DANSE. À la douleur que j’ai porte la signature de la chorégraphe Virginie Brunelle: une gestuelle brute et dynamique qui «tranche l’espace et dessine des lignes de manière très vive». Un caractère plus posé s’est toutefois naturellement imposé pour incarner cette douleur liée au souvenir, à la nostalgie.

La douleur abstraite plutôt que la douleur vive, celle de l’absence de l’autre, du vide, de ce lien qui ne cède jamais véritablement avec l’autre. Voilà ce vers quoi Virginie Brunelle voulait puiser pour cette œuvre présentée la première fois en 2016 à l’Usine C.

«Je me suis aperçue que je suis quelqu’un d’assez nostalgique, comme beaucoup de gens. Il y a quelque chose de beau, mais aussi d’un peu douloureux là-dedans, dépendamment du souvenir. Je voulais partir de cette douleur, plus légère, et du voyage à travers tout ça.»

Dans cette pièce mettant en scène quatre danseuses et deux danseurs, les protagonistes se retrouvent face à eux-mêmes dans le passé, se revoient à un moment précis de leur vie. Le temps est altéré.

«C’est mon interprétation, nuance la chorégraphe. Il y a quelque chose de très poétique dans tout ça, que la danse peut créer.»

Avec cette idée du souvenir est venue celle de la photo – figée, forcément – qui porte les traces du temps, qui jaunit.

«On est arrivé avec quelque chose de plus posé. Ça nous a amenés dans le micro, près de l’immobilité, où le danseur peut se révéler sur le plan de la présence.»

L’allusion, dans le titre du spectacle, au poème de Nelligan Soir d’hiver est apparue en milieu de parcours. La chorégraphe a replongé dans cette lecture, qui figurait dans la bibliothèque familiale depuis son enfance.

«Nous voulions faire une ode; on lève notre verre à la douleur!» évoque celle qui a étudié la danse après un parcours en musique. Elle a bien songé à intégrer de la neige à la pièce, en écho au poème, «mais on s’est aperçu que c’était peut-être un peu trop».

La collaboration de la codirectrice artistique d’UBU Stéphanie Jasmin à la dramaturgie aura permis à Virginie Brunelle d’explorer davantage les thèmes et images créées dans cette cinquième oeuvre. Elle se plait toujours à susciter des images symboliques fortes, qui parlent d’elles-mêmes, dans une théâtralité intégrée aux mouvements.

«Dans mes autres pièces, j’avais un processus où je créais beaucoup de matériel et après, je faisais un collage, je choisissais les morceaux. Là, on a creusé dans les tableaux, exprime-t-elle. Stéphanie a une justesse incroyable sur le plan des mots. Elle posait les bons mots sur les images, permettant de créer plus de sens, de liant.»

À la douleur que j’ai marque une distinction avec les autres pièces de Virginie Brunelle. Une nouvelle maturité s’en dégage, note celle qui a fondé sa compagnie de danse il y a 10 ans.

«Il y a un lâcher prise sur le flamboyant, sur la tendance à être dans le physique, l’impressionnant à la limite, analyse-t-elle. Mais des fois, ça me manque un peu, ce côté naïf. Alors pour la prochaine pièce, je vais probablement combiner un peu de tout ça.»

À la douleur que j’ai est présentée au Théâtre de la Ville le 21 février.