Actualités

Longueuil : il doit renoncer à ses pigeons voyageurs

Il y a 15 heures
Modifié à 9 h 29 min le 05 mars 2025
Par Ali Dostie

adostie@gravitemedia.com

Dans sa décision rendue le 6 février, le juge Pierre-Armand Tremblay a déclaré le citoyen coupable de l’infraction. (Photo : WikimediaCommons)

En cour trois fois plutôt qu’une en raison de son élevage de pigeons voyageurs, le Longueuillois Boyko Atanassov doit se résigner à se départir de la majorité de ses oiseaux. La Cour municipale a tranché que le règlement municipal selon lequel il est interdit d’être le gardien de plus de 5 animaux à la fois devait être appliqué. 

Dans sa décision rendue le 6 février, le juge Pierre-Armand Tremblay a déclaré le citoyen coupable de l’infraction et l’a condamné à payer l’amende minimale prévue au règlement, ainsi que les frais applicables.

Au moment où la décision a été rendue, M. Atanassov comptait 34 pigeons, hébergés dans un colombier installé dans sa cour de l’arr. de Saint-Hubert. Il doit s’en départir, à l’exception de 5 bêtes, dans un délai de 30 jours suivant le jugement. 

«Je ne suis pas content, pas content du tout», a t-il exprimé à propos de cette décision.

Le colombier de M. Atanassov (Photo : gracieuseté)

M. Atanassov élève des pigeons depuis l’âge de six ans. Hormis au cours des dernières années, il les élevait pour participer à des courses. Il a participé à des tournois et concours de vitesse et d’orientation avec d’autres éleveurs. Il est d’ailleurs membre du Club Jacques-Cartier, qui compte plus d’une vingtaine d’adeptes de colombophilie sur la Rive-Sud. 

«Je les aime, c’est un hobby. Et les courses, ça demande beaucoup de préparation, beaucoup de soins. Il faut changer la nourriture selon la période de l’année…» a-t-il détaillé, visiblement déçu de la tournure des événements.

Le citoyen déplore l’insistance et l’«agressivité» de la Ville de Longueuil dans ses démarches contre lui, qui ont débuté en 2018. Dès une première visite d’un policier, on lui a remis un constat d’infraction, sans avertissement. Il a appris qu’une plainte avait été déposée par une voisine. 

Il tentera de vendre ses pigeons en trop, sinon de les donner. «Si ça ne marche pas, je vais devoir les abattre», se résignait-il, lors de son entervue au Courrier du Sud

Les démêlés judiciaires qui s’en sont suivis ont occasionné des dépenses de l’ordre de 30 000$. Boyko Atanassov a été en partie soutenu par le Club Jacques-Cartier.

Jugements

Rappelons que de 2018 à 2020, le citoyen avait reçu plusieurs constats d’infraction en lien avec l’article du règlement municipal indiquant qu’«il est interdit de garder, maintenir ou posséder un pigeon voyageur, de fantaisie ou autre».

En fait, la Ville confirme avoir donné six constats d’infraction depuis 2018 concernant la possession de pigeons de M. Atanassov. Elle dit aussi ne pouvoir préciser le nombre de plaintes reçues «puisqu’elles peuvent être faites par plusieurs canaux».

L’élevage a fait l’objet d’un procès ayant traité cinq poursuites engagées contre M. Atanassov. En décembre 2020, un arrêt de procédure a été prononcé, car les pigeons voyageurs ne pouvaient être considérés comme une nuisance. Le règlement confondant toutes catégories de pigeons et les considérant comme une nuisance était «déraisonnable», selon le jugement. 

M. Atanassov possédait à ce moment environ 70 pigeons. 

La Ville de Longueuil avait par la suite fait une demande en appel pour faire infirmer cette décision, ce qui a été rejeté par la Cour supérieure en janvier 2022. 

Quelques mois plus tard, la Ville a récidivé, reprochant cette fois au Longueuillois de posséder plus de cinq animaux sur son terrain. 

Le jugement du 6 février visait à déterminer si, par la décision rendue en 2020, la cour avait implicitement tranché que le citoyen pouvait posséder plus de cinq pigeons. 

«Or, la question en litige dans la poursuite #1 n’a jamais pu avoir pour effet de lui donner une telle portée. Au contraire, le Tribunal reconnaissait la possibilité que l’activité puisse être restreinte par d’autres dispositions règlementaires, mais n’a jamais tranché cette question», a conclu le juge Tremblay.

« Intolérance »

Camille Menier, membre du Club Jacques-Cartier et archiviste de la Fédération colombophile du Québec, s’est impliqué auprès de M. Atanassov au cours des dernières années. Il a d’ailleurs témoigné comme expert en la matière, pour démontrer que les pigeons voyageurs n’étaient pas une nuisance.

À ses yeux, «une intolérance générale est la cause profonde» de toute cette affaire. 

«Si on laisse tomber les pigeons voyageurs, c’est la liberté fondamentale des individus qu’on laisse tomber», n’a pas hésité à affirmer l’homme qui réside à Saint-Constant. 

Selon lui, le règlement interdisant la possession de plus de cinq animaux a été créé davantage en référence aux chats et au chiens, pas aux oiseaux.

Ce passionné de colombophilie détient actuellement 35 pigeons. «C’est peu», a-t-il dit, alors qu’il a déjà possédé le double, pouvant atteindre même la centaine, l’été.

À ses yeux, c’est une erreur d’interdire les colombiers, considérant le rôle important des pigeons voyageurs dans les communications lors de conflits comme la Deuxième Guerre mondiale. «J’espère que nous aurons plus à les utiliser, qu’il n’y aura pas de conflit. Mais nous devons être prêts. Ça prend des années à élever», a-t-il relevé.

Si une telle pratique peut sembler anachronique, il demeure que l’élevage de pigeons voyageurs gagne en popularité en Chine, a rapporté en 2020 le Courrier international. Au cours des dernières années, la Chine aurait élevé pas moins de 10 000 pigeons voyageurs. 

 

Comment coursent les pigeons ?

Âgé de 80 ans, Camille Menier ne fait plus courser les pigeons, mais il l’a fait pendant des dizaines d’années. Il explique avec passion cette pratique. «Il faut d’abord les préparer, et les sélectionner, pour choisir les pigeons aptes à revenir dans le bon temps.» 

Les heureux élus sont ensuite amenés au club de course de pigeons voyageurs, enregistrés, puis affublés d’une bague, qui permettra de noter leur position. Ils sont ensuite transportés à un point de départ, tel que Toronto, donne en exemple M. Menier.

Si tous les pigeons partent du même endroit, ils retournent chacun à leur colombier. Un pigeon vole en moyenne à 72 km/h.  Grâce à la bague, il est possible de déterminer le temps précis du parcours. Les pigeons seront ensuite classés selon leur résultat.

L’hiver, les pigeons demeurent dans leur colombier, où ils sont nourris et où «ils font leur vie normale», exprime M. Menier. 

L’été, il peut y avoir une volée quotidienne. «Même si les pigeons voyageurs ne sont pas dommageables, on ne les laisserait pas sortir en même temps que le voisin qui prend un repas dehors. On ne fait pas exprès quand même!», lance-t-il amusé.