JUSTICE. Carole Thomas, cette femme qui avait virulemment critiqué la police de Longueuil après avoir été prétendument violée en octobre 2014, a finalement avoué que son histoire était inventée de toute pièce. Elle a même offert des excuses publiques au corps policier.
L’accusée avait de la difficulté à retenir ses larmes hier, au palais de justice de Longueuil, pendant que la procureure de la Couronne relatait comment elle avait menti aux policiers et même falsifié les résultats de son examen médico-légal afin d’obtenir une indemnisation destinée aux victimes d’actes criminels (IVAC).
Rappelons que Thomas avait porté plainte à la police le 21 octobre 2014 parce qu’elle affirmait avoir été violée la veille, à sa sortie de l’Institut de théologie pour la francophonie, sur la rue du Parc-Industriel. Le soir même, la jeune Jenique Dalcourt était assassinée sur une piste cyclable à quelques centaines de mètres de là.
Mécontente de l’avancement de l’enquête, Thomas a contacté les médias en février 2015. Elle a alors vertement critiqué le travail des policiers, nommant plusieurs enquêteurs et leur lançant des insultes.
À partir de ce moment, son histoire a été irrémédiablement liée à celle de Jenique Dalcourt. Selon la Couronne, Thomas aurait même affirmé au père de Jenique que les deux événements pourraient être liés au même suspect.
Des éléments qui clochent
Selon les faits relatés par la procureure de la Couronne, Me Julie Laborde, les enquêteurs du Service de police de l’Agglomération de Longueuil (SPAL) ont rapidement décelé des problèmes avec la plainte de Carole Thomas. Dès le 21 octobre, lorsqu’ils sont allés sur la scène du «crime», le site ne correspondait pas tout à fait à la description faite par la plaignante. Plus tard, certaines affirmations ont été contredites par les personnes interviewées par le SPAL.
En 2015, les enquêteurs ont mis la main sur le registre de ses appels téléphoniques. Les appels logés le soir du 20 octobre montrent qu’elle n’était même pas à Longueuil à ce moment et ne pouvait donc pas avoir été violée sur la rue du Parc-Industriel.
Thomas a été interrogée pendant plus d’une heure en avril 2016. Elle aurait alors avoué qu’elle n’a jamais été violée, même si elle continuait d’affirmer le contraire aux médias qui lui posaient la question.
Hier, elle s’est finalement reconnue coupable de méfait pour avoir amené les policiers à entamer une enquête alors qu’aucun crime n’a été commis. Elle s’est également reconnue coupable de fabrication et d’utilisation d’un faux document.
Excuses publiques
Les allégations lancées par Carole Thomas ont durement affecté le SPAL et les policiers impliqués dans l’affaire. En plus de l’enquête interne du corps policier, le ministère de la Sécurité publique a lancé sa propre enquête à la demande de la mairesse de Longueuil, Caroline St-Hilaire. Thomas a également déposé une plainte en déontologie policière.
De plus, cette histoire s’est mêlée aux déboires de l’enquête sur le meurtre de Jenique Dalcourt, pour laquelle le SPAL a essuyé de nombreuses critiques.
Le sergent-détective David Lelièvre et la Fraternité des policiers de Longueuil ont d’ailleurs déposé une poursuite contre Carole Thomas pour ses propos. Cette poursuite a été retirée en échange d’excuses publiques rendues aujourd’hui par le biais d’une lettre transmise aux médias.
«Je reconnais que ces propos allaient au-delà de la simple critique du travail policier et portaient atteinte à votre dignité. Je vous présente donc toutes mes excuses», lit-on dans la lettre.
Des conséquences pour les vraies victimes
Les parties ont déposé une suggestion commune de 15 mois de détention dans la communauté pour Carole Thomas, dont 5 mois assignés à résidence 24 heures sur 24.
La défense a plaidé que le processus judiciaire et les conséquences sur sa vie personnelle ont été fortement dissuasifs pour l’accusée, qui a perdu son emploi et vie maintenant au Nouveau-Brunswick. Me Julie Laborde a toutefois répliqué que Thomas «est l’architecte de son propre malheur».
«Les victimes de son geste, ce sont toutes les autres victimes d’agressions sexuelles qui vont vivre de la stigmatisation à cause de ce qu’elle a fait», a-t-elle ajouté.
Les partis se sont aussi entendus pour que Carole Thomas consulte un spécialiste pour savoir si elle souffre de troubles mentaux.
La juge a pris le dossier en délibéré et décidera le 28 octobre si elle entérine la décision des parties.
Avec la collaboration de Jos Morabito.

