Stationnement à Saint-Lambert : beaucoup de contraventions et de frustrations
L’enjeu du stationnement sur l’avenue Victoria à Saint-Lambert ne date pas d’hier. Mais des commerçants de cette artère commerciale déplorent une recrudescence du nombre de contraventions dont écopent clients et employés. Une pratique qui génère de la frustration et pourrait décourager la clientèle, plaident-ils.
Sur l’avenue Victoria, des pancartes indiquent qu’il est permis de se stationner durant certaines plages horaires, pour une durée de 60 ou de 120 minutes, selon l’endroit.
Des clients de la Boutique 424 ont rapporté au propriétaire avoir écopé d’une amende de 234$ pour être demeuré stationné trop longtemps dans le même espace. «Ça fait longtemps que c’est comme ça, mais c’est de pire en pire», constate Éric Bergeron, qui a alerté le Courrier du Sud.
«Le dimanche de la tempête [le 16 février], c’était le bordel et ils ont donné des tickets toute la journée!»
Si des espaces sont disponibles sur l’avenue Notre-Dame, il juge qu’ils sont plutôt loin, pour sa clientèle. Même le stationnement de l’hôtel de ville ne fait pas partie des habitudes de la clientèle.
Du « jamais-vu »
M. Bergeron n’est pas le seul à partager cet avis.
Au Café Passion, cinq employés et des clients réguliers ont eu la mauvaise surprise de voir une contravention sur leur pare-brise au cours des derniers jours. Les contraventions des employés, qui garent leur voiture dans le stationnement arrière, sur l’avenue Notre-Dame, sont contestées. On a l’impression que la tolérance qui semblait prévaloir a fait place à plus de surveillance.
«Ça fait plus de 10 ans que je suis ici et je n’ai jamais vu ça. On ne comprend pas pourquoi tout d’un coup, ils donnent des contraventions. Ils auraient pu donner d’abord des avertissements, pour aviser qu’il y aurait plus de rigueur», soutient ce membre de la gestion du restaurant.
Le stationnement est permis pour une durée de 60 à 120 minutes. (Photo : Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
Il fait valoir aussi qu’une période de 60 minutes est bien courte pour accommoder sa clientèle. «Ça prend un restaurant rapide!»
Au café Pistache, la gérante Jensy fait partie de ceux qui ont reçu un constat d’infraction à la fin février. Elle ne croit pas qu’il s’agit d’une nouvelle pratique, mais plutôt que l’application du règlement se fait «en vagues». «Des fois, on ne voit personne, et d’autres fois, il y a un policier chaque jour», compare-t-elle.
Elle déplore le peu de places disponibles, considérant le nombre de commerces dans ce secteur. «Surtout si tout le monde doit constamment se déplacer [pour respecter la plage de 2h]!» lance-t-elle.
1000$ en un mois
Des employés du Café Webster ont écopé pour un total de 1000$ de contraventions, seulement en décembre. Le propriétaire, Guy McKenzie, en a payé la moitié.
«Tout ça, ç’a été remis par l’équipe de fin de semaine, le dimanche matin à 10h, dans des espaces de 60 minutes. Ça fait 20 ans que je suis ici et ç’a toujours été toléré. Alors c’est un peu désagréable», expose M. McKenzie.
Ce qui le mets hors de lui, c’est qu’à ses yeux, le règlement n’est pas appliqué avec autant d’assiduité la semaine. «Il faut être équitable. Si on l’applique, on l’applique en tout temps», martèle-t-il.
Si l’avenue Victoria est utilisée en dernier recours par ses employés, elle devrait être réservée aux clients, croit-il.
Les employés du Café Riverside, dont il est aussi propriétaire, se stationnent quant à eux à l’hôtel de ville, comme il a été suggéré par l’administration municipale.
M. McKenzie le croit dur comme fer, la solution est de recourir à l’application Copilote, qui permet de géolocaliser la voiture et de facturer selon la durée du temps de stationnement. Il croit au principe d’utilisateur-payeur.
Perte de compétitivité
Propriétaire de la Quincaillerie Rousseau, Philippe Desjardins s’inquiète des répercussions des enjeux de stationnement.
«Si des gens de l’extérieur veulent se stationner et qu’ils ne peuvent pas, ils ne reviendront pas. Si on est moins accueillant, par des contraventions, on va perdre une clientèle, croit-il. Notre compétition, c’est le DIX30.»
Grâce à un stationnement arrière privé, ses clients peuvent se garer généralement sans problème.
À quelques coins de rues de là, la gérante de la Piazzetta remarque que le stationnement privé du bâtiment est parfois employé par des gens qui vont consommer dans d’autres commerces – évitant l’avenue Victoria par crainte de contravention – ou encore par des usagers du train de banlieue. «On ne va pas commencer à les remorquer. On les laisse faire, mais c’est plate…»
Dans son cas, c’est surtout le midi, en semaine, que les clients peinent à se stationner. «Quand des clients demandaient s’ils pouvaient stationner dans la rue, on disait que la Ville était tolérante», reconnait-elle, mais ça ne semble plus le cas.
Tout comme M. Desjardins, elle constate que ces contraintes peuvent nuire aux affaires. «On l’a déjà vécu, des gens qui nous ont dit qu’ils se sont tournés vers le DIX30, à cause du stationnement», souligne-t-elle.
L’amende de stationnement se chiffre à 234$, incluant les frais. Sur la photo, la rue Notre-Dame. (Photo : Le Courrier du Sud – Ali Dostie)
Une solution ?
