Un « appart à eux » pour déployer leurs ailes
Le langage de Marc a changé. Quand il «retourne chez lui» après une sortie avec ses parents, ce n’est plus de la maison familiale dont il parle, mais de son studio de l’Appart à moi, qu’il habite depuis cinq ans avec huit autres locataires, différents et beaux comme lui.
«Ils ont tous beaucoup cheminé. On les voit grandir. On les sent fiers, motivés. Ç’a dépassé nos attentes», lance Daniel LeBlanc, président de l’organisme qui a mis au jour, avec un groupe de parents, ce projet offrant un chez-soi à neuf jeunes adultes ayant une déficience intellectuelle.
Il poursuit concernant son fils Marc, qui réside dans l’immeuble du chemin de Chambly, dans l’arr. de Saint-Hubert.
«Il a beaucoup plus confiance en ses moyens. Il est heureux d’avoir sa propre routine, il fait son lavage. Et quelque chose de spécial se développe entre eux, observe-t-il. Si un n’est pas là, la recette ne goûte pas pareil.»
Les locataires. En haut : Étienne Grutman, Raphaël Van Damme, David Jessome, Marc LeBlanc. En bas, Cloé Gervais Robert, Mylène Fredette, Valérie Lambert, Nadia Raposo et Marie-Claude Guay. (Photo: Gracieuseté)
Mélanie Sauvageau, animatrice en cuisine collective, et Monic Gallant, coordonnatrice, sont aussi témoins de cette évolution des locataires.
«Ils ont un bel esprit d’entraide, continue Mme Gallant. Si quelqu’un a de la difficulté à faire quelque chose, ou s’il est fatigué, un autre va proposer de le faire à sa place.»
La discussion se déroule dans le grand espace commun, où se trouvent la cuisine, la salle à manger et le salon. Mélanie Sauvageau y concocte les repas et collations, avec l’aide de locataires, qui peuvent par exemple couper des légumes.
(Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)
Chacun a d’ailleurs des tâches à effectuer pour assurer le bon fonctionnement des lieux : passer le balai, tondre le gazon, pelleter l’entrée l’hiver, etc.
«L’idée n’est pas de faire pour eux, mais de faire avec eux, pour éventuellement leur faire faire, selon les capacités de chacun, illustre Mme Gallant. On les responsabilise.»
Monic Gallant, Mélanie Sauvageau, Marie-Claude et Daniel LeBlanc. (Photo: Le Courrier du Sud - Ali Dostie)
Les intervenants les ont également aidés à recevoir un invité pour souper dans leur studio et à tout prévoir, dont la préparation du repas. «C’était incroyable de voir les étincelles dans leurs yeux», relate-t-elle.
«On a vu naître des amitiés improbables. Ils se sont trouvés de belles affinités. Et ils ont tellement à apporter à la société, et à l’humanité! Ce sont tellement des personnes merveilleuses!»
-Mélanie Sauvageau
Vie active
Le jour, les locataires sortent, que ce soit pour se rendre à un centre de jour, occuper un emploi ou faire du bénévolat. Sans compter des activités en soirée, comme du zumba ou les quilles.
«L’idée n’est pas qu’ils restent isolés dans leur studio, mais qu’ils puissent socialiser», assure M. LeBlanc.
Ils sont aussi bien connus dans le quartier, alors qu’ils ont notamment distribué des biscuits au voisinage durant le temps des Fêtes. Des commerçants, avec qui des liens se sont tissés, sont aussi «Amis d’Appart à moi».
Il est peu après 16h et Marie-Claude revient justement d’Action intégration en déficience intellectuelle. Tout sourire, elle s’assoit dans un fauteuil. Aujourd’hui, ils ont fait «des boîtes», dit la jeune femme de 34 ans, à propos de sa journée. Quelques jours plus tôt, ils ont fait du bricolage, joué aux dards, écouté des films.
On sent toute sa fierté lorsqu’elle fait visiter son studio. Elle montre la couronne accrochée à sa porte, ou encore le coussin aux couleurs de l’Halloween déposé sur son lit.
«Les studios se ressemblent, mais chacun ont pu y mettre leur couleur», explique Monic Gallant.
Dans le studio de Marc, on retrouve des dessins de superhéros, qu’il a peints lui-même. Ce qu’il aime le plus de son logement? «Regarder la télévision», dit-il en souriant.
Marc, dans son studio (Photo gracieuseté)
Une pérennité à atteindre
Malgré ce rêve devenu réalité, des embûches demeurent.
«On n’a pas encore trouvé le filon magique pour assurer la pérennité financière», signifie Daniel LeBlanc.
Des subventions sont accordées pour alléger le coût des loyers et le CISSS de la Montérégie-Centre accorde une aide au fonctionnement.
L’organisme tient annuellement un spectacle-bénéfice, d’autres activités ont lieu, puis le soutien d’entreprises permet de bonifier les installations, mais «il y a toujours un manque à gagner», se désole le président.
Les besoins, quant à eux, ne manquent pas. Plusieurs organismes et organisations d’un peu partout au Québec ont rencontré l’équipe de l’Appart à moi pour s’inspirer de son modèle.
Et constamment, l’organisme reçoit des appels de parents qui souhaiteraient y voir vivre leur jeune adulte. Mais pour l’instant, impossible d’imaginer l’arrivée d’autres locataires.
«L’Appart à moi, c’est du long terme [pour les locataires], soulève Mme Gallant. Mais on le voit, les besoins sont criants.»
Le recrutement de personnel constitue également un enjeu de taille. L’Appart à moi assure le bien-être et la sécurité des locataires 24 heures sur 24, grâce à une équipe de trois employés permanents et deux à temps partiel.
L’organisme est toujours à la recherche d’un intervenant en milieu de vie, un poste qui a été occupé pendant quatre ans et développé pour que la personne réside sur les lieux.
«C’est un beau milieu de vie, soutient Monic Gallant. On travaille avec des humains incroyables. C’est tellement motivant de voir que tu peux faire une différence dans leur vie.»
(Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)
Spectacle-bénéfice
Le spectacle-bénéfice Un toit pour la vie mettant en vedette l’artiste Christian Marc Gendron se tiendra le 27 septembre à L’Étoile de Brossard. Achat de billets : 514 290-0408.