Patrice Vermette aux Oscar: mettre en images l’«infilmable» Dune
Les réactions positives et enthousiastes à l’égard de Dune, de Denis Villeneuve, sont possiblement ce qui rend le plus fier Patrice Vermette, concepteur visuel de cette adaptation du roman «dit infilmable» de Frank Herbert, et pour laquelle il est en nomination aux Oscar dans la catégorie «production design».
Une vague d’amour reçue sans doute aussi avec un certain soulagement, alors que le roman de science-fiction de 1965 compte ses partisans inconditionnels et que d’autres, dont le cinéaste David Lynch, s’y sont cassé les dents.
«Le plus beau, c’est que les gens ont eu l’air d’apprécier. Un film, on ne fait pas ça pour son petit nombril. On fait ce métier parce qu’on a envie de faire tripper les gens», témoigne Patrice Vermette, rejoint à Budapest, où il demeurera jusqu’à Noël pour œuvrer sur la suite de Dune.
Une appréciation directe de son travail qui s’est aussi manifestée chez les acteurs lorsqu’ils intégraient les décors, et qui, pour aucune scène, n’ont été «plantés» devant des écrans verts.
«On ne fait pas notre travail pour ça, mais c’est toujours très agréable, cette tape dans le dos. C’est un beau cadeau de la vie.»
-Patrice Vermette, à propos des prix et nominations
Un roman et une vision
Le travail de Patrice Vermette constituait à construire le visuel du film. Il a dessiné tous les décors, tant physiques que ceux en post-production, mais aussi imaginé de nombreux éléments de l’histoire, comme les vaisseaux.
«À quoi ressemble la ville? Quel est le «setting of the story»?» Telle est la question à laquelle répondent ses illustrations, résume le concepteur.
Ce qui devait également correspondre à la vision claire que Denis Villeneuve avait de ce monde qui l’a subjugué, depuis qu’il a lu le roman à l’adolescence.
«Ce roman a été formateur pour Denis. Ado, il s’identifiait à Paul Atréide. Je savais à quel point c’était important pour lui, et je voulais être synchro avec lui.»
Une «symbiose» facilitée entre autres par plusieurs années de collaboration – Patrice Vermette a travaillé sur cinq films de Denis Villeneuve. «Au final, on se parle de moins en moins!», explique-t-il.
«Denis [Villeneuve] est quelqu’un d’hyper perfectionniste. Il nous pousse à rêver et ne pas se contenter de la facilité, du design pour du design.»
L’ampleur de cette production a aussi engendré certains défis : construction des vaisseaux à Londres, construction de décors à Budapest, en plus de sites en Norvège, en Cisjordanie et à Abu Dhabi.
«Ce côté gestion, sur différents fuseaux horaires, je n’avais jamais touché à ça. J’ai adoré!» lance le concepteur visuel.
Le travail de Patrice Vermette se poursuivait d’ailleurs sur les lieux de tournage, pour planifier les jours à venir et collaborer avec notamment le directeur photo et le réalisateur.
S’éloigner de Star Wars
Malgré le budget de 165 millions US, Patrice Vermette nomme tout de même de «rester dans l’enveloppe» parmi les nombreux défis posés par cette grosse production. «Ce n’est pas Star Wars», évoque-t-il.
Une comparaison qui ne s’applique pas qu’à l’aspect financier de la production.
«C’était un défi, de se tenir le plus loin possible de Star Wars… qui pourrait être une adaptation de Dune. Georges Lucas a changé quelques petits trucs – deux soleils, au lieu de deux lunes – mais il y a tellement d’éléments similaires!»
Il cite en exemple le ver de sable qui fait son apparition dans Le retour du Jedi, la mine d’épice dans Solo ou les parentés dans le système féodal… et les épées.
Troisième nomination
Patrice Vermette quittera Budapest en direction de Los Angeles, pour assister à la cérémonie des Oscar le 27 mars.
Il en est à sa troisième nomination pour la statuette d’or, après celles pour son travail sur L’arrivée (Denis Villeneuve) et Victoria : les jeunes années d’une reine (Jean-Marc Vallée).
Pour la première fois, il a récolté cette année une nomination aux prix BAFTA (British Academy Film and Television Arts).