Dans ce contexte, la gérante de la Piazzetta croit que le stationnement voisin de la gare, accessible par l’avenue Saint-Laurent, devrait servir.
«Avant la pandémie, on pouvait payer une vignette, mais là, il est vide», soumet-elle.
Elle remet d’ailleurs en question le recours à une vignette et soumet l’idée qu’il soit gratuitement mis à la disposition des employés, pour dégager l’avenue Victoria. «C’est trop cher, nous on a arrêté de payer», signifie-t-elle.
Deux poids deux mesures, fois deux ?
Parmi les enjeux soulevés, Éric Bergeron de la Boutique 424 dit être choqué d’observer que des usagers du train de banlieue se stationnent toute la journée sans se faire importuner.
«Alors que la fin de semaine, on a des clients qui viennent dépenser des centaines de dollars chez nous, et qui reçoivent une contravention», dénonce-t-il.
Gérant chez Castonguay Cycles & Sports, François Viau relève un autre cas présumé de «deux poids, deux mesures».
«Des employés du chantier de construction près du Jean Coutu se stationnent toute la journée [dans des espaces limités à 60 ou 120 minutes] et n’ont jamais de contravention. Et moi, j’ai eu un ticket la semaine passée.»
Il s’était garé sur Victoria alors que les deux espaces situés à l’arrière de son commerce était utilisé par des clients.
En bon citoyen, M. Viau paiera sa contravention, car il dit être le premier à se plaindre quand une voiture est garée au même endroit toute la journée. Mais il décrie surtout que les travailleurs du chantier, reconnaissables entre autres par leur dossard orange laissé dans la voiture, semblent profiter d’une plus grande tolérance.
Il voit aussi des résidents des condos Trigone se stationner dans la rue.
M. Viau a déposé plusieurs plaintes à la Ville à ce sujet ces derniers jours. Comme d’autres commerçants, il est d’accord d’imposer une limite de temps pour le stationnement, afin de «laisser la chance aux clients».
En plus de ces commerçants cités, trois autres ont tenu des propos similaires. Toutefois, trois autres commerces ont dit ne pas noter de problème particulier, car ils bénéficient d’un espace privé à cette fin.
« On ne se mêle pas des opérations »
Si la mairesse Pascale Mongrain reconnait que la Ville ait récemment reçu des plaintes concernant l’avenue Victoria et ses alentours – qui s’ajoutent aux plaintes récurrentes liées à des contraventions de stationnement – , elle insiste d’entrée de jeu sur un point : la Ville n’est pas le service de police.
«Il n’y a aucune instruction de la Ville, ou du conseil, qui est donnée à la police. On n’a pas le droit! On ne se mêle pas des opérations. Le conseil municipal, la police, c’est indépendant et autonome.»
Elle se montre aussi un peu découragée par cette vive réaction de commerçants. Dès le début de son mandat en 2021, citoyens et commerçants avaient exprimé des frustrations car des employés se stationnaient toute la journée sur l’avenue Victoria, privant ainsi les clients de cases.
C’est en réponse à ces plaintes que, dans le cadre de la refonte du règlement sur la circulation, l’amende a été augmentée (totalisant plus de 200$ avec les frais). Le but était de créer un effet dissuasif.
Plusieurs options
Mme Mongrain assure que les autres options de stationnements dans les rues avoisinantes répondent aux besoins de la clientèle.
Sur l'avenue Notre-Dame. (Photo : Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
Quant au stationnement voisin de la gare, réservé aux employés, il est toujours disponible. Mais actuellement, une seule vignette a été payée par un commerçant.
«Procurez-vous une ou des vignettes et vos employés pourront s’y stationner toute la journée!» lance-t-elle.
Autrefois au coût «ridiculement bas» de 125$ par an, ces vignettes coûtent maintenant 300$ par année. «Oui, il faut faire quelques pas de plus, marcher 5 minutes, mais il me semble que c’est pas pire, comme compromis», estime Mme Mongrain.
Quant à l’idée d’offrir gratuitement ces espaces, elle juge que débourser pour le stationnement d’employés de commerçants ne relève pas de la mission de la Ville.
À cette offre s’ajoute le stationnement de l’hôtel de ville. Depuis mars 2022, l’hôtel de ville est fermé. «Je le répète souvent aux commerçants. Je passe devant plusieurs fois par jour, et il n’est jamais plein.»
«Je ne sais pas ce que l’on peut faire de plus pour les informer, concède la mairesse. On a fait beaucoup de démarches pour encourager l’achat local depuis un an. On a versé de l’argent pour qu’ils puissent faire de la promotion. Et les cases sur Victoria, ce sont pour les clients, pas les employés.»
Aucune demande
Malgré ces observations des commerçants, le Service de police de l’agglomération de Longueuil confirme qu’aucune «demande de tolérance, ni aucune demande visant à délivrer plus de contraventions de stationnement», n’est en cours dans le secteur.
Il nie aussi avoir une «politique de délivrance de constats plus élevée pour les clients du centre-ville par rapport à ceux qui se stationnent en périphérie (pour prendre le train)».
«Il est en effet difficile pour nous de déterminer qui utilise les stationnements sur la voie publique. Les règlements municipaux, reliés au stationnement, s'appliquent à tous les usagers, s'appliquent à tous les usagers de manière égale, sans distinction par rapport aux commerces qu’ils fréquentent ou au transport en commun qu’ils utilisent par la suite.», indique le SPAL.
Questionné sur le nombre de contraventions données sur l’avenue Victoria et les rues avoisinantes au cours des dernières semaines, il a référé le Journal à la Loi d’accès à l’information.