Dans un monde d’instantanéité, Gabriel Gaudreault a trouvé tout un moyen pour montrer à ses étudiants la valeur de l’effort et de la persévérance. Il s’est donné le défi de courir 120 kilomètres en 4 jours. Dans le désert. En autosuffisance. «Tu aurais pu juste dire à tes étudiants ta philosophie!» plaisantent certains de ses amis.

Enseignant en informatique au cégep Édouard-Montpetit, Gabriel Gaudreault témoigne de ce qu’il appelle une tendance «sournoise» vers la facilité pour les étudiants.

«En informatique on a souvent besoin de la capacité de logique ou de déduction. Mais ces capacités-là, je les ai vues s’amoindrir et devenir de plus en plus difficiles avec le temps. Je remarque aussi que les étudiants ont besoin de plus en plus d’une procédure», explique-t-il.

Mais son rôle de professeur, il lui tient à cœur et croit que le métier vient avec des responsabilités. Notamment, celle de donner l’exemple.

Dans le désert de la Turquie

Certes, quand l’algorithme des réseaux sociaux l’a introduit au Marathon des sables, l’enseignant n’a pas immédiatement pensé à sa classe.

«Je me suis dit : wow, c’est dont ben cool!» explique ce passionné de course, qui se surnomme le prof aux jambes de feu.

C’est dans ce décor que Gabriel Gaudreault tentera de courir 120 kilomètres. (Photo : Shutterstock)

De fil en aiguille, l’idée d’aller courir 120 kilomètres dans le désert à Cappadoce en Turquie a germé. Avec le soutien de sa conjointe, il s’est officiellement inscrit au printemps 2025 pour la course de juin 2026.

Et le défi n’est pas mince. La première journée du défi, il doit courir 30 kilomètres. La deuxième journée, c’est 60 kilomètres. La troisième journée est dédiée au repos et il complète les 30 derniers kilomètres le dernier jour.

La température oscille entre 30 et 35 degrés dans le désert, les participants dorment dans des bivouacs, soit des petites tentes, et ils doivent transporter leur sac de couchage, leur nourriture et l’eau durant la course. «Plein d’amis me trouvent un peu cinglé», admet-il en riant.

Le secret du bonheur

En repensant à sa classe, Gabriel Gaudreault trouve que le défi est d’ailleurs arrivé dans sa vie à un drôle de moment, où il se questionne beaucoup sur l’arrivée de nombreuses technologies comme l’intelligence artificielle ou le téléphone intelligent. «Tout est intelligent», résume-t-il.

«Je suis un peu déchiré en dedans parce qu’une partie de moi est fascinée par les technologies. Christi, je l’enseigne! Mais une autre partie s’inquiète beaucoup de ce que je vois parce que j’ai l’impression qu’on vend de l’instantanéité au détriment de l’effort et la persévérance», observe le professeur.

«Je crois que le développement et le véritable accomplissement se cachent dans l’inconfort volontaire.»

– Gabriel Gaudreault, enseignant au cégep Édouard-Montpetit

Celui-ci déplore notamment qu’on ne se donne pas assez le temps d’explorer au-delà de l’immédiat.

«Mais parfois, le beau et l’intéressant se cachent plus loin, quand on se donne la peine de découvrir. C’est valide en classe, mais c’est valide aussi dans la vie de tous les jours. Le marathon des sables, c’est l’image de tout ça je trouve. C’est un peu moi qui donne l’exemple de ce que j’aimerais voir, mais pas juste en condition physique. Je pourrais prendre ça et faire l’analogie avec un diplôme d’études collégiales ou de monter les échelons en entreprise», soutient-il.

«Ce que je vois, c’est un désintérêt pour le long terme, de s’appliquer pendant x temps et d’arriver à son objectif. Et pourtant, à mon avis, il est un petit peu là le secret du bonheur», philosophe l’enseignant.

La course, médicament pour le mental

La course est arrivée dans la vie de Gabriel Gaudreault comme un remède pour sa santé mentale.

«J’en avais besoin. J’étais quelqu’un de très stressé, très anxieux. Une personne m’a dit : va bouger, va évacuer! Alors j’ai commencé à courir. La première fois, j’ai couru 300 mètres et j’avais le goût de mourir! Mais c’est le feeling que j’ai découvert après, j’ai senti l’endorphine embarquer, c’était un effet calmant automatique. On dirait que t’es trop fatigué pour être stressé», image-t-il.

Depuis, l’enseignant n’a jamais arrêté. Il n’a jamais fait de marathon, mais a couru plusieurs demi-marathons.

Il reconnait cependant l’ampleur du défi qui l’attend en Turquie, alors qu’en plus de la chaleur et du sac à dos à transporter, le désert présente un certain dénivelé.

«À la fin, il y a une remise de prix, mais je n’en ferai pas partie! Je pense que 95% des participants sont là pour réussir l’épreuve, traverser l’arrivée, devenir ce que j’appelle un finisher.» 

«Parfois, quand j’ouvre la porte pour aller courir, tout mon intérieur me crie d’aller sur le sofa!» admet Gabriel Gaudreault, qui s’entraîne peu importe les conditions extérieures. (Photo : gracieuseté)

Pourquoi le prof aux jambes de feu?

Gabriel Gaudreault explique comment il s’est lui-même trouvé le surnom «le prof aux jambes de feu» :

«Beaucoup de personnalités ont des surnoms, je pense au Pharmachien par exemple et je trouvais ça cool de me trouver un surnom comme ça, mais sans me prendre trop au sérieux. Alors je me suis dit : pourquoi pas le prof aux jambes de feu, parce que j’ai tout le temps les jambes en feu depuis que je cours! Et en même temps, ça souligne le fait que je suis un prof et que j’ai un devoir qui vient avec ça.»