Pollution des avions : « C’est un sujet fondamental, mais personne ne veut en parler » – la Coalition
Même si les Embraer E192-E2 de Porter Airlines sont parmi les avions «les plus économes en carburant sur le marché» selon le MET, émettant la moitié du CO2 que produit un Airbus 330, la Coalition Halte-Air Saint-Hubert s’inquiète fortement de la pollution atmosphérique générée par les activités de l’aéroport, notamment à cause de l’émission de particules ultrafines.
Elle cite entre autres l’étude de l’Université McGill, publiée à l’été 2024, selon laquelle «environ 1 100 décès prématurés par année seraient liés à un polluant atmosphérique non réglementé» à Montréal et Toronto. Ce polluant, ce sont les particules ultrafines.
L’étude attribue la production de ces particules principalement aux émissions des véhicules et des activités industrielles.
Toutefois, l’Agence Science-Presse publiait, aussi en 2024, les conclusions d’une autre étude montrant que les personnes vivant près d’un aéroport sont plus exposées à ces particules.
«Les moteurs d’avions produisent davantage de ce type de pollution que tous les autres types de moteurs», indique l’Agence Science-Presse, ajoutant que ces particules pouvaient augmenter le risque de maladies respiratoires et cardiaques, de diabète et de problèmes chez les femmes enceintes.
«Une façon de réduire cette pollution serait de modifier les carburants : par exemple, en y réduisant la teneur en soufre», avance-t-on.
Tout récemment, une étude de l’Université de Toronto, qui s’est penchée sur la qualité de l’air autour de l’Aéroport Billy-Bishop, en vient à des conclusions similaires, notamment que des pics de concentrations élevées de particules fines sont détectées dans les alentours du Quai Bathurst lorsque les vents proviennent de l’aéroport. Aussi, on y note que les avions non commerciaux, qui représentent 13% des vols, produisent 20% des particules ultrafines dû à la présence de gros émetteurs.
«C’est un sujet fondamental, mais personne ne veut en parler», déplore Julien Keller, de la Coalition.
Il avance de plus que les avions à pistons, auxquels ont recours les écoles de pilotage, utilise du kérosène qui contiendrait du plomb. Le regroupement a demandé au MET la quantité de kérosène employée à l’aéroport, mais n’a pas obtenu de réponse à cet effet. Elle a toutefois appris que des cuves contenant un total de 3,2 millions de litres de kérosène sont prévues avec le développement du terminal Porter Airlines.
Elle soulève aussi l’enjeu de sécurité qui sous-tend la présence de carburant en immenses quantités. «Ce seront des dizaines de milliers de tonnes de kérosène. Il faut savoir comment ça va arriver sur le site», relève Julien Keller.
Capteurs
Dans son Plan de durabilité environnementale, le MET s’engage à installer des stations de mesures de qualité de l’air sur le site.
«On ne va pas dire que c’est une mauvaise idée, mais le problème est : qui le fait? Ce devra être fait de manière indépendante, indique M. Keller. Et les appareils devront pouvoir capter les particules ultrafines : ça prend des équipements spécialisés et des experts.»
Membre active de la Coalition, Carole Ricard pointe aussi du doigt un élément manquant, afin de véritablement mesurer l’impact du nouveau terminal : des données avant sa mise en activité. L’aéroport n’est en ce moment pas doté de tels outils de mesure.
Depuis des années que la Coalition réclame une étude d’impact en la matière.
«Quand on fait une étude d’impact, on doit faire notre base line. Là, on est dans une urgence d’installation de ces appareils», avance Mme Ricard.
Questionné à ce sujet, le vice-président affaires corporatives, communications et marketing Simon-Pierre Diamond répond que le MET sera assisté d’experts externes dans sa stratégie en matière de qualité de l’air. Il confirme que les capteurs pourront détecter les particules fines.
«Nous planifions effectuer les premières mesures avant le début des vols commerciaux afin d’effectuer un comparable entre la situation actuelle et la situation future», annonce-t-il aussi.
Pas d’étude d’impact
’il n’y a pas eu d’étude d’impact, l’aéroport a récemment dévoilé un bilan de 413 tonnes de CO2 pour l’année 2022. L’exercice n’inclut toutefois pas les CO2 émis par les avions.
Dans le cadre du processus de certification Airport Carbon Accreditation (ACA), le prochain niveau prévoit d’ici deux ans la réalisation d’un bilan GES pour l’ensemble du site et mènera à un plan de décarbonation qui devra susciter l’adhésion des entreprises présentes à l’aéroport.
«C’est vraiment prendre les citoyens pour des imbéciles, s’est indignée la Coalition, par voie de communiqué en décembre. Pourtant, cela n’est pas compliqué à établir, ce bilan CO2 : il suffit de connaître le volume des carburants utilisés pendant une année et de faire une simple multiplication.»
Il déplore du même coup l’absence de prévision chiffrée des émissions de gaz à effet de serre, notamment le CO2, mais aussi d’autres polluants (NOx, particules PM2.5, etc.).
Du côté du MET, l’étude d’impact n’est pas une option. «Une étude d’impact pour une activité qui existe depuis près d’une centaine d’années n’est pas envisagée», expose M. Diamond, rappelant le nombre de mouvements aériens qui a diminué à Saint-Hubert comparativement aux années 2010 et avant.
«D’ailleurs, l’Agence d'évaluation d'impact du Canada s’est également penchée sur la question et a décidé de ne pas conduire d’évaluation d’impact pour ces mêmes raisons. Concrètement, il est plus judicieux de réaliser des bilans GES et analyses environnementales, des études de mobilité, des inventaires fauniques ou des études acoustiques, comme nous le faisons.»
Il rappelle que la flotte d’avions qui sera utilisée au MET par Porter Airlines est principalement constituée d’Embraer E195-E2. «Il s’agit d’un modèle d’avion de dernière génération parmi les plus efficients en matière de qualité de l’air et de consommation de carburant.»
Par ailleurs, le terminal aura, à l’ouest, sa propre station de distribution d’essence destinée à l’aviation commerciale. Elle est actuellement en construction. «Cette station est construite en confinement total, ce qui représente le plus haut standard de sécurité», assure-t-il.