Actualités

Projet Clé : rendre possibles les ambitions scolaires après la DPJ

le mardi 19 octobre 2021
Modifié à
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Sophie Roy fait partie de la cinquantaine d’étudiants qui participent actuellement au Projet Clé. (Photo : Le Courrier du Sud – Denis Germain)

Au Québec, environ 5000 jeunes quittent chaque année la protection de la jeunesse parce qu’ils ont atteint la majorité. De ceux-ci, peu ont les moyens de poursuivre des études postsecondaires. La Fondation des Centres jeunesse de la Montérégie (FCJM) a voulu briser ce cycle avec le Projet Clé, une initiative qui fête ses six ans cet automne et qui offre soutien financier et mentorat à ces jeunes.

Du jour au lendemain, les jeunes de la DPJ qui atteignent la majorité se retrouvent à devoir gérer toutes les responsabilités de leur vie d’adulte, comme se trouver un appartement, gérer un budget ou chercher du travail. Un contexte peu propice à la poursuite d’un cheminement scolaire après l’école secondaire.

«C’était vraiment beaucoup d’inquiétudes; je manquais de confiance et je ne voyais pas comment j’allais pouvoir balancer l’école avec ma vie en appartement», relate Sophie Roy, une jeune femme de Longueuil qui s’est inscrite au Projet Clé.

Affligée par un trouble alimentaire sévère et des soins inadéquats de la part de ses parents, celle qui se considérait entre la vie et la mort a été placée sous la protection de la jeunesse vers 14, 15 ans et jusqu’à sa majorité.
Aujourd’hui, elle est en troisième année de son baccalauréat en design de l’environnement et entend poursuivre ses études pour devenir architecte.

«Définitivement, je n’aurais pas continué sans l’appui du Projet Clé, admet-elle. Je n’aurais pas eu de plan d’aller au cégep, je ne voyais juste pas comment jongler avec mes responsabilités.»

Pourtant, Sophie savait qu’elle voulait effectuer une technique en architecture. Son travailleur social lui a ainsi parlé du Projet Clé, qui venait d’être mis en place pour ceux ayant obtenu leur diplôme d’études secondaires ou étant en voie de l’obtenir.

 

«Plusieurs de ces jeunes sont sans ressources, que ce soit dans leur famille proche ou élargie. Le mentor vient ainsi répondre à des besoins ponctuels, il vient créer un lien avec eux et s’assure que les suivis avec la Fondation sont faits.»

– Suzie Roy, directrice générale de la FCJM

 

Sophie obtenait ainsi un coup de pouce financier, mais surtout, l’appui d’une mentore pour passer à travers les moments difficiles.

«Au début, on se voyait toutes les semaines, mentionne-t-elle. C’était une figure maternelle dans ma vie, quelqu’un qui m’a beaucoup conseillée, qui m’a rassurée.»

Les deux femmes sont toujours en contact, mais les visites sont plus rares, alors que Sophie se sent maintenant plus en confiance.

Un investissement pour la société

Le montant offert aux jeunes dans le cadre du Projet Clé peut aller jusqu’à 5000$ par année. Pour Suzie Roy, directrice générale de la Fondation, il ne s’agit pas d’une dépense mais plutôt d’un investissement pour la société. Alors que 40% de ceux qui quittent les centres jeunesse vont directement bénéficier de l’aide sociale, elle estime que cet appui peut changer une trajectoire de vie.

«On a voulu briser ce cycle-là en faisant le Projet Clé, explique-t-elle. Les jeunes vont arriver dans un environnement académique plus stimulant, vont rencontrer de nouvelles personnes, vont obtenir un diplôme et vont contribuer à ce que notre communauté soit meilleure.»

La directrice générale évoque notamment le cas d’une jeune femme qui, avec l’aide du projet, est aujourd’hui policière.

«Elle a grandi dans un milieu extrêmement difficile et ce qui l’attendait, c’était pas mal l’aide sociale, indique-t-elle. Là, elle est policière, elle joue un rôle très important dans sa communauté et elle est tellement fière. Les chances que ses propres enfants se retrouvent à DPJ sont beaucoup plus minces.»

Ils sont un peu moins d’une centaine à avoir bénéficié du Projet Clé depuis sa création, dont environ 50 qui y participent actuellement.

Le projet est d’ailleurs en train de faire des petits, étant maintenant implanté à Laval. La Fondation serait également en discussion pour l’exporter dans d’autres régions à l’échelle de la province.

Une perspective qui réjouit Suzie Roy, qui se dit extrêmement fière de la persévérance de ces jeunes.

«Au fond, tout ce qu’on veut, c’est que les jeunes suivis en vertu de la Loi de la protection de la jeunesse, particulièrement ceux en situation d’abandon, aient les mêmes occasions que les autres jeunes dans des familles dites normale», affirme-t-elle.

 

Soumettre un projet

Lorsqu’un jeune soumet son projet d’études à la Fondation, l’équipe prévoit un budget selon le nombre d’années d’études potentielles.

«Si un jeune veut être enseignant, on sait que ça prend un DEC plus un baccalauréat en enseignement de quatre ans, donne en exemple Suzie Roy. On planifie ainsi un budget de 30 000$ sur 6 ans, pour éviter que son financement cesse au milieu de ses études.»

Les critères ont évolué depuis la création du projet, lui qui est maintenant offert aux jeunes vivant en collocation ou pour ceux qui veulent effectuer une technique ou certaines formations professionnelles.

Une fois dans le programme, les jeunes doivent faire des suivis réguliers avec la Fondation, comme envoyer leur bulletin.

Le financement du projet est fait par des donations privés d’entreprises et d’individus.