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Planifier la densité pour 82 villes

Il y a 5 heures
Modifié à 8 h 12 min le 19 décembre 2024
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

La Rive-Sud de Montréal sera de plus en plus densifiée au cours des années. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Archives)

Ils sont nombreux à travailler sur le prochain Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). Près d’une vingtaine seulement à l’élaboration du document. «On est une grosse équipe là-dessus!» assure Laurence Pelletier, qui coordonne l’équipe de projet de refonte. Et pour cause. Le PMAD jette les bases pour la planification de 82 villes dans le grand Montréal.

Laurence Pelletier et son équipe ont réalisé plus de 40 rencontres avec les MRC, agglomérations, représentants des villes, organismes de transport en commun, et plus récemment, avec les citoyens. Le document a été ajusté à multiples occasions, toujours dans un souci d’obtenir le plus grand consensus.

«C’est vraiment un travail en continu», résume-t-elle, afin d’en arriver au printemps 2025 avec le document final.

L’ère «post-TOD»

L’un des aspects importants du document : les cibles de densité. Celles-ci se transposeront ensuite jusqu’aux villes, qui devront les intégrer à leur plan d’urbanisme. Ces cibles ont évolué depuis la publication du premier PMAD, en 2011.

On y retrouvait alors 155 «aires TOD» dans le grand Montréal où on prévoyait densifier de façon importante. Dans le nouveau, on entre possiblement dans une ère «post-TOD».

 

C’est quoi un TOD?

L’acronyme TOD vient de l’anglais Transit-oriented development. Selon la Communauté métropolitaine de Montréal, il désigne un développement immobilier de moyenne à haute densité, structuré autour d’une station de transport en commun à haute capacité, comme une gare de train, une station de métro ou une station du Réseau express métropolitain (REM). Cette philosophie d’aménagement est largement répandue dans le monde et dans les écoles d’urbanisme.

 

Les TOD n’ont pas disparu, loin de là. Leurs seuils de densité devraient même plus que doubler à certains endroits, notamment aux gares de train du Roussillon ou autour des stations du REM à Brossard. Mais les gros efforts de densification débordent maintenant de ce concept.

Le nouvel acronyme à retenir est PIAT : Planification intégrée aménagement-transport.

Les aires TOD y sont intégrées, mais on y ajoute des «corridors aménagement-transport», dans lesquels on densifie tout au long de certains boulevards ou axes de transport.

 

Le boul. D'Anjou à Châteauguay est l'un des neuf corridors aménagement-transport initialement identifiés dans le prochain PMAD. (Photo: Le Soleil de Châteauguay ‒ Archives)

 

«Dans la région métropolitaine, on a beaucoup d’axes desservis par autobus qui étaient un peu mis de côté par le fait que ce ne sont pas des modes lourds. On trouvait intéressant de les ramener et se concentrer sur ces acquis, et essayer de les bonifier, que ce soit avec plus de fréquences, ou un mode un petit peu plus lourd», explique Laurence Pelletier.

«Dans plusieurs grandes villes, il y a une espèce de courant de redéveloppement aux abords des boulevards qui ont justement une ligne d’autobus structurante», ajoute-t-elle.

Pas partout pareil

On retrouve neuf de ces corridors sur la Rive-Sud. Le boul. Taschereau, qui traverse la Rive-Sud de Longueuil à Candiac et le chemin de Chambly, à Longueuil, en sont deux exemples différents. Tous deux ont pour le moment des seuils de densité prévus à 100 logements par hectare sur pratiquement toute leur longueur.

Taschereau se veut en quelque sorte l’axe idéal pour mettre en place cette densité nouveau genre.

«Il y a une grande superficie de stationnement qui n’est pas collée sur du résidentiel existant. Donc la cohabitation entre l’unifamilial traditionnel et la requalification, la densification, est plus facile, parce qu’on de l’espace pour jouer avec cette modulation. Et on a déjà le transport en commun, qui est de l’autobus, alors on peut essayer de bonifier ça ici», indique Laurence Pelletier.

 

«On garde toujours un œil très critique sur cette densité, on est conscient qu’il y a vraiment un effort d’arrimage avec les quartiers existants qui doit être fait.»

‒Laurence Pelletier, conseillère en recherche – Aménagement, Milieux de vie durable à la Communauté métropolitaine de Montréal

 

Le chemin de Chambly, lui, présente un profil différent, plus collé sur du bâti existant. La conseillère en planification souligne que les cibles de densité sur ces corridors «ne sont pas un pan fixe», mais qu’il s’agit d’une densité moyenne minimale.

