TÉMOIGNAGE. Sept ans après que la terre se soit mise à trembler en Haïti, causant la mort de plus de 230 000 personnes, les souvenirs sont encore douloureux pour deux résidents de Longueuil qui désirent que leur pays d’origine puisse enfin se relever et se stabiliser politiquement.

Le 12 janvier 2010, à 16h54, Wadner Isidor se trouvait à Port-au-Prince, dans la salle de classes de l’école où il enseignait le journalisme.

«J’ai commencé à sentir les vibrations. Mon seul réflexe a été de quitter la salle, puis l’immeuble. Dans l’escalier, le béton s’effritait sous mes pieds et je commençais à voir l’armature. J’ai dû faire un saut de 7 mètres et j’ai subi un choc lombaire», raconte celui qui a vu périr sept de ses étudiants au milieu des décombres.

Vision d’horreur

James Osne étudiait chez lui, à Delmas, lorsque les premières secousses ont débuté. Heureusement, la maison où il habitait ne s’est jamais effondrée. Mais à l’extérieur, c’était l’horreur. Il parvient encore difficilement à expliquer la scène qui se déroulait sous ses yeux.

«J’ai vu des gens sous les décombres. J’étais effondré, je me demandais si c’était la fin du monde. Je marchais dans la rue et je devais passer par-dessus des cadavres. Les autorités étaient dépassées par les événements. On n’était pas préparés et c’est pourquoi on a eu tant de morts», détaille-t-il.

«C’était un cauchemar, renchérit Wadner Isidor. Tout le monde était dans le déni, car on ne pouvait pas croire ce qui était arrivé. J’entendais des gens qui criaient “aidez-moi, aidez-moi”. Il y en a qui appelaient à Dieu.»

De lourdes pertes

Wadner Isidor, qui, en plus de ses sept étudiants, a aussi perdu plusieurs de ses collègues de travail, remercie la vie d’avoir pu retrouver tous les membres de sa famille sains et saufs.

James Osne n’a pas eu cette chance; trois de ses cousines sont décédées dans le séisme. «Une cousine avec qui j’ai grandi est morte chez elle. C’est le coup le plus dur que j’ai eu, car on était des amis. J’ai aussi perdu une amie de l’Université. Ces personnes me sont chères et je ne pourrai jamais les oublier», se remémore-t-il, l’air dévasté.

Dans les semaines qui ont suivi l’événement, James Osne et plusieurs de ses confrères et consœurs refusaient de dormir dans leurs maisons même si ces dernières avaient résisté au tremblement de terre. Ce ne sont donc pas que les sinistrés qui dormaient sous les tentes.

«J’ai consulté un psychologue. Je me demandais si le ciel n’allait pas nous tomber sur la tête et comment j’allais mourir. Il m’a dit que le mieux à faire, c’était d’accepter [qu’on va tous mourir]», révèle-t-il.

Thérapie par le rire

Dès le lendemain du séisme, la station de radio Caraïbes FM lançait une nouvelle émission consacrée à… la rigolothérapie! Une initiative que Wadner Isidor salue bien haut.

«Beaucoup de gens se sont révélés comme artistes après le séisme. On avait installé des tentes à l’extérieur de la station et on avait tourné cette émission», se rappelle-t-il fièrement.

Selon lui, ce projet est l’exemple parfait pour illustrer un peuple «qui est façonné à se résigner. Les gens reprennent leurs activités et on retrouve le sourire et notre joie de vivre».

Résilience et résignation

Sept années se sont écoulées et il n’est pas rare d’entendre ou de lire dans les médias que le pays ne s’est toujours pas relevé depuis cette tragédie. Bien qu’il n’hésite pas à blâmer le gouvernement pour son incapacité à gérer les situations d’urgence, comme celle qu’a provoqué le passage de l’ouragan Matthew en octobre dernier, M. Osne voue une profonde admiration pour son peuple.

«Je pense que nous nous sommes relevés car le peuple haïtien est un peuple fort. Dans des conditions difficiles, les gens sont debout. Nous sommes un peuple résilient. C’est peut-être une bonne chose ou une mauvaise. Mais l’État ne fait rien pour nous», déplore-t-il.

Wadner Isidor ajoute qu’au-delà des catastrophes naturelles qui se sont abattues sur le pays, la classe politique n’a pas réussi jusqu’à présent à assumer son rôle.

«Les élus en place n’ont pas forcément des plans pour le développement du pays. On est en panne de vision. Il nous faut un plan global, un plan d’aménagement, des programmes de formation», énumère-t-il.

Si l’État faillit à répondre aux besoins les plus primaires de sa population, pour M. Osne, une chose est certaine. «L’avenir d’Haïti, c’est à nous et pour nous. On doit s’organiser, on doit se mettre ensemble», conclut-il avec optimisme.