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Ouvrage sur l’extrême droite au Québec : gare à une normalisation du discours

Il y a 4 heures
Modifié à 14 h 28 min le 07 avril 2025
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

Le professeur-chercheur Martin Geoffroy. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ archives)

Codirigé par le professeur-chercheur en sociologie au Cégep Édouard-Montpetit Martin Geoffroy, l’ouvrage La montée de l’extrême droite au Québec (2010-2020) se veut un avertissement sur la normalisation du discours d’extrême droite au Québec.

Dans sa première entrevue aux médias locaux, M. Geoffroy souligne que le Québec n’est pas à l’abri du discours de l’extrême droite véhiculé par des groupes ou groupuscules comme La Meute, la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, la Fédération des Québécois de souche, les citoyens souverains du Québec ou les Soldats d’Odin. 

«Si quelques-uns de ces groupes n’existent plus, il n’en demeure pas moins que leurs membres ont trouvé refuge ailleurs, indique celui qui a fondé le Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR). Ainsi, une division interne chez La Meute a donné naissance aux Farfadaas avec Steeve L’Artiss Charland à sa tête.»

Normalisation

Pour M. Geoffroy, la normalisation du discours de l’extrême droite est en branle au Québec. Il en veut pour exemple le chemin Roxham. 

«En 2018, La Meute et d’autres groupes tenaient un discours anti-immigration et demandaient la fermeture du chemin Roxham par où entraient des immigrants au Québec. En 2022, tous les partis politiques québécois réclamaient la même chose», fait-il remarquer.

Autre exemple : l’automne dernier, le premier ministre François Legault a affirmé que les transferts de migrants vers d'autres provinces canadiennes devraient être obligatoires. Selon lui, le consentement requis des migrants et des provinces constitue un obstacle aux transferts souhaités par Québec.

«Ce discours voulant qu’on puisse déplacer selon notre bon vouloir des immigrants reçus, qui se sont établis ici, qui travaillent et participent à la société, c’est un vieux discours de l’extrême droite française. Et c’est ce que Trump fait présentement aux États-Unis», indique M. Geoffroy.

Maladie mentale

Un chapitre revient sur la fusillade survenue en 2017 au Centre culturel islamique de Québec qui s’est soldée par la mort de six personnes de confession musulmane. 

«Il y a quelques semaines, le père du jeune homme qui a commis ces meurtres plaidaient dans un livre que son fils était atteint de maladie mentale, pour excuser son geste. Mais le juge n’a pas retenu cette thèse avancée durant le procès. L’enquête a démontré que le jeune homme fréquentait des groupes de l’extrême droite sur les réseaux sociaux et qu’il se reconnaissait dans la mouvance MAGA présente aux États-Unis, indique le sociologue. On préfère affirmer qu’un proche est malade mental plutôt que de dire qu’il est d’extrême droite.»

Fraternité sacerdotale Saint-Pie X

Le livre soulève également d’intéressantes questions concernant l’acceptation par le gouvernement québécois d’écoles privées non financées par l’État qui défendent des idéologies propres à l’extrême droite. 

«À Lévis par exemple, il y a une école appartenant à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), l’école traditionnelle Sainte-Famille. On y enseigne, entre autres, que la place de la femme est à la maison et que son rôle est d’avoir des enfants, indique M. Geoffroy. Or, FSSPX est présent au sein d’un réseau de groupes d’extrême droite à Québec entre 2010 et 2020, notamment au sein de la Société pour l’avancement et le respect des traditions (SPART).»

Antennes à Longueuil

M. Geoffroy fait remarquer que beaucoup de groupes de l’extrême droite ont des antennes à Longueuil. 
«Les membres du réseau SPART ont même assisté à cette époque à la fête du Christ-Roi, organisée par la FSSPX à Longueuil. Si la plupart des membres des petits groupes d’extrême droite […] sont de jeunes hommes, les prêtres de la FSSPX qui participent à ces réseaux sont alors plus âgés servant ainsi de caution morale et spirituelle aux actions de groupes néo-fascistes comme Atalante», peut-on lire dans l’ouvrage.

Collaborateurs

Plusieurs personnes ont participé à ce livre dont Gabrielle Lavigne-Desnoyers et Frédéric Ouellet du Service de police de l'agglomération de Longueuil, qui signent un chapitre traitant des citoyens souverains du Québec à la suite d’entrevues de recherche réalisées avec des citoyens appartenant à cette mouvance.

M. Geoffroy insiste en conclusion sur une chose : le Québec est loin d’être à l’abri de l’influence des discours de l’extrême droite. «Un retour sur le passé est nécessaire pour mieux réfléchir le présent», soutient le chercheur.

Publié aux Presses de l’Université Laval et codirigé par Martin Geoffroy et Marc Imbeault, La Montée de l’extrême droite au Québec (2010-2020) sera disponible à compter du 9 avril. 

La Montée de l’extrême droite au Québec (2010-2020) est publié aux Presses de l’Université Laval. (Photo: gracieuseté)

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