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Cancer chez les aînés : des soins personnalisés et un bilan important pour diminuer les effets secondaires 

Il y a 2 heures
Modifié à 17 h 04 min le 25 octobre 2024
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Martine Extermann et Dominique Tremblay. (Photo : gracieuseté)

Toute personne de 70 ans et plus qui consulte un oncologue devrait passer un bilan gériatrique, selon Dr Martine Extermann, professeur d’oncologie médicale au Centre de cancer Moffitt, à Tampa. Entre autres avantages, cette série d’examens médicaux dressant l’état de santé physique, psychique et fonctionnelle du patient diminue les effets secondaires du traitement oncologique.

«On a des études randomisées [protocole expérimental] qui ont prouvé que l’on diminue les effets secondaires du traitement oncologique par un bon bilan gériatrique avec des interventions concomitantes», affirme la Dre Extermann, en marge des Entretiens Jacques-Cartier, tenus au campus Longueuil de l’Université de Sherbrooke, le 16 octobre. Le colloque réunissant experts de la France et du Québec portait spécifiquement sur les meilleurs pratiques pour traiter les aînés atteints d’un cancer

Depuis la fin des années 90, il est plus clair que ces bilans permettent de détecter des problèmes qui auraient autrement passé sous le radar. «Ces problèmes influençaient le pronostic du cancer et la tolérance au traitement», indique la Dre Extermann, qui dirige le premier programme d’oncologie gériatrique créé aux États-Unis.

C’est à la lumière de ces récentes découvertes que la spécialiste en vient ainsi à cette «vision» selon laquelle le bilan gériatrique devrait être systématique pour les patients en oncologie âgés de 70 ans et plus. «Le problème est de l’appliquer concrètement», affirme-t-elle toutefois.

«Maintenant, avec les connaissances qu’on a, on prend le temps de bien évaluer et de déterminer le bon traitement, pour la bonne situation et la bonne personne, renchérit Dominique Tremblay, titulaire d’une chaire de recherche sur qualité et la sécurité des soins aux personnes touchées par le cancer. C’est très personnalisé, comme intervention.»

Elle constate que cette sensibilité à détecter la situation de la personne, tant à l’égard de son autonomie que de sa capacité à absorber le traitement, était moins forte il y a une vingtaine d’années. 

«Souvent, des cliniciens disaient :  cette personne âgée a l’air bien en forme, je vais lui donner le traitement comme tout autre adulte. Ou, on voyait une personne fragile, on lui donnait un traitement moins intense, même si elle aurait pu en tolérer plus», illustre Mme Tremblay, aussi chercheure à l’Université de Sherbrooke et directrice scientifique du Centre de recherche Charles-Le Moyne.


Plus de la moitié des personnes touchées par le cancer (53%) sont des personnes âgées de 65 ans et plus.
 

Tenir compte de la globalité du patient, d’un point de vue éthique, implique sa propre volonté et son libre arbitre. «On va les amener à faire le meilleur choix, pour eux et leur proche. Ça prend du temps, mais on a des données qui montrent que ce sont des investissements et qu’on va diminuer le fardeau de la toxicité des médicaments et le fardeau financier, en tenant compte de l’ensemble de la personne, pour qu’elle fasse le meilleur choix pour elle-même.»

Un bilan gériatrique s’avère nécessaire particulièrement chez les patients plus âgés, car d’un point de vue physiologique, il y a plus de différences entre les individus de ce groupe d’âge que chez les plus jeunes. 

«Plus nous vieillissons, plus nous devenons divers. Certains vieillissent en santé, d’autres avec des problèmes de santé. Donc, il y a un moment où la population devient suffisamment diverse qu’il faille faire une évaluation formelle du patient, sur les plans physiologique, psychologique, du soutien social, de sorte que le traitement soit offert de façon pointue.»

« Ça vaut la peine »

Les deux chercheuses insistent sur la pertinence pour une personne atteinte d’un cancer de consulter un oncologue, peu importe son âge.

«Ça vaut la peine de s’en occuper et de considérer qu’il y a une période de survivance au cancer. C’est important qu’une personne aînée ne se dise pas : "Ça ne vaut pas la peine", alors qu’on a une kyrielle de possibilités qui s’offrent à elle», relève la professeure Dominique Tremblay.

Si une personne âgée ne veut pas subir de traitement agressif, d’autres peuvent néanmoins soulager les symptômes d’un cancer de meilleure façon que de simples médicaments contre la douleur. 

Selon la Dre Extermann, il faut changer la vision de société selon laquelle une personne âgée ne serait pas systématiquement traitée pour un cancer, au même titre qu’elle le serait pour un problème cardiaque, par exemple. 

D’autant plus que l’espérance de vie augmente, et qu’elle augmente plus l’on vieillit.

«L’espérance de vie à la naissance est le chiffre que tout le monde connait : 78-80 ans… Mais quand une personne qui réussit à vivre à cet âge, elle a une espérance de vie plus longue : une personne de 75 ans a 40% de chance de vivre passé l’âge de 90 ans.»

À cela s’ajoute le fait que la retraite constitue une troisième phase de la vie, où les gens sont toujours actifs. 

«Les baby-boomers commencent à prendre la retraite et ça va changer la façon dont on voit le vieillissement, car les baby-boomers ont toujours eu ce qu’ils voulaient! lance la Dre Extermann, qui joue plusieurs rôles au sein de la Société internationale en oncologie gériatrique. Alors, ils voudront continuer à faire des croisières, être actifs auprès sur le plan social, engagés... C’est notre vision de société des soins de personnes âgées qui va changer.»