équilibre. La biodiversité, c'est toute la flore, la faune et les humains qui doivent apprendre à vivre ensemble. Afin de profiter de la beauté et de la richesse de la biodiversité, il faut collectivement en prendre la responsabilité et en accepter les inconvénients (ne pas planter de végétaux dont les cerfs sont friands sur notre propriété; conduire moins vite sur les rues longeant le parc, etc.). Qu'est-ce que «s'adapter en visant l'atteinte d'un meilleur équilibre» ? Cette question est complexe car elle dépend de ce que jugera la collectivité comme étant une solution appropriée. On ne peut s'appuyer seulement sur la «science», car celle-ci apporte trop de réponses et nous laisse dans l'incertitude. Par exemple, un biologiste expert nous dira que le meilleur équilibre c'est de viser un ratio de 5 chevreuils par kilomètre carré, un autre dira que c'est 10 par kilomètre carré, etc. De plus, quand on parle de s'appuyer sur la science, il n'y a pas que la biologie et l'écologie, il y a aussi la santé publique, l'économie, l'histoire, la politique, etc. qui doivent être convoquées à la délibération collective sur cette question. La complexité nous confronte à l'incertitude. Il nous faut alors faire preuve de saine précaution et sagesse pratique en conviant à la délibération les parties concernées par ce bien commun, ce patrimoine partagé. Chacun doit s'attacher à comprendre les différents points de vue, même si on sait que chacun est teinté de subjectivité, même si on sait que souvent, on ne pourra démontrer qui a tort, qui a raison. Débats et délibérations doivent faire preuve de raison pratique afin de parvenir à une décision appropriée, une décision que la collectivité concernée accepte.

Alain Lavallée

Lisez aussi la chronique Longueuil rime avec chevreuil qu'Alain Lavallée signait dans Le Courrier du Sud en décembre 2017.

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