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Rive-Sud : des demandeurs d’asile toujours nombreux, et des défis multiples

le lundi 02 octobre 2023
Modifié à 16 h 29 min le 02 octobre 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Frédérique Côté-Léger, formatrice et agente de liaison au Carrefour le Moutier, offrant la session d’information auprès des demandeurs d’asile le 8 septembre. (Photo: Gracieuseté)

Le nombre de demandeurs d’asile foulant le sol québécois pourrait atteindre un record en 2023, croit Mame Moussa Sy, directeur général de la Maison internationale de la Rive-Sud (MIRS). Et les chiffres semblent lui donner raison. L’organisme de Brossard qui leur vient en aide constate que ceux-ci sont toujours nombreux à affluer sur la Rive-Sud. 

«Certains viennent de l’Amazonie, du Panama, traversent les États-Unis. Ils quittent leur pays à la recherche d’une meilleure qualité de vie. Ce n’est pas la fermeture du chemin Roxham, ni les discours [politiques] qui va les empêcher de venir», expose M. Sy.

Le chemin a été bloqué en mars et son dernier bâtiment a été démantelé à la fin septembre.
Néanmoins, certains passent par des boisés à côté du célèbre chemin, «au péril de leur vie, soulève-t-il. Les passeurs demandent plus d’argent, car c’est moins sécuritaire. On vient de créer un autre problème; on enrichit les passeurs.»

La majorité des demandeurs d’asile arrivent désormais par les voies officielles comme la frontière terrestre et l’aéroport. Presqu’autant de demandes à des points d’entrées aériens ont été enregistrées durant les six premiers mois de 2023 que durant toute l’année 2022.

Les demandes traitées par les bureaux de l’IRCC sont plus nombreuses aussi en 2023.

Rive-Sud

Un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile à Brossard a été rouvert il y a quelques mois, alors qu’il n’avait pas été sollicité dans ce but depuis le printemps. 

«On en voit dans la rue. Certains viennent nous voir, car ils ont été référés, mais parfois, nous allons vers eux», témoigne le directeur de la MIRS.

D’autres espaces sont aussi consacrés à leur accueil, notamment sur l’île Charron. «Ça déborde partout», observe M. Sy.
La plupart d’entre eux sont des personnes seules, dans l’espoir de faire venir leur famille ensuite. Mais on retrouve aussi des couples, des familles.

Ils viennent de l’Afrique de l’Ouest, du Nigeria, de l’Afghanistan, de l’Iran, du Pakistan, beaucoup de la Turquie ou encore du Venezuela.

Défis multiples

La Maison de la Rive-Sud, tout comme le Carrefour le Moutier à Longueuil, effectue surtout un travail d’accompagnement. 

«Quand ils sortent de l’hôtel, c’est là qu’il y a le plus d’enjeux, signifie le directeur général de la MIRS. Ils ont plusieurs besoins : ils se cherchent un logement et du travail, beaucoup nous parlent de francisation.»

Des familles peuvent aussi être dirigées vers des banques alimentaires.

Le Carrefour le Moutier propose des séances d’information, à l’hôtel ou dans ses locaux. «Nous leur expliquons ce à quoi ils ont accès, en fonction de leur statut, les documents dont ils auront besoin, etc.» explique Olive Mukamana, coordonnatrice des services auprès des nouveaux arrivants. 

Non seulement les droits des demandeurs d’asile sont méconnus des principaux intéressés, ils le sont parfois aussi des autres prestataires de services.

«Il y a des cliniques ou des établissements où l’on ne reconnaît pas les documents des demandeurs d’asile. Ça retarde l’accès aux services de santé», se désole Mme Mukamana.

M. Sy déplore pour sa part que ces familles n’aient pas accès à des subventions pour les services de garde. «Un des deux parents ne peut pas travailler, pour garder les enfants. C’est contradictoire, ce sont des gens qui contribuent d’une certaine façon à la société, ils devraient avoir accès à ces services», expose-t-il.

Des logements en pleine crise

En pleine crise du logement, comment ces familles parviennent-elles à trouver un toit?

«Ce n’est pas facile, concède Mame Moussa Sy, mais ils sont moins difficiles que vous et moi. Ce qu’ils cherchent, c’est un pied à terre. Ils ont traversé beaucoup de situations de détresse. Même vivre à plusieurs dans un appartement, ça leur convient… en attendant.» 

Au Carrefour Le Moutier, un poste a récemment été créé spécifiquement pour offrir du soutien aux demandeurs d’asile dans leur recherche de logement. «Il fait une grande différence dans nos services», exprime Olive Mukamana.

L’intervenant leur fournit divers outils, par exemple en les aidant dans leur approche auprès des propriétaires. «Même s’ils n’ont pas d’historique de crédit ici, ils peuvent montrer qu’ils paient leur facture, montrer leur permis de travail», illustre-t-elle.  

Le Carrefour sensibilise les propriétaires à la réalité des nouveaux arrivants. Des partenariats sont créés avec certains d’entre eux, ce qui facilite le référencement. Ces partenaires sont surtout dans les environs de Longueuil, mais il y en a partout sur la Rive-Sud, jusqu’à Saint-Constant.

Traumatismes

En plus de ces considérations, Mame Moussa Sy relève un besoin «souvent sous-estimé» de ces personnes venues de loin: «ils ont des parcours de vie terribles, ils ont vécu des expériences traumatisantes, et même si c’est refoulé, ça finit par sortir. Il faut être à l’écoute, sans jugement. C’est très important.»

À la sempiternelle question mettant en doute la capacité d’accueil de la société québécoise, Mame Moussa Sy met en perspective les besoins de la société, notamment en termes de main-d’œuvre. 

«Des Tim Hortons doivent fermer, faute d’employés. Ç’a un impact sur les personnes âgées, sur l’itinérance, ça crée de l’isolement, car c’est un lieu de socialisation, relève-t-il. Si on ne se serre pas la ceinture comme société, on va se retrouver juste avec une population vieillissante.»