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Patrimoine bâti (14) : la maison oubliée du patriote Joseph Robert

le samedi 09 mars 2024
Modifié à 15 h 30 min le 26 mars 2024
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

 

 

L’automobiliste circulant rue Principale à Saint-Mathieu-de-La Prairie risque de ne pas remarquer le modeste bâtiment de bois ressemblant davantage à une ancienne dépendance qu’à une habitation. Mais cette discrète maison a été bâtie à la demande du patriote Joseph Robert, arrêté à la suite du soulèvement patriote de 1837-1838 puis exécuté par les autorités britanniques en 1839.

Joseph a 24 ans quand il entreprend la construction de la maison sur cette terre acquise de son père, Jacques, le 18 juin 1804. Jacques était capitaine de milice de Saint-Philippe et, à ce titre, il a participé à la Bataille de la Châteauguay en 1813.

Au moment de cette acquisition, on retrouve déjà sur le terrain une grange de 40 pieds X 24 pieds, aujourd’hui disparue, et un solage de pierre de 24 pieds X 26 pieds. Deux ans plus tard, la maison est habitable lorsque Joseph épouse Marie-Josephte Lanctôt. 

Élévations probables de la maison Robert en 1806. (Photo: Inventaire architectural de la maison Joseph Robert, août 2012, p. 6)

Fait intéressant : comme à l’époque le chemin public longeait le ruisseau Faille, la façade principale de la maison est devenue la façade arrière avec le déplacement du chemin plus à l’ouest.

Entre 1806 et 1839, Joseph entreprend plusieurs travaux. Les recherches montrent que l’âtre de pierres situé au pignon nord présente un problème structural, probablement dû à son affaissement étant donné ses dimensions et son poids sur un sol argileux. Il semble que Joseph a démoli la première cheminée qui menaçait de s’effondrer  La démolition de l’âtre a permis l’ajout d’une fenêtre à 24 carreaux au mur nord décrite dans l’inventaire de 1859.

Vue de la cuisine actuelle vers le mur sud. (Photo: Inventaire architectural de la maison Joseph Robert, août 2012, p. 21)

On pense que le foyer sud a été conservé comme cheminée et qu’un poêle de fonte a remplacé l’âtre de cuisson manquant. À l’extérieur, il reconstruit la grange, une écurie, une soue à cochons et un puits en pierres de 15 pieds de profondeur.

Implication et arrestation
En mai 1834, une assemblée patriote en faveur des 92 Résolutions est organisée sur le terrain de la maison du Patriote Joseph Robert.  Dans la nuit du 3 novembre 1838, Robert est le chef de la troupe qui entreprend de désarmer les bureaucrates de Saint-Philippe, de Saint-Constant et de Laprairie en assiégeant la maison du Loyaliste David Vitty à La Tortue. Au cours de l’opération, une fusillade éclate entre les loyalistes et les patriotes. Aaron Walker, un loyaliste, y trouve la mort.

Robert est arrêté le 16 novembre 1838 et son procès en cour martiale a lieu en janvier 1839. Condamné à mort le 10 janvier, il est pendu avec quatre autres patriotes par les autorités britanniques le 18 janvier 1839, à la prison du Pied-du-Courant à Montréal. Il est l’un de 15 patriotes qui seront pendus. Il laisse derrière lui son épouse, qui ne s’est jamais remariée, ainsi que ses enfants François, Théophile, Zoé et Suzanne.

Pendaison de cinq patriotes sur l'échafaud installé au-dessus du portail de l'ancienne prison des Patriotes à Montréal. D'après un dessin d'Henri Julien (1852-1908). (Domaine public)

Maison épargnée
Peut-être en raison des bonnes grâces de la seigneuresse Marguerite Baby, la maison et les bâtiments ne sont pas détruits, ni pillés par les Volunters. Cette dame s’est aussi interposée pour empêcher la saisie des immeubles. 

On pense que la veuve Marie-Josephte a occupé la maison avec ses garçons jusqu’en 1845. C’est Théophile qui exploite la terre après 1841 puisque François est établi sur une autre terre.

Vue du premier grenier et la fenêtre d’origine. (Photo: Inventaire architectural de la maison Joseph Robert, août 2012, p. 31)

En 1875, Théophile et sa femme, Aglaé Gervais, font donation de la ferme à leur fils Théophile à la condition que celui-ci s’occupe d’eux leur vie durant. Le couple se réserve la moitié nord de la maison. 

L’histoire se répète en 1905 quand Théophile Robert fils donne la ferme à son fils Fridolin. C’est probablement à cette époque que d’importants travaux sont entrepris, comme la démolition de l’encombrante cheminée de pierres et le remplacement de celle-ci par une cheminée en briques, le réaménagement des pièces de même que leur finition.

Fridolin meurt le 22 mai 1965 à 87 ans. Il lègue à son petit-fils Émile Robert la une terre avec bâtisses situées sur le lot No 366 à Saint-Mathieu, comté de Laprairie. 

Circuit touristique
En 2012, la Société d’histoire et de patrimoine de Lignery (SHPL) mandate Michel Létourneau, architecte, pour effectuer une étude sur la description des éléments architecturaux et structuraux de la maison du patriote Joseph Robert. 

Le carré de maison fait 27 pieds 10 pouces par 26 pieds et 5 pouces. La charpente est entièrement en pin rouge. Il y a quatre pièces au rez-de-chaussée, deux chambres à l’étage, plus le grenier.

«D’après les relevés métriques et les documents recueillis par M. Marc Lefebvre, nous sommes maintenant certains que la maison sise au 439, rue Principale, terre No. 366 de la concession Nord-ouest du ruisseau Faille a bel et bien été construite par le patriote Joseph Robert.» 
(:Inventaire architectural de la maison Joseph Robert, Août 2012, p. 3) 

En 2017, la maison du patriote Robert faisait partie d’un circuit touristique relatant l’histoire des patriotes dans la région. https://www.lereflet.qc.ca/un-circuit-touristique-retrace-lhistoire-des-patriotes-dans-la-region/ 

À la SHPL, on s’inquiète du sort de la maison qui est abandonnée et éventuellement menacée de démolition si les autorités municipale et provincial (ministère de la Culture du Québec) n'agissent pas afin de la faire protéger et restaurer.

Rappelons qu’en octobre 2018 à Saint-Mathieu-de-La Prairie, un incendie a ravagé la demeure où avaient habité deux frères patriotes, Joseph et Pascal Pinsonnault. 

Maison Joseph-Robert

  • Construction : 1804-1806
  • Adresse : 439, rue Principale, Saint-Mathieu
  • État : à l’abandon

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