Voyage dans l'univers particulier de Tim Burton
Tim Burton a réussi le pari complexe de donner corps à l'univers fantastique du best-seller de Ransom Riggs. Le long-métrage Miss Peregrine et les enfants particuliers transporte le spectateur dans un monde pour le moins particulier grâce notamment au traitement de l'image qui jongle entre les codes de l'horreur et du fantastique, entre hier et aujourd'hui.
se croirait un peu devant le premier film d'Harry Potter qui dévoilait enfin le monde imaginé par J. K. Rowling. L'ouverture même rappelle la signature de la série avec les floues et les cartes appuyées par les cors et les instruments à vent.
On regarde le dernier film de Tim Burton avec curiosité et on découvre ce monde parallèle avec un certain magnétisme. Il s'agit d'un de ses films «épopée» dans lequel on s'investit comme spectateurs pour la survie des personnages qui gravitent en étroite relation.
On suit donc l'histoire de Jacob "Jake" Portman (Asa Butterfield) qui retourne sur une mystérieuse île au Pays de Galles fréquentée par son grand-père à la suite du décès de celui-ci. Le jeune homme fera faux bond à son père qui l'accompagne pour visiter l'orphelinat où son ancêtre avait séjourné en compagnie de pensionnaires aux multiples pouvoirs.
Il franchira alors une boucle temporelle près des ruines du manoir détruit le 3 septembre 1943 par des obus nazis et se retrouvera dans un univers où le temps s'est arrêté et où la journée recommence éternellement.
C'est dans cet univers marqué par l'immobilisme des années qu'il fera la connaissance de Miss Perigrine (Eva Green) et ses Enfants particuliers aux pouvoirs inusités. Il découvrira par le fait même que son existence est peut-être porteuse elle aussi de certains dons. Il sera alors appelé à venir en aide aux occupants du pensionnaire menacé par un occulte groupuscule mené par Barron (Samuel L. Jackson).
Facture visuelle
Au-delà du récit magnifique, ce qui étonne est la manière avec laquelle le réalisateur aidé d'une équipe technique chevronnée a été capable de rendre tangible l'intangible.
La fracture temporelle souvent rendue dans la cinématographie avec tant de clichés glisse ici comme si de rien n'était grâce notamment à la décoloration de l'image et à l'esthétisme visuel qui rappelle celle des films des années 30-40 avant la popularité du Technicolor. Le visuel devient alors presque monochrome et s'accole au caractère particulier des personnages représentés dans les codes vestimentaires de l'époque.
L'univers instauré par Tim Burton et le directeur photo Bruno Delbonnel (Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain et surprise! Harry Potter et le Prince de sang-mêlé) possède ce petit je-ne-sais-quoi qui capte l'œil. Que ce soit la beauté des lieux du manoir qui en fait un havre de paix, ou l'inquiétante brunante de l'île, le spectateur balance constamment entre les deux mondes et dynamise l'histoire.
Horreur fantastique
Miss Perigrine et les enfants particuliers< présente en douceur une certaine vision d'horreur accolée à celle d'un monde enchanté. Cette collision entre les deux visions chamboule les perceptions et réussit à créer un sentiment du «bizarre».
C'est sur cet aspect du non conventionnel que joue le film qui n'est ni un film d'épouvante, ni un film uniquement fantastique. À noter que l'utilisation du monochrome permet de mettre en évidence certains éléments troublants comme les deux jumeaux qui peuvent faire faire quelques cauchemars aux plus petits.
Le film est ailleurs classé 13 ans et plus avec raison. Certaines images ou des personnages peuvent marquer les jeunes esprits. Malgré quelques moments, le long-métrage ne fait que frôler l'inconfort et les personnages deviennent rapidement attachants et lumineux.