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Série de décès suspects: la drogue pourrait être en cause

le mardi 05 juin 2018
Modifié à 11 h 32 min le 05 juin 2018
ENQUÊTE. L’agglomération de Longueuil a été le théâtre d’une série de décès suspects au cours des dernières semaines. Sept individus sont morts dans des circonstances nébuleuses entre le 12 et le 27 mai. Par Jonathan Tremblay et Philippe Lanoix-Meunier Les enquêteurs du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) sont toujours en attente des résultats des analyses toxicologiques et des rapports de coroner dans chacun de ces dossiers. Bien qu’aucun élément ne permette pour l’instant d’établir clairement les causes de ces sept décès ou de les relier entre eux, certains indices laissent croire qu’ils pourraient être liés à la consommation de drogue. La Santé publique hautement préoccupée Selon la directrice de la Santé publique de la Montérégie, Dre Julie Loslier, certains des décès sont liés à la perquisition et aux arrestations effectuées le 29 mai [voir texte Quatre arrestations], mais pas tous. «Parmi ces cas, les substances consommées n’étaient pas les mêmes. Jusqu’à maintenant, on ne fait pas de liens entre ces sept cas et on ne croit donc pas que ce serait un revendeur qui aurait causé tous ces décès», commente la Dre Loslier. «Ces morts sont regroupées dans le temps et dans l’espace, mais on n’a aucune raison de croire que les victimes ont été contaminées par la même substance», ajoute-t-elle. Pas nécessairement une surdose «Lorsqu’un décès est "suspect", c’est parce qu’il y avait de la drogue, de l’alcool ou une substance psychotrope sur les lieux où a été trouvé le corps, mais il est trop tôt pour dire que les personnes en ont consommé», poursuit la directrice. Et même si la Santé publique tend vers l’hypothèse que les décès sont dus à la consommation, c’est l’enquête du coroner ou l’analyse toxicologique qui le confirmera. «Ce n’est pas parce qu’on trouve des substances sur les lieux que la personne est décédée de surdose, insiste la Dre Julie Loslier. Ça peut être une combinaison de plusieurs facteurs, dont des conditions médicales précaires, un médicament, ou une prise d’alcool en grande quantité.» À ce jour, un seul des sept décès a été déclaré «surdose», et ce, hors de tout doute. Il avait fait l’objet d’un appel à la vigilance de la part de la direction de la Santé publique de la Montérégie. «Des cas de surdoses sévères comprenant des décès sont survenus chez des personnes qui pensaient avoir acheté de la cocaïne, est-il possible de lire sur la publication de la Santé publique du 18 mai. Dans certains cas, il s’agit d’une cocaïne contaminée avec d’autres substances et dans d’autres cas, d'une poudre brune vendue comme de la cocaïne mais qui était en fait une drogue plus forte.» Cette drogue plus forte était en fait de l’héroïne, spécifie la Dre Loslier. En enquête depuis février Du moment où la direction de la Santé publique croit que la sécurité de sa population est menacée, elle lance une enquête. Depuis février, elle s’inquiète des morts suspectes sur le territoire de l’agglomération. «On suit ce dossier de près, mais rien ne nous appelle à agir différemment pour le moment. Ces derniers cas sont peut-être dus au hasard, mais la situation demeure préoccupante. Si nous sommes en enquête épidémiologique, c’est parce qu’une augmentation de surdoses, c’est un problème qu’on craint. On a vu les conséquences en Colombie-Britannique et à Montréal l’été dernier.» La hausse des surdoses, mortelles ou non, est attendue par la Santé publique, à la venue de l’été. «Il s’agit d’un moment de l’année où généralement les chiffres augmentent», conclut la Dre Loslier. Tout en rappelant que rien ne liait pour l’instant les sept décès entre eux, le SPAL lançait l’avertissement suivant à la population le 26 mai, via sa page Facebook. «Généralement, la provenance des drogues ainsi que leur composition sont inconnues et leur consommation représente des risques importants.» Quatre arrestations Le 29 mai, le SPAL a procédé à quatre arrestations à Montréal, dans le cadre d’une enquête sur la série de décès