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Sam Hamad rend les armes et redevient simple député

le vendredi 08 avril 2016
Modifié à 0 h 00 min le 08 avril 2016
Texte du Brossard Éclair

POLITIQUE. Pour la deuxième fois de sa carrière politique, Sam Hamad subit l'humiliation de passer de ministre influent à simple député.

De guerre lasse, après une semaine au centre d'une controverse qui ne cessait de prendre de l'ampleur, Sam Hamad s'est résolu jeudi à rendre les armes, abandonnant son statut de ministre, avec tous les privilèges assortis: responsabilités, prestige, personnel sous ses ordres, garde du corps, prime salariale et limousine.

Celui qui était jusqu'à tout récemment président du Conseil du trésor, aux commandes des dépenses de tout l'appareil de l'État, se retrouve donc dans le rôle de simple député libéral de Louis-Hébert, installé sur une modeste banquette arrière du Salon bleu.

«Il a pris la bonne décision», a soutenu le premier ministre Philippe Couillard, lors d'une brève mêlée de presse.

De retour d'un périple controversé en Floride, alors qu'il fait l'objet de plusieurs enquêtes, M. Hamad, sous le coup de la colère et visiblement secoué, s'est présenté à l'Assemblée nationale jeudi matin, pour lire une brève déclaration aux médias, sans prendre une seule question des nombreux journalistes présents.

Pourtant, la veille, le premier ministre Couillard avait «insisté» pour dire que M. Hamad devait revenir au Québec et se rendre disponible aux journalistes, pour répondre à leurs questions relatives aux allégations de trafic d'influence qui pèsent contre lui en lien avec l'aide financière gouvernementale de 19 M$ accordée à l'entreprise Premier Tech en 2012, un projet promu par Marc-Yvan Côté.

Malgré son retrait, son cauchemar n'est pas pour autant terminé. Vilipendé sans relâche par l'opposition depuis des jours, M. Hamad fera l'objet de trois, voire peut-être quatre, enquêtes différentes au cours des prochains mois.

Le Commissaire à l'éthique, le Vérificateur général et le Directeur général des élections ont chacun dans leur champ de compétence déclenché une enquête pour déterminer si M. Hamad a oui ou non respecté les règles en vigueur d'attribution de contrats et de financement des partis politiques. Le Commissaire au lobbyisme pourrait lui se pencher sur son cas, dans la mesure où il a eu des contacts professionnels avec Marc-Yvan Côté, qui ne s'était pas enregistré.

La semaine dernière, M. Hamad qualifiait les allégations présentées dans le reportage de Radio-Canada de «pétard mouillé», écartant toute possibilité de démission. Il doit maintenant composer avec le fait que le pétard lui a explosé en plein visage.

Déterminé à faire face à la tempête, il continue à clamer son innocence. «Je veux me battre pour défendre mon intégrité, je n'ai rien à me reprocher», a-t-il dit à trois reprises, tout en admettant qu'il aurait dû s'enquérir auprès de Marc-Yvan Côté, administrateur de Premier Tech, pour savoir s'il était inscrit au registre des lobbyistes, ce qui n'était pas le cas.

«Avec ou sans M. Côté, ce projet était foncièrement bon pour l'économie du Québec», a-t-il dit.

Ancien ministre et collecteur de fonds pour le Parti libéral du Québec, Marc-Yvan Côté est accusé de corruption, fraude et abus de confiance, en lien avec du financement partisan. En 2005, il avait été banni à vie du Parti libéral du Canada pour cause de financement illégal.

M. Hamad a justifié ainsi son séjour récent en Floride: «Quand on se sent si injustement visé, quand on s'attaque à notre réputation et notre intégrité, on souhaite prendre une certaine distance. J'étais en colère et la colère est une mauvaise conseillère. Je peux comprendre que ça ait pu soulever l'indignation de la population, mais je vous assure, ce n'était pas mon intention.»

Samedi, M. Couillard l'avait suspendu de ses fonctions de président du Conseil du trésor, mais lui avait laissé tous ses privilèges de ministre, ce qui avait ajouté à la controverse au lieu de calmer le jeu.

M. Hamad a eu une carrière politique en dents de scie. Ministre dans le cabinet Charest depuis 2003, il avait bien failli mettre un terme à sa vie politique en février 2005. Le premier ministre l'avait alors rétrogradé du poste stratégique de ministre des Ressources naturelles à simple député, une humiliation qu'il avait assimilée alors «à une peine d'amour».

M. Hamad avait été évincé du cabinet, en raison de la controverse autour du Suroît, un projet de centrale au gaz contesté par les groupes écologistes.

Finalement, il était resté et s'est présenté à nouveau aux élections suivantes. Il avait été réintégré au cabinet en 2007, comme ministre de l'Emploi.

Selon le député de Québec solidaire Amir Khadir, M. Hamad devrait quitter de son plein gré la politique, dans les circonstances, sans attendre les résultats des enquêtes.

Selon le député péquiste Bernard Drainville, M. Hamad aurait d'être exclu du caucus libéral. Il voit dans ce choix de le maintenir dans l'équipe une erreur «pathétique» de la part du premier ministre Couillard sur les questions d'éthique et d'intégrité.

Le député caquiste Éric Caire en conclut que toute la gestion de la crise «est un sévère œil au beurre noir au leadership» du premier ministre.

La Presse Canadienne