«Est-ce que c’est si pire que ça à ton école? J’espère que non», lance une mère à ses deux adolescents en sortant de la salle. S’il y a un mérite à donner au premier film de Yan England, c’est la sensibilisation massive qu’aura 1:54 dans l’univers des jeunes et des parents.

Car personne ne veut chausser les souliers de Tim (Antoine Olivier Pilon), cet ado devenu la cible de moqueries et d’intimidation à son école secondaire. On le retrouve d’ailleurs à sa cinquième année en compagnie de son meilleur ami (Robert Naylor).

Pourchassé et en colère, ce dernier révélera ses amours haut et fort dans la cour d’école. La déclaration lui vaudra alors de nombreuses persécutions additionnelles qui le conduiront vers un funeste destin.

Tim tentera de venger la mort de son ami en confrontant Jeff (Lou-Pascal Tremblay), son collègue de classe à l’origine de l’intimidation. C’est sur la piste de course que le duel s’effectuera alors que celui qui reprend la pratique après cinq ans d’absence tentera de prendre la place de Jeff à la compétition nationale.

Les actes d’intimidation s’amplifient au rythme où le chronomètre rapproche le temps des deux coureurs. Aidé de son amie (Sophie Nélisse), Tim continue l’entraînement coûte que coûte dans le but d’atteindre le temps de 1minute et 54 secondes qui lui vaudra la première place au 800 mètres.

Sport

Il est toujours bon d’asseoir un récit d’adolescents dans un sport. On n’a qu’à penser à À vos marques… party! ou les innombrables films américains portant sur les réalités de cette tranche d’âge.

Lui-même entraîneur en natation depuis des années, Yan England maîtrise parfaitement la compétitivité et l’ambiance entourant les clubs sportifs. Cet apport à l’histoire d’intimidation lui confère une grande crédibilité.

Filmées en caméra à l’épaule, les scènes de course parlent énormément et portent en elles la colère et la détermination de Tim. On est complètement en appui au personnage et on souhaite vraiment qu’il arrive le premier au fil d’arrivée, comme si la justice sociale en dépendait.

Premier film

1:54 est un film honnête, tourné avec une certaine maîtrise. Conventionnel dans le langage filmique, le premier long-métrage de Yan England est adapté à toutes les générations, ce qui fait de lui un bel ambassadeur contre ce fléau très présent à l’ère des médias sociaux.

Il pourrait s’agir du dernier film d’Antoine Olivier Pilon en adolescent torturé. L’acteur qu’on a interné dans Mommy et crucifié dans le sublime College Boy d’Indochine souhaite maintenant changer de créneau et diversifier ses rôles, à l’image de celui dans Nitro Rush.

Si Lou-Pascal Tremblay se révèle être un acteur au talent brut, Sophie Nélisse propose un personnage parfois inégal. Le choix de Patrice Godin, lui-même ultra marathonien, pour incarner l’entraîneur est judicieux. Il propose un personnage très crédible de par son intransigeance athlétique et la compassion pour son élève.

Yan England

Yan England est probablement la meilleure personne du milieu artistique québécois pour prendre sur ces épaules la charge sociale de ce message. Aimé des jeunes pour avoir été dans leurs émissions favorites, il a non seulement leur écoute, mais il les a également écoutés pendant des années.

Ce lien transparaît dans le film, puisque le scénario qu’il a écrit est vrai, sans flaflas, bien qu’il contienne quelques clichés qu’on aurait balancés volontiers.

L’acteur et réalisateur m’avait confié en 2013 sur une plage de Santa Monica, la veille des Oscars où il était en nomination pour son court-métrage Henry, qu’il planchait sur un long-métrage. Il souhaitait le réaliser prochainement.

Il a tout misé en allégeant son horaire de comédien pour tourner 1:54. Non seulement ça a fonctionné, mais il a pris cette occasion pour sensibiliser les gens à une réalité pour le bien des jeunes. C’est ce qui fait de 1:54 un noble succès.

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