suspects survenus sur son territoire. Cette enquête avait permis de relier un vendeur de drogues à l’un des individus décédés. Le SPAL a arrêté deux femmes de 24 ans et deux hommes de 26 ans. Ils font face à des accusations de trafic de stupéfiants, de possession de stupéfiants en vue d’en faire le trafic et de complot. Un homme de 44 ans est quant à lui recherché en vertu d’un mandat d’arrestation. La perquisition a permis la saisie de 570 comprimés de drogue de synthèse ainsi que de l’héroïne, du crystal meth, du haschich, du cannabis, des champignons hallucinogènes et du GHB. Les policiers ont également mis la main sur trois imitations d’arme à feu ainsi que plus de 800 munitions. Le Fentanyl impliqué ? Pour le moment, le fentanyl n’a pas été identifié dans les morts suspectes des dernières semaines à Longueuil. «Il resterait toutefois des analyses à faire», selon la directrice de la Santé publique. Un délai de quelques semaines peut être nécessaire pour obtenir des résultats concluants. «Ça ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas et qu’il n’y en a jamais eu, mais pas dans ces cas récents, indique la Dre Julie Loslier. Des morts suspectes, il y en a sur une base régulière et il y en avait bien avant l’apparition des opioïdes. Les substances retrouvées sur les lieux sont très variables.» «Oui, le fentanyl fait peur, mais il reste assez marginal, poursuit-elle. On a peur de toutes les substances contrefaites. Je ne minimise cependant pas le risque. Mais pour l’instant, il n’y a pas d’éclosion de surdoses d’une substance en particulier.» Professeur associé de l’École de la santé publique de l’Université de Montréal, Marc Baril a pour sa part du mal à s’imaginer que les sept décès suspects survenus dernièrement à Longueuil relèvent du hasard. «C’est possible que ce ne soit pas du fentanyl, mais quelque chose de plus puissant», souligne M. Baril. Il y a quelqu’un, quelque part, qui a sorti une batch contaminée de quelque chose», croit-il. Mais qu’est-ce que le fentanyl ? «Le fentanyl est un médicament de fabrication chinoise. Il peut être prescrit pour contrer la douleur chronique, explique le spécialiste en toxicologie Marc Baril. Il a fini par se frayer un chemin parmi les drogues illégales. Avec une toute petite quantité, il permet d’avoir un "bon buzz" – excusez-moi l’expression. C’est donc ça qui cause les morts.» Une petite dose peut s’avérer mortelle. «Les opioïdes en dose non contrôlée font en sorte que la respiration cesse. Les gens en meurent rapidement», ajoute le professeur. Ces substances seraient dissimulées dans différentes drogues pour rendre un produit «plus efficace». «Ils mélangent ça avec n’importe quoi!» lance Marc Baril. «C’est un phénomène qui est répandu à l’échelle du Canada. En Colombie-Britannique, ce genre de cas arrive pratiquement tous les jours», conclut-il. En janvier, La Presse affirmait que plus de 1400 surdoses mortelles avaient été répertoriées par le Service de coroner de la Colombie-Britannique en 2017. 7 morts suspectes en 15 jours
  • Le 12 mai, un homme de 32 ans est découvert sans vie dans la chambre d’une résidence sur le chemin de la Savane, dans l’arr. de Saint-Hubert. Une deuxième victime de 26 ans est retrouvée dans un état critique dans une chambre adjacente et est transportée vers un centre hospitalier. On ne craint aujourd’hui plus pour sa vie.
  • Le 19 mai, un homme de 26 ans est retrouvé sans vie dans un appartement de Brossard. Le SPAL mentionne que son décès serait dû à une surconsommation de drogues et d’alcool.
  • Le 22 mai, un homme de 41 ans est découvert inanimé dans un logement de la montée Saint-Hubert.
  • Le 23 mai, un homme de 20 ans meurt dans des circonstances suspectes dans un appartement de la rue Sainte-Hélène, dans l’arr. du Vieux-Longueuil.
  • Le 24 mai, un homme de 31 ans est retrouvé sans vie dans un appartement de la rue Montarville, dans l’arr. du Vieux-Longueuil.
  • Le 26 mai, un homme de 40 ans décède à son domicile du boul. Grande-Allée, dans l’arr. de Saint-Hubert.
  • Le 27 mai, un homme de 30 ans est retrouvé sans vie sans à son domicile de boul. Gareau, dans l’arr. de Saint-Hubert.