Octobre, de Pierre Falardeau, est l’un des rares sinon le seul film politique qui s’attarde sur le «pourquoi» et non le «comment» des événements de la crise d’Octobre de 1970, croit Mireille La France, spécialiste de l’œuvre du cinéaste. Ce film, qui relate l’enlèvement de Pierre Laporte par la cellule Chénier du FLQ, s’avère, à ses yeux, le plus grand et le plus achevé de Falardeau.

«Ce qu’a voulu montrer Pierre dans son film, c’est ce qui a poussé quatre ti-culs — excusez l’expression — à faire ce qu’ils ont fait. Ils étaient prêts à tuer, ils étaient prêts à mourir pour la cause», expose l’auteure de Pierre Falardeau persiste et filme!

Le manque de financement n’a pas permis au réalisateur de s’épandre sur la contextualisation des événements. Toutefois, s’attarder sur les motivations des felquistes fait d’Octobre un film universel qui aurait pu voyager davantage, estime Mme La France, une amie proche du cinéaste, décédé il y a cinq ans. 

Octobre a cependant connu du succès au Québec, à sa sortie en septembre 1994. Il a été bien accueilli par la critique et le public, ayant même enregistré des profits. Il faut dire que le film était attendu: Falardeau se battait depuis 10 ans pour transposer au grand écran cet épisode de l’histoire du Québec.

« La censure qui ne se cache pas »

Après quatre ans à écrire le scénario en se basant notamment sur les enregistrements de ses entretiens hebdomadaires avec Francis Simard (l’un des quatre felquistes accusés du meurtre de Pierre Laporte), Falardeau a cherché un producteur. «Le trouble a commencé», affirme Mme LaFrance.

Du côté de l’Office national du film (ONF), «ils ont tremblé!», résume-t-elle. Ironiquement, le scénario a d’abord été accepté par un producteur anglophone au sein de l’institution ancêtre de la SODEC. Diverses embûches ont tout retardé et Falardeau a tourné un autre film entre temps. 

Mais la nouvelle personne en poste à l’organisme provincial, Charles Denis, s’est opposée farouchement à la production de ce film. Mme La France mentionne qu’«il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher que le film se fasse. Ç’a été retardé de deux trois ans».

Et comble de l’ironie, c’est du côté de Téléfilm Canada, un organisme fédéral, que Falardeau et la productrice Bernadette Payeur ont finalement trouvé du financement.

Alors que ce type de censure se trame dans l’ombre, un politicien est ouvertement intervenu pour mettre des bâtons dans les roues à ce projet. 

«Le sénateur Philippe Deane Gigantès a fait une sortie publique. Il mettait en garde: « il n’est pas question de faire un film sur des terroristes! Téléfilm ne doit pas financer ça! » C’est étonnant quand même, cette censure qui ne se cache pas! Comme si le rôle de Téléfilm était de donner des orientations politiques [à la production cinématographique]», souligne Mireille La France.

Deux cinéastes

Pierre Falardeau et Michel Brault sont les seuls cinéastes à avoir réalisé un film sur la crise d’octobre, tout comme sur la rébellion des Patriotes, rappelle Mme La France. 

En ce qui concerne les films sur les événements de 1970, «les points de vue sont extrêmement différents. Brault a parlé des victimes, peut-être parce qu’il nous perçoit ainsi. Et Falardeau a choisi le point de vue des combattants», nuance la spécialiste, rappelant que le cinéaste a toujours opté pour ce point de vue dans ses œuvres.