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VIDÉO. Catherine Fournier, « celle qui a obtenu justice »

le mercredi 19 avril 2023
Modifié à 9 h 10 min le 24 avril 2023
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Catherine Fournier, entourée des journalistes Mathieu Carbasse et Marie-Christine Noël. (Photo: Le Courrier du Sud – Denis Germain)

C’est la garantie d’anonymat qui avait convaincu Catherine Fournier de déposer une plainte contre Harold LeBel. Lors de l’arrestation de l’ancien député le 15 décembre 2020, elle a vécu tout le contraire, alors que son nom a été prononcé dans un média malgré une ordonnance de non-publication. En brisant le silence avec le documentaire Témoin C.F., la mairesse de Longueuil veut «reprendre le contrôle sur son histoire» et «faire œuvre utile». 

«Je me suis dit que tant qu’à ce que tout le monde sache, je vais essayer de tourner ces événements en quelque chose de positif», explique Catherine Fournier, après le visionnement de presse du documentaire, qui sera disponible sur la plateforme Vrai. 

Dans le film réalisé par Mathieu Carbasse et Marie-Christine Noël du Bureau d’enquête de Quebecor, elle raconte avec émotions cette journée où tout est «parti en vrille», des informations recoupées dans les médias permettant de l’identifier. Entendre son nom prononcé à la télé à heure de grande écoute a été le coup de grâce.

Aucun membre de sa famille ne savait. Sa grand-mère l’a appelée en pleurs, puis son père lui a demandé si c’était vrai. «Je voulais éviter le sujet avec lui, mais je me suis écroulée en sanglots… Ce n’est pas la meilleure façon de l’annoncer», relate-t-elle.

 

 

 

Après le silence, courage et cohérence

Un tourbillon difficile à avaler, d’autant plus que la décision de dénoncer n’allait pas de soi.
Après avoir subi l’agression le 20 octobre 2017, son premier réflexe a été de ne pas vouloir faire de vague; un «procédé d’autoprotection», croit-elle.

Députée de Marie-Victorin à l’époque, elle n’en a pas dit mot à quiconque au Parti québécois.

«C’est arrivé moins d’un an après mon élection. J’avais peur du jugement, comme si la petite nouvelle arrivait et venait faire des problèmes. Lui, il était une institution. Il était au PQ depuis 30 ans.»

-Catherine Fournier

D’autant plus que la réputation fort positive dont il jouissait correspondait à la relation qu’elle entretenait avec le député, avant les faits.  Elle l’appréciait et le considérait comme un ami.

Des souvenirs persistants et la difficulté de côtoyer le député de Rimouski au quotidien l’ont toutefois fait réfléchir.
Catherine Fournier ressentait aussi une «dissonance cognitive» alors que d’un point de vue personnel, elle ne portait pas plainte et que dans sa vie professionnelle, elle tenait un discours à la défense des victimes, dénonçant l’omerta. 

«Je me trouvais hypocrite, juge-t-elle dans Témoin C.F.. Ce n’est pas tout le monde qui part de la même place, et même moi, je ne le faisais pas? Je me suis sentie un peu lâche.»

Un extrait du film. (Photo: Le Courrier du Sud - Ali Dostie)

Des moments poignants

En plus de donner la parole à des journalistes qui ont couvert l’affaire, le film suit Catherine Fournier au cours des diverses étapes du procès, remontant jusqu’au témoignage vidéo dans un poste de la Sûreté du Québec le 31 juillet 2020 à Longueuil.

Elle raconte aussi ce qui s’est passé dans l’appartement de M. LeBel, dans la nuit du 20 au 21 octobre 2017. Des heures interminables. 

Le dévoilement du verdict, le 23 novembre 2022, donne un autre moment poignant. 

Connaître la sentence de son agresseur – huit mois de détention – était visiblement une autre étape importante, mais Catherine Fournier estime que «son sentiment de justice , il n’est pas dans la peine comme tel. C’est dans les mains des procureurs.»

Quant à la sortie de prison de l’ancien député après deux mois, Catherine Fournier affirme croire en «l’approche centrée sur la réhabilitation» prônée au Québec. «Manifestement, ç’a fonctionné dans son cas, selon les déclarations», soutient-elle, en conférence.

(Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Lui a-t-elle pardonné? Le procès est encore trop frais dans sa mémoire : «le pardon, c’est un cheminement, une conclusion à laquelle j’aspire».

Bien accompagnée

Catherine Fournier insiste sur «l’expérience positive» qu’aura été pour elle ce processus judiciaire, notamment grâce aux personnes «qui l’ont extrêmement bien accompagnée», telles que son intervenante du Centre d'aide aux victimes d'actes criminels (CAVAC). 

(Photo: Le Courrier du Sud - Denis Germain)

Elle entend par ailleurs collaborer avec ce réseau pour contribuer à rendre le processus judiciaire plus accessible. 

À l’instar de la recommandation de la directrice générale du CAVAC de Montréal Jenny Charest dans le documentaire, Catherine Fournier préfère qu’elle soit désignée comme «personne victime», plutôt que comme «victime». 
À une journaliste qui lui a posé cette question, elle a répondu : «Ça peut aussi être "Celle qui a obtenu justice"».

 

 

«Montagnes russes»

Si elle ne regrette aucunement son parcours dans le système judiciaire aujourd’hui, Catherine Fournier admet avoir eu ses moments de doute. 

De sa plainte en juillet 2020 jusqu’au verdict en janvier 2023, ce processus aura été plus long qu’elle ne le croyait. «C’était des montagnes russes d’émotions, image-t-elle. Personnellement, des fois, ça ne me tentait plus du tout.»

Elle identifie parmi les étapes les plus éprouvantes entre autres la campagne électorale municipale de 2021, durant laquelle elle craignait que se déroule le procès, et la décision à l’effet que la cause se tiendrait devant jury.