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Le train de banlieue sur la Rive-Sud à la croisée des chemins

Il y a 13 heures
Modifié à 16 h 35 min le 25 mars 2025
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

L’achalandage est particulièrement faible sur la ligne qui passe par Saint-Hubert et Saint-Lambert. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Denis Germain)

L’avènement du télétravail va-t-il sonner le glas du train de banlieue sur la Rive-Sud? Alors que l’achalandage est encore loin de ce qu’il était en 2019 et qu’un scénario pour retirer les deux lignes de la Rive-Sud est étudié, une voix s’élève pour mettre en garde un retrait définitif de ce mode de transport : celle qui a relancé ce réseau au milieu des années 90.

À la tête de l’ancienne Agence métropolitaine de transport (AMT), Florence Junca-Adenot a chapeauté cette relance du train de banlieue. «La première chose que j’ai faite, c’est d’observer qu’on avait un réseau de rails très peu utilisé qui allait partout dans les régions», explique-t-elle à Gravité Média.

Cinq nouvelles lignes de train de banlieue ont ainsi été remises sur les rails. Sur la Rive-Sud, la ligne Mont-Saint-Hilaire, qui comprend notamment des stations à Saint-Hubert et Saint-Lambert, a été mise en place en 2000. La ligne Delson/Candiac, elle, en 2001.

Mme Junca-Adenot estime que les trains ont eu beaucoup de succès alors qu’ils répondaient à un besoin clair : une alternative à ceux qui n’utilisaient la voiture qu’aux heures de pointe.

Beaucoup de succès, du moins, jusqu’à la pandémie.

Sous les 40%

Entre 2019 et 2020, l’achalandage dans les trains de banlieue a chuté de près de 75%.

Mais quatre ans plus tard, le télétravail s’est pérennisé, si bien qu’en 2024, la ligne Mont-Saint-Hilaire roulait encore à moins de 40% de 2019. La ligne de Candiac a fait mieux sur ce plan, mais demeurait à un peu plus de 60% par rapport à 2019.

Une reprise bien plus lente que d’autres modes de transport comme l’autobus ou le métro.

 

On retrouve peu de logements à proximité de la gare Longueuil–Saint-Hubert, enclavée entre la route 116 et le chemin de Chambly. (Photo: Le Courrier du Sud ‒ Denis Germain)

 

«Qui a été frappé le plus par le télétravail? C’est le bureau au centre-ville. Donc, la clientèle des trains de banlieue», souligne Mme Junca-Adenot.

La situation est telle que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) étudie un scénario de retrait de ces deux lignes, en plus de la ligne Mascouche, révélait Radio-Canada en septembre 2024.

Extrêmement précieux

Mais Mme Junca-Adenot met en garde une possible fermeture de ces lignes.

«On a quelque chose d’extrêmement précieux avec le réseau de voies ferrées qu’on a encore. SI on voulait le construire, on serait obligé d’exproprier. Alors personnellement, moi j’essaierais toutes les mesures avec un plan intégré en impliquant le monde et en impliquant les citoyens», soutient-elle.

Parmi celles-ci, négocier pour une grande flexibilité dans les horaires avec le CN et le CP, propriétaires des rails – même si Mme Junca-Adenot admet qu’ils sont inflexibles par rapport au transport de marchandises –, travailler sur le rabattement vers les stations et consolider la densification autour de ces stations.

«Les gens ne sont pas idiots. S’ils ont un service qui fait leur affaire, ils vont le prendre».

‒ Florence Junca-Adenot

«Dans le premier plan stratégique de l’AMT, un des objectifs était de profiter des nouvelles gares pour faire des TOD, du redéveloppement immobilier autour d’un réseau. La logique même d’un transport structurant, c’est de permettre aussi à des gens de venir vivre, travailler, commercer le plus proche possible autour des stations. Et ça, ça ne s’est pas fait de façon systématique», évoque-t-elle.

«On a fait de l’étalement urbain au lieu de consolider les villes. Ça, ça nuit aux transports de longue distance. Et maintenant, on cherche à revenir en arrière, à redensifier, à reconstruire, alors ce n’est pas le moment pour se mettre à fermer les lignes de train. Une fois que c’est fermé, c’est fermé. Et ça ne se rouvrira pas», ajoute la professeure à l’UQAM.

L’exploitant et le trésorier

Du côté de l’exploitant du réseau de train de banlieue, Exo, on tend vers une analyse similaire. Il soutient que le transport collectif est un service public essentiel, «qui ne vise pas la rentabilité directe, mais constitue un investissement stratégique en faveur de la mobilité et du bien-être de la communauté».

 «Le train de banlieue est un mode de transport efficace, fiable et confortable, capable de transporter un grand nombre de personnes sur de longues distances. Son potentiel demeure sous-exploité», estime-t-il.

Du côté de l’ARTM, on réitère le message émis en septembre 2024, soit qu’aucune décision n’a été prise sur un éventuel remplacement des lignes de train de banlieue et que plusieurs scénarios sont à l’étude.

«L’approche préconisée est d’améliorer la performance du transport collectif en travaillant mieux, et non en coupant dans les services», mentionne-t-il, même s’il remarque que le retour des usagers dans les trains de banlieue de la Rive-Sud est plus lent que sur les réseaux d’autobus et de métro.

 

Métro et autobus plus performants

Le réseau d’autobus d’Exo fait un peu mieux que le réseau de train de banlieue. Du côté du métro, la station Longueuil-Université-de-Sherbrooke avait retrouvé en 2024 78% de son achalandage d’avant pandémie. Au Réseau de transport de Longueuil, on est au-delà du 90% de l’achalandage de 2019.

 

En chiffres

Achalandage – Ligne Mont-Saint-Hilaire

  • 2019 : 2 260 746 déplacements
  • 2023 : 786 760 déplacements
  • 2024 : 866 901 déplacements

Achalandage – Ligne Candiac

  • 2019 : 1 298 222 déplacements
  • 2023 : 677 144 déplacements
  • 2024 : 804 488 déplacements

Achalandage par gare en 2024

  • Saint-Lambert : 82 629 usagers
  • Longueuil–Saint-Hubert : 59 256 usagers
  • Sainte-Catherine : 126 528 déplacements (gare la plus achalandée sur la ligne Candiac).
  • Candiac : 33 803 déplacements
  • Delson : 16 320 déplacements
  • Saint-Constant : 76 556 déplacements