Maltraitance : les RPA dans la mire d’une chercheuse
Une étude alarmante, réalisée par la chercheuse Mélanie Couture, titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées de l’Université de Sherbrooke, met en lumière des témoignages de résidents et de personnes proches aidantes (PPA) sur des cas de maltraitance en RPA perpétrés par les propriétaires, gestionnaires et les employés.
Cette étude qualitative descriptive concernant les RPA de l’agglomération de Longueuil démontre que la maltraitance s’exprime par des soins omis ou inadéquats, des engagements non respectés, la non-reconnaissance des besoins des résidents ainsi que des représailles de la part des gestionnaires lorsqu’ils osent se plaindre.
Parmi les conclusions de l’étude, il appert que les résidents en RPA sont plus nombreux à vivre de la maltraitance matérielle et financière que les personnes de 65 ans et plus vivant en maison unifamiliale, intergénérationnelle ou en condo.
Par ailleurs, des études ont démontré qu’un grand nombre de baux de résidences privés pour aînés contenaient une ou plusieurs clauses illégales et/ou non conformes.
Enfin, selon le protecteur du citoyen : « […] certaines RPA refusent de suivre les normes applicables à leur mission.
«On ne parle pas ici d’employés incompétents mais de système», précise la chercheuse au Courrier du Sud juste avant la présentation de son travail ce 22 avril aux Habitations Paul-Pratt de Longueuil.
Comité droits des aînés
Déjà en 2017, conscients et alarmés par les situations vécues par plusieurs résidents en RPA, des acteurs du milieu communautaire se sont regroupés afin de créer le Comité droits des aîné(e)s en résidences privées de l’agglomération de Longueuil, y compris les Habitations Paul-Pratt. En 2018, ce comité a mis en place un projet de recherche visant à décrire les situations de maltraitance.
«Notre recension des écrits scientifiques à travers le monde a démontré un manque flagrant de données sur la maltraitance alors que nous entendons parler de cas de la part des intervenants et aussi dans les médias, explique Mme Couture. Il est crucial de comprendre les dynamiques complexes qui sous-tendent ces situations et d'agir en conséquence pour garantir un environnement sûr et respectueux pour nos aînés, qui méritent tout notre respect et notre protection.»
Au Québec, on compte quelque 180 000 personnes vivant en RPA. Et avec le vieillissement de la population, ce nombre est voué à augmenter pour encore plusieurs années. «Les RPA sont des compagnies privées qui doivent faire des profits. Quand les profits ne sont plus au rendez-vous, certaines n’hésitent pas à fermer», signale Mme Couture.
«Malgré les rappels des CISSS ou CIUSSS responsables de leur certification, ces derniers hésitent à sanctionner des résidences fautives, principalement par manque de ressources et par volonté de maintenir celles qui existent», soutient Mme Couture.
«Il y a aussi plusieurs cas de résidents qui refusent de se plaindre par peur de représailles, ajoute la chercheuse. Dans certains cas, on blâme la personne et on la fait sentir coupable. Parfois aussi, on l’isole en demandant au personnel de ne plus lui adresser la parole. Il y a tout un jeu psychologique qui se joue. »
Mesures proposées
Face à ces constatations préoccupantes, l’étude propose plusieurs mesures pour soutenir les résidents et leurs proches, dont le financement adéquat d'autres types d'habitations pour les aînés, principalement dans le contexte de pénurie de logements, notamment les OBNL et les coopératives d'habitations.
L’étude prône aussi l’application des sanctions prévues par la Loi 6.3 contre les établissements fautifs.
Cette loi prévoit des mesures visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité, notamment en imposant à tout établissement l’obligation d’adopter et de mettre en œuvre une politique de lutte contre la maltraitance envers ces personnes, en facilitant le signalement des cas de maltraitance ainsi qu’en mettant en place un processus d’intervention concernant la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.
Du côté des RPA, l’étude recommande, entre autres, la création et le soutien des comités de milieux de vie indépendants qui joueraient un rôle dans l’identification des besoins des résidents et le suivi des situations potentielles de maltraitance. «Dans certaines RPA, on ne veut pas que les gens se regroupent car en se regroupant, ils réalisent qu’ils ne sont pas les seuls à vivre tel ou tel problème», de conclure Mme Couture.
Pour sa part, le côté le Comité droits des aîné(e)s en résidences privées de l’agglomération de Longueuil appelle à une action concertée de la part des autorités, des organismes de soutien et de la société dans son ensemble. «La maltraitance envers les aînés dans les RPA inacceptable et demande une action immédiate. Nous sommes déterminés à faire entendre la voix des résidents et à œuvrer pour leur sécurité et leur bien-être», ajoute Marco Monzon.