«Le chemin de Chambly est un bon exemple. Il y a des secteurs avec des centres commerciaux, comme place Jacques-Cartier, où ce site-là offre une occasion de faire de la densité un peu plus forte. Mais après ça, on se décale de quelques coins de rue, où on est collé sur des duplex, triplex ou de l’unifamilial, bien là on va peut-être réduire un peu la densité pour être cohérent avec ces échelles-là», explique-t-elle.

 

Le Mail Champlain et de nombreux autres centre commerciaux ont été ciblés pour accueillir des projets immobiliers en hauteur. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Michel Hersir)

 

Centres commerciaux et développement immobilier

La plupart de ces centres commerciaux ont d’ailleurs des cibles de densité encore plus élevées que celles des corridors, jusqu’à 260 logements à l’hectare.

La Communauté métropolitaine de Montréal reprend sensiblement le constat émis par le président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Varennes, Martin Damphousse, qui voit en ces centres commerciaux «qui se meurent» des endroits parfaits pour densifier.

«C’est que de l’asphalte, pas d’aménagement, pas de verdure, on a un étage de commercial et rien d’autre. Pourtant, ils sont souvent positionnés dans des lieux ultra stratégiques, où l’on pourrait mettre du stationnement souterrain, du commercial au rez-de-chaussée et deux, trois étages de condos ou de logements sociaux», explique M. Damphousse.

Des cibles partout

La densification ne se limite par ailleurs pas aux secteurs près du transport. Le PMAD identifie aussi des cibles de densité hors des secteurs PIAT. Il y a donc des cibles sur tout le territoire.

Celles-ci sont cependant plus faibles hors des secteurs PIAT et entrent dans la même logique de maximiser le territoire sans empiéter sur la zone agricole, évoque Laurence Pelletier.

 

Les maisons individuelles et les immeubles à logements vont continuer à cohabiter. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Archives)

 

«On s’arrime pas mal aux densités observées dans les dernières années dans les développements qui ont été faits sur le territoire. Les chiffres des projets qui se développent en ce moment, dans les secteurs hors PIAT, ont pas mal cette densité. On est vraiment à l’image de ce qui se passe sur le territoire», assure-t-elle.

À l’heure actuelle, dans ces zones, le PMAD prévoit de 36 à 46 logements à l’hectare pour la couronne Sud et de 52 à 76 logements à l’hectare pour l’agglomération de Longueuil.

Exceptions

Les municipalités gardent toutefois une certaine flexibilité quant à l’application des seuils et en fonction des réalités de leur territoire. Par exemple, des exceptions ont été intégrées dans le document pour prendre en considération des enjeux de santé, telle l’incapacité de desservir adéquatement la population en eau et à assainir les eaux usées.

«Un secteur qui serait sur fosse septique, on ne peut gérer le territoire de la même façon qu’un territoire avec égouts et aqueduc qui passent dans la rue. On est conscient de ça», soutient Laurence Pelletier.

Elle donne également l’exemple du patrimoine. Une exception est prévue pour des secteurs patrimoniaux d’intérêt où une densification «pourrait compromettre des valeurs culturelles, historiques ou naturelles».

«On l’entend souvent, il y a une crainte de dénaturer certains secteurs patrimoniaux avec une densification et c’est une préoccupation qu’on a aussi au niveau de la métropole. Donc on s’est dit : on va donner des exceptions pour permettre aux municipalités de raffiner cette planification du territoire», souligne Laurence Pelletier.

«[Les municipalités] connaissent leurs quartiers patrimoniaux, ils savent les sensibilités et ils vont pouvoir se doter de cette exception-là pour venir jouer avec les densités autorisées», ajoute-t-elle.

Dans plusieurs années

La mise en place de toutes ces mesures changera assurément la façon dont les villes sont aménagées. Mais si le document doit être mis en place au printemps 2025, son application concrète pourrait prendre plusieurs années encore.

Une fois le PMAD en place, il y aura une période pour adapter les schémas d’aménagement des MRC et agglomérations, et une autre période pour ajuster les plans d’urbanisme.

«Ça va prendre un cinq ans facile, si ce n’est pas plus, avant qu’on commence à voir un peu les impacts de ce document», estime Laurence Pelletier.

